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Construire des poulaillers selon des normes et des règles

Depuis les débuts de l’aviculture commerciale dans les années 1960, les poulaillers ont grandement évolué. Évolution, révolution? Oui, ils ont muté, mais pas de manière disruptive si on les compare aux étables laitières où on est passé des vaches attachées dans des étables à plafond bas à des cathédrales aérées, lumineuses, mécanisées, robotisées!

Œufs et poulet, ces sources de protéines à plus faible impact environnemental, sont populaires auprès des consommateurs. En 2023, la production québécoise de poulet a atteint 508 millions de kilogrammes, en croissance de 5 %. Les cocos ont aussi la cote, l’allocation québécoise a d’ailleurs crû de 4,9 % en 2024. Pour fournir à la demande, il faudra plus de poulaillers, mieux conçus. Alors bottes à embouts de sécurité, dossard et casque : on part visiter des chantiers!



Revenu d’Allemagne où il a visité le salon EuroTier et quelques entreprises avicoles, l’agronome Éric Dion de Sollio Agriculture était bien en verve sur les poulaillers du futur. S’il a vu des installations qui ne se distinguent pas fondamentalement des nôtres, les notions du bien-être animal et de la gestion de carbone étaient visibles partout – à la construction des bâtiments et à leur exploitation.

« Construisons en nous demandant quelles sont les règles aujourd’hui et celles qui sont les plus susceptibles d’être en vigueur dans 5, 15 ou 25 ans, avance le directeur des stratégies commerciales du secteur avicole. C’était plus facile d’ériger un poulailler il y a 15 ans. De nos jours, les changements sont plus fréquents : règlements des syndicats spécialisés, normes de qualité des abattoirs ou des classificateurs d’œufs, exigences de bien-être ou de salubrité des acheteurs, demandes de la société, etc. »

Le bien-être animal

Les normes en matière de bien-être animal ne vont pas en s’assouplissant. Éric Dion suggère donc de lire le Better Chicken Commitment (BCC), un cahier des charges aussi précis que succinct. Fruit du travail d’organisations européennes, il a été adopté par plus de 200 entreprises qui transforment et commercialisent du poulet. Le cahier énonce des normes plus contraignantes que les codes de pratiques du Conseil national pour le soin aux animaux d’élevage (CNSAE) qui s’en tiennent parfois à de grands principes. Par exemple, le BCC prescrit une densité maximale de 30 kg/m2 alors que le CNSAE préconise une densité de 31 kg/m2 pouvant aller jusqu’à 38 sous certaines conditions. Le BCC recommande des enrichissements (perchoirs, plateformes ou bottes de paille) accessibles dès l’âge de 10 jours. Et alors que les normes européennes du BCC conseillent une luminosité d’au moins 50 lux incluant de la lumière naturelle, les normes canadiennes et états-uniennes n’exigent pas de fenêtres ni d’ouvertures extérieures.

Parlant de luminosité, le conseiller technique Marc Drolet de BMR Agrizone souligne l’importance de l’éclairage artificiel non seulement sur le bien-être animal et humain, mais sur la productivité du troupeau. Par exemple, la gamme de luminaires écoénergétiques au DEL Blue Line qu’il propose se décline en tubes de couleurs (longueurs d’onde) et de puissances (watts) différentes.

Au pondoir, la conception intérieure est aussi appelée à changer pour mieux favoriser le bien-être des poules en fin de vie. Directrice de la production à la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, Lise-Anne Girard chapeaute un projet pilote d’utilisation de cageots de transport pour les pondeuses de réforme. Les cageots de 83 cm sur 98 cm, mobiles et empilables, sont déplacés entre les rangées pour diminuer les manipulations et en faciliter le chargement. Conséquemment, le dégagement entre les rangées des nouveaux poulaillers se doit d’être suffisant.

La naturalité

« Au-delà du bien-être, on parle de plus en plus de naturalité, c’est-à-dire du potentiel de l’animal d’exprimer ses comportements naturels, explique Sébastien Fournel, professeur au Laboratoire sur les bâtiments agricoles durables de l’Université Laval. Dans l’idéal, on placerait ces animaux à l’extérieur, mais les contraintes sont nombreuses – influenza aviaire, froid, neige, coûts, etc. Dans notre laboratoire, pour “amener le dehors en dedans’’ et garder un contrôle sur l’alimentation, l’abreuvement et les conditions d’ambiance, on commence par la lumière naturelle. On teste actuellement des toitures translucides qui offrent aussi un pouvoir isolant. Mais comme le soleil peut générer un stress thermique, on imagine l’utilisation d’arbres dans le bâtiment pour rafraîchir les animaux. »

Le rêve ne s’arrête pas là. « Les surfaces dures comme le béton entraînent des problèmes locomoteurs. Les litières accumulées, compostées ou matelassées améliorent le confort. » Les équipements qui font jouer et bouger les volatiles – ballons, perchoirs, grattoirs – participent aussi à la naturalité.

Les nouveaux règlements

Les règlements sont toujours plus nombreux et contraignants. Par exemple, en 2024, les Éleveurs de volailles du Québec (ÉVQ) ont publié de nouvelles directives : obligation pour les poulaillers de trois étages d’installer des balcons en acier galvanisé aux portes et des ancrages pour harnais et de mettre une toilette chimique ou un bloc sanitaire à la disposition des équipes de capture, des camionneurs, des intervenants et des employés – des mesures de bien-être humain élémentaires.

Chez Olymel, il n’y a pas de règlements dûment écrits, mais Stéphanie Couturier, vice-présidente aux communications, ajoute quelques clauses avant de signer un contrat d’approvisionnement, notamment l’accès aux zones de chargement pour faciliter l’approvisionnement. Éric Dion lui fait écho. Il suggère de discuter avec les fournisseurs et les camionneurs pour aménager les voies de circulation, anticiper les bancs de neige, tenir compte des vents dominants, etc.

Tous les intervenants ont des idées à partager avec nous sur le poulailler idéal. « On construit ou on rénove un poulailler en s’inscrivant dans une filière », rappelle l’agronome.

Photo : Étienne Gosselin



Lisez le dossier « Les nouveaux poulaillers, plus ils changent, moins ils sont pareils! » :

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.