Prix relève Sollio : Bienveillance, reconnaissance et résilience à la Ferme Badat 2016
Si Roger Badat s’épanouit aujourd’hui en production laitière, c’est grâce à sa mère Reni Wildhaber. Le transfert de la ferme n’est pas une histoire « Cendrillon », mais une histoire de ferme qui renaît de ses cendres.
Suisses allemands d’origine, Reni et son ex-conjoint sont venus s’installer en 1993 au Québec grâce aux parents de Reni, Oskar et Berty, respectivement boulanger-pâtissier et restauratrice qui ont offert une généreuse mise de fonds pour établir le jeune couple à Kingsey Falls. Les années ont passé, le couple a eu quatre garçons : Manuel, Roger, Bénédict et Thomas, tous férus de mécanique. C’est finalement Roger qui a montré un intérêt pour la reprise de la ferme après deux diplômes d’études professionnelles en production laitière et en mécanique agricole.
Le divorce des parents de Roger, en 2017, jette toutefois une grande incertitude sur le transfert — surtout quand l’autre époux veut obtenir la moitié de la valeur marchande de l’entreprise. Heureusement, au même moment, Roger obtient un troisième diplôme, celui-là en gestion d’entreprise agricole du Cégep de Victoriaville. On change le statut juridique, passant d’une société en nom collectif à une compagnie incorporée (Ferme Badat 2016), ce qui facilite le transfert.
Tout cela est vite écrit, mais on devine la montagne d’émotions vécues par Reni et Roger. Ce dernier qualifie le transfert de « rock and roll » et sa motivation de vivre de l’agriculture de « fois 1000 ». À un certain point, la sous-performance de l’entreprise, peu endettée, mais presque plus capable de faire ses paiements en raison d’une MCR ayant plongé à 600, a même menacé sa viabilité. Résilience, c’est le mot qui caractérise la volonté de Roger de persister, aidé de son alliée et amoureuse, Maude Michaud, avec qui il est en couple depuis qu’ils ont 17 ans. Deux travailleurs du Guatemala complètent l’équipe — sans compter Reni qui fait la traite les fins de semaine et assure la surveillance des vêlages nocturnes, étant une couche-tard de nature!
Le cours en gestion a donné des ailes à Roger, qui structure l’entreprise à sa vision et mise sur des stratégies pour rogner les coûts et produire plus de lait par vache. L’étable à stabulation libre pour vaches taries et en préparation au vêlage vient tout juste d’être rallongée ce qui libérera dix places pour des vaches en lactation (quota de 140 kilos). Une moulange permet depuis 2020 de moudre le maïs-grain, d’acheter des grains, de fermer des prix dans des contrats, de sécuriser des marges. Alors que l’outil Lactascan permet de se comparer aux 25 % supérieurs, Roger mentionne qu’il aimerait se classer parmi les 1-2 % supérieurs, illustration de sa volonté d’amélioration continue. Acheter quelques hectares de plus pour parer aux sécheresses et diminuer le stress font aussi partie des plans — Roger a déjà soigné le dernier ensilage en faisant une coupe de foin!
Aujourd’hui, le fils est reconnaissant envers sa mère, qui a fait preuve de bienveillance envers son lui. « J’ai des frissons et des larmes quand je vois ce qu’est devenue la ferme, qui aurait pu arrêter », exprime Reni. Le climat est serein, l’énergie positive. Sur son bras, Reni s’est fait tatouer une rose des vents, question de ne plus perdre le Nord et de ne plus s’éloigner de ses priorités : bonheur et pérennité.
Photo par Christophe Champion
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