
Dans ma jeune vingtaine, j’étudiais au cégep en sciences pures. Je travaillais à la ferme familiale et je passais mes étés dans différentes entreprises. Je manquais de motivation, je me cherchais.
Un jour, j’ai eu la chance de croiser quelqu’un qui m’a convaincu de m’inscrire au baccalauréat en agroéconomie à l’Université Laval. C’est là que mes passions pour l’agriculture et pour l’implication se sont développées. J’étais entouré d’autres passionnés et, pour la première fois, j’ai compris la chance que j’avais d’avoir des parents qui possédaient une ferme… et qui étaient prêts à me la transférer un jour.
Mais, à cette époque, la ferme n’était pas assez grande pour m’y intégrer à temps plein après mes études. C’est pour cette raison que j’ai réorienté mes études afin de devenir directeur de comptes dans une institution financière, en attendant l’éventuelle retraite de mon père.
Et c’est là que tout a changé!
Voyant ma passion grandir et mon sérieux à devenir agriculteur, mon père a décidé de se lancer dans un projet un peu fou avec moi : l’acquisition d’une ferme trois fois plus grande que la nôtre. C’était juste avant la fin de mes études. Ma carrière de directeur de comptes n’a donc jamais vraiment décollé.
Arrivé à la ferme après l’acquisition, j’ai eu la chance de vivre pleinement ma passion au quotidien. C’était devenu ma raison de vivre. Je ne comptais pas les heures passées dans les champs, en formation ou dans différents organismes de producteurs. J’étais comme un athlète en quête de dopamine, je disais oui à tout. C’était facile : j’étais célibataire, je n’avais qu’à penser à moi.
Mais, comme bien des gens, le désir de partager ma vie avec quelqu’un – et une certaine pression de perpétuer la lignée familiale d’agriculteurs (peut-être une 9e génération!) – s’est imposé.
Heureusement, j’ai rencontré la perle rare. Mais j’ai vite réalisé que je ne pouvais plus vivre ma passion de la même façon. Je devais maintenant trouver un équilibre entre ma vie de famille et mon métier, ma passion. Comme bien des passionnés, j’ai connu ma part de frustrations et d’incompréhensions.
Pour sortir de cette impasse, j’ai décidé de lire des livres et de consulter des professionnels afin de mieux comprendre ce que je ressentais. Pour un agriculteur passionné, il est souvent plus facile de pelleter du fumier que de parler de ses émotions. Mais le jour où on réussit à franchir cette étape, après beaucoup de communications et de réalisations, la recherche d’un équilibre devient une priorité.
Il n’est pas toujours facile à maintenir… mais son atteinte est un objectif qui mérite d’être poursuivi.
Aujourd’hui, je réalise que la passion, c’est comme un sol en santé : si on la compacte – ou qu’on l’épuise – elle perd en productivité. Mais si on investit dans son équilibre, elle devient résiliente et durable.
Cet article est paru dans le Coopérateur de juillet-août 2025.
Photo : Patrick Dupuis