
Bien avant d’obtenir du quota de ponte d’œufs de consommation, Andréane Paquet avait déjà réservé le nom de sa ferme, Les Poulettes Paquet. Prévoyante, cette éleveuse en devenir!
Elle est fébrile et à la fois confiante et craintive dans les 1001 décisions à prendre – plan, emplacement, matériaux, fournisseurs, main-d’œuvre… Assise à l’îlot dans sa maison de Sainte-Croix, Andréane, 34 ans, reste tout sourire, car elle a 6000 raisons d’être heureuse : elle a remporté, en 2024, à sa quatrième tentative, le tirage au sort parmi les trois finalistes du programme d’aide au démarrage de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec en vigueur depuis 2006. Le gros lot : un quota de 6000 pondeuses, qui ne peut pas être acheté ou vendu, mais qui vaut un million et demi de dollars!
Cette diplômée en gestion d’entreprise agricole et en agronomie qui œuvre en financement a réussi à pondre, sans aide extérieure, un plan d’affaires de 80 pages en plus des annexes et à se faufiler parmi 25 candidatures. La réalité la rattrape. « Là, c’est vrai! Il faut magasiner des fournisseurs, négocier des prix, verser des acomptes! »
À ses côtés, Daniel Blais, expert en stratégies d’affaires avicoles chez Sollio Agriculture, se fait rassurant. Ici, le technologue suggère un drain de chaque côté de l’entrée danoise de manière à éviter la contamination du côté sale au côté propre quand on lave. Là, il recommande un système de lumières codifiées à l’extérieur du poulailler pour alerter l’éleveuse, chez elle, de la non-fermeture des luminaires dans le pondoir le soir ou du démarrage inopiné de la génératrice. « Les alarmes électroniques ne sont pas infaillibles », a constaté l’expert.
Surcoûts et extra
Sonnerie texto : c’est l’ingénieur, à qui Andréane a demandé de positionner la porte de l’entrepôt à fumier sur un côté parallèle au faîte de la toiture. C’est possible, tranche-t-il, pourvu qu’on dote l’ouverture, située sur un mur porteur, d’un linteau d’acier ou de bois lamellé-collé sur lequel reposeront les fermes de toit. « Je préférais cette option pour éviter de rallonger le chemin pour entrer par l’arrière. Sur le côté, je perds aussi moins d’espace cultivable. Ces économies compenseront le coût de la poutre. »
Sur les extra, Andréane reste vigilante pour respecter un budget de 1,8 à 2 millions de dollars. Elle n’a pas lésiné sur la ventilation, de type hybride. Des entrées et des sorties d’air seront présentes de chaque côté du poulailler. Pour diminuer la facture énergétique et améliorer la qualité de l’air et de la litière, l’avicultrice a prévu six échangeurs d’air récupérateurs de chaleur. « La bâtisse n’a pas beaucoup changé depuis les premières esquisses, mais les équipements bien davantage. Pour l’instant, j’aurai deux volières avec, selon la disponibilité du quota, la possibilité d’en installer une troisième. » Les premiers cocos sont prévus au plus tard en mars 2026.
Après avoir considéré des cages avec des enrichissements pour le bien-être, la volière l’a emporté. Au Québec, 18,6 % des pondeuses sont ainsi logées. Son futur acheteur, les Fermes Burnbrae, doit fournir à de grands joueurs de la restauration rapide des œufs de poules en liberté. L’avicultrice installe donc deux volières pour accommoder 14 500 pondeuses. Avec le boom de la consommation d’œufs, elle s’attend à remplir les unités plus rapidement.

Andréane fait un appel d’offres, pour un projet rémunéré à l’heure ou à forfait, auprès de trois entrepreneurs qui ont l’habitude des immeubles agricoles. « C’est important de les rencontrer et de discuter du projet, car on va travailler ensemble durant des mois », rappelle l’éleveuse. Préalablement, elle a visité une vingtaine d’aviculteurs, dont d’anciens lauréats de quotas de la relève. Daniel Blais, qui compte actuellement six clients qui changent de système de ponte ou qui rebâtissent, encense les éleveurs qui ouvrent leurs portes au bénéfice des nouveaux venus comme des anciens. « Des producteurs payent pour leurs erreurs de conception. C’est tout à leur honneur de partager leurs bons coups comme leurs moins bons. »
Andréane a passé sa jeunesse à l’entreprise laitière familiale, la Ferme Ste-Croix, médaillée d’or de l’Ordre national du mérite agricole en 2002. Dans l’ancienne laiterie de l’étable inoccupée depuis 2022, un kiosque de vente d’œufs pourrait être aménagé, de quoi occuper le conjoint d’Andréane, le menuisier et soudeur-monteur Benoit Cayer, et leurs filles, Charlie et Agathe. Ce projet agrotouristique a joué dans le positionnement du poulailler, bien visible, route 132. Andréane a également déjà prévu l’implantation potentielle d’un deuxième poulailler en positionnant l’aire de ramassage et la chambre à œufs du bon côté du bâtiment de services.
Lister ses priorités
Pragmatique, Andréane a listé ses priorités. « Ma première, c’est le budget, justifie la banquière. Les équipements sont financés sur 15 ans, le bâtiment sur 20 ans. Je magasine ou je réutilise des équipements d’occasion, par exemple une chaîne et une montée d’écureur, de même que l’empaqueteuse à œufs et un silo. Ça me permet d’économiser quelques dizaines de milliers de dollars. En deuxième lieu, c’est le marché. Je n’ai pas hésité à changer de système pour satisfaire la demande et ajouter de la valeur. Mon troisième critère, c’est le bien-être – le mien et celui des oiseaux. »
Sur ce point, l’éleveuse ne vise pas un rendement du capital investi en un minimum de temps. Elle ne vise pas le luxe non plus. Oui, elle a prévu une fosse pour une plateforme élévatrice qui facilite l’empilement des plateaux d’œufs, mais cet équipement attendra. Pareillement, un plancher chauffant serait parfait pour la frileuse des pieds, mais… l’option des pantoufles est considérée!
Photo : Étienne Gosselin
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