« Je suis très chanceux! J’ai deux puits artésiens très productifs, mais je connais des producteurs dans la région qui manquent d’eau en ce moment et qui s’approvisionnent par citerne », affirme au téléphone Jean-François Roy, président de la Filière porcine coopérative et propriétaire de la Ferme Marjobert située à Sainte-Praxède, un petit village niché dans la région administrative de Chaudière-Appalaches.
Ceci est la troisième partie d'un dossier de cinq articles.
Écoutez également l'entretien du Coopérateur audio avec Jean-François Roy à ce sujet.
Nous sommes dans la semaine caniculaire du 19 juin 2024 qui affecte tout l’est du Canada. Il fait 44 °C ressentis à la ferme et, à l’intérieur de la porcherie, il fait 36 °C. « Deux journées de grande chaleur, ça peut aller, mais trois, quatre jours de suite, ça peut être dommageable. Si je n’avais pas modernisé mes bâtiments, y compris un système d’aération performant, j’aurais pu perdre plusieurs têtes», explique l’éleveur.
Naisseur-finisseur avec un cheptel de 350 truies, une pouponnière, un site d’engraissement de 1500 places sur les mêmes lieux, Jean-François Roy a investi plus de trois millions de dollars depuis 2006 pour moderniser ses bâtiments en accordant une importance spéciale à l’eau.
« Plus on gaspille de l’eau dans un bâtiment, plus elle se ramasse dans la fosse, et le transport de lisier est rendu très dispendieux. Alors ça vaut la peine de minimiser la quantité d’eau utilisée », poursuit le producteur.
Toutes les bêtes sont abreuvées avec des bols économiseurs d’eau. « La suce est dans le bol. Quand ça déborde, l’eau reste dans le bol et le porc boit ce qu’il y a dans le fond avant de retoucher à la suce », explique-t-il.
Mais c’est au lavage à l’eau chaude et à haute pression que le producteur estime réaliser de véritables économies de temps, dix heures de lavage par semaine, et d’eau, plus de 800 m3 par an qui ne rempliront pas la fosse, estime-t-il. Ce lavage rapide grâce au revêtement de plastique des bâtiments assure un environnement sain à son cheptel.
Le producteur a aussi acquis un autre site d’engraissement de 1500 places et il compte bien faire évaluer le débit du puits qui jouxte la porcherie pour ne pas être pris de court. Maire de son village, Jean-François Roy est aussi préfet suppléant de la MRC des Appalaches. Il croit que la gestion de l’eau sur le territoire est déjà un enjeu, même si la région regorge de lacs. « Plusieurs municipalités voisines ont été obligées de charrier de l’eau pour répondre à la demande ces dernières années. On creuse des puits, mais tout dépend de la recharge des nappes phréatiques », dit-il.
Selon Sylvestre Delmotte, agronome et consultant à Agriclimat, une organisation qui aide les producteurs à s’adapter aux changements climatiques en coopération avec le consortium scientifique Ouranos, la bonne nouvelle est que la majorité des entreprises agricoles possèdent des puits artésiens qui sont et seront les mieux rechargés au monde d’ici 2050. « Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas gérer l’eau de façon durable à la ferme », prévient-il. L’expert admet que certaines régions du Québec connaissent déjà des conflits d’usage entre les producteurs, les industriels, les résidents et la protection de la biodiversité comme c’est le cas dans Lanaudière ou encore en Montérégie.
Photo : ExposeImage
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