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Bâtir un poulailler en grand et pour longtemps à la Ferme avicole Benoît Fontaine

Début juin 2024, la carcasse de l’ancien poulailler fumait encore à la suite d’un gigantesque brasier quand une pelle mécanique commençait à excaver à côté ce qui deviendrait le plus grand poulailler au Québec sur le plus gros site d’élevage au Canada. Bienvenue à Notre-Dame-de-Stanbridge!

Dans la même année, Benoît Fontaine de la Ferme avicole Benoît Fontaine a construit deux nouveaux poulaillers à trois étages, ce qui porte son total à 12 bâtiments. En plus d’être aviculteur, l’homme est aujourd’hui président des Éleveurs de volailles du Québec.

Réglons la question du nombre d’étages : Benoît Fontaine n’exploite qu’un seul poulailler qui ne compte qu’un rez-de-chaussée. Les 11 autres sont à trois étages. Depuis des décennies, ces bâtiments tout en hauteur ont la cote au Québec, mais ne sont pas autorisés à l’ouest de la rivière des Outaouais par les Producteurs de poulet du Canada, souligne l’éleveur qui a dirigé ce syndicat de 2016 à 2022.

Parce que la superposition des étages permet des économies de terre arable, de matériaux et d’énergie pour le chauffage, Benoît Fontaine en aurait même pris… un quatrième! Il y voit une rationalité économique qui sert aussi l’argument écologique. « Pour mon poulailler à trois étages, les coûts de construction ont été de 50 $ le pied carré. Typiquement, ces coûts varient de 45 à 65 $, alors qu’on parle du double pour les poulaillers à un seul niveau. »

L’avenir n’est-il pas aux poulaillers de plain-pied où les camions pénètrent avec des équipements d’attrapage? « On développera des modes de chargement modulaire à l’image du transbordement dans les avions », rassure l’aviculteur. Au Québec, 81 % des poulaillers et 87 % des superficies proviennent de bâtiments multiétagés.


Le secteur avicole doit s’adapter rapidement à la hausse de la demande, qui s’élevait à 35 kg par personne en 2023. « Si on calcule une augmentation annuelle de 2 % du contingent national et que l’on considère que le Québec compte 2000 poulaillers, il faudrait 40 nouveaux poulaillers chaque année, calcule le syndicaliste. De plus, les nouveaux arrivants consomment plus de poulet que d’autres viandes comparativement aux Québécois de souche. »

Béton et électrons

Retour en arrière. Par une nuit fraîche, le 1er juin 2024, les éleveuses au propane du poulailler qui a brûlé démarrent. Un tison s’extirpe d’une éleveuse et va échoir dans la montagne de copeaux qui attend en prévision de l’entrée des oiseaux. L’incendie sera dévastateur. Benoît Fontaine perd trois lots d’élevage, y compris les vides sanitaires. Trois lots, c’est le court laps de temps qu’il mettra pour remettre sur pied un gigantesque poulailler.

Aujourd’hui, le chauffage est toujours au propane. Un tube radiant court parallèlement à l’entrée d’air où des tuyaux amènent l’air frais directement de la prise d’air au tube dans lequel s’effectue la combustion. Pour diminuer la facture et l’empreinte carbone de sa consommation de carburant fossile, Benoît a opté pour des ventilateurs échangeurs d’air et récupérateurs de chaleur sur chaque étage. L’échange thermique s’effectue dans des cellules de plastique dépoussiérées par un système automatisé.

Le projet est monumental : 820 mètres de murs, 10 000 morceaux de bois, 3000 feuilles de contreplaqué, 3995 mètres carrés (43 000 pieds carrés) d’acier pour murs et toitures, 46 bétonnières et 8000 tonnes de pierre concassée. La charpente et la finition intérieure ont été assurées par 20 charpentiers-menuisiers en 56 jours. Ancien enseignant ayant aussi bossé chez St-Hubert plus jeune, Benoît Fontaine a un faible pour la standardisation si chère au rôtisseur. Ainsi, ses trois plus récents poulaillers sont bâtis sur le même moule : les portes, les escaliers et les équipements sont aux mêmes endroits. Outre les quantités de matériaux pour ces constructions XXL, ce qui étonne l’éleveur est sans doute la connectivité dont elles jouissent. « Quand j’ai commencé en 2005, j’avais un téléavertisseur! Maintenant, les interfaces pour le paramétrage des conditions d’ambiance sont accessibles sur nos téléphones et même en espagnol pour nos travailleurs guatémaltèques! »

À son deuxième site situé à Stanbridge Station, l’éleveur s’ébahit de compter sur des poulaillers de 1955 encore bien droits. « Le secret pour des bâtiments qui durent, c’est le drainage au pourtour. Ils ne doivent pas avoir les pieds dans l’eau. » Patrice Viens, directeur avicole du Comptoir Agricole de St-Hyacinthe et d’Agiska Coopérative, en a vu des poulaillers dans sa carrière. Lui-même éleveur à Saint-Alphonse-de-Granby, il a décidé, pour la reconstruction de son poulailler à deux étages, de soutenir le plancher du premier étage avec des poutres d’acier transversales, abordables en 2014. Résultat : un espacement des poteaux de soutien aux 15 m (50 pi) plutôt qu’aux trois mètres (10 pi) dans les bâtiments standards à solives de bois. L’épandage de la litière et le pelletage du fumier s’en trouvent accélérés.

Avec les changements climatiques, on prévoit plus de précipitations et d’événements météorologiques extrêmes. Coup du hasard, quelques jours après le passage du Coopérateur chez Benoît Fontaine, la toiture d’un poulailler s’effondrait. Ce ne serait pas la neige, mais les bourrasques qui auraient provoqué le sinistre. Le poulailler érigé en 1972 sera reconstruit.

Il comptera encore trois étages!

Photo : Étienne Gosselin



Lisez le dossier « Les nouveaux poulaillers, plus ils changent, moins ils sont pareils! » :

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.