« Les producteurs pensent que les haies agroforestières diminuent les rendements, s’approprient l’eau, les nutriments et la lumière, qu’elles ne sont pas rentables et qu’elles nuisent aux drains et aux opérations au champ, rapporte David Rivest. Tout ça est faux! »
Ce chercheur en agroforesterie étudie les fonctions écologiques et l’effet de compétition entre les arbres et les cultures pour les ressources ainsi que les bienfaits de la présence des arbres pour les cultures. La littérature scientifique et les parcelles qu’il scrute à la loupe indiquent qu’à quelques mètres des haies, les rendements sont en effet plus faibles, mais qu’ils sont ensuite influencés positivement.
« Après l’analyse de 744 années provenant d’études de différentes régions tempérées du monde, on calcule que l’amélioration moyenne des rendements est de 15 % », indique le scientifique rattaché à l’Institut des Sciences de la Forêt Tempérée de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Les augmentations peuvent atteindre 12 % dans le maïs, 16 % dans le soya, 22 % dans le blé d’automne et 56 % dans les fraises!
Les haies brise-vent
L’effet des haies brise-vent a été mesuré en conditions québécoises par la sommité en la matière, le chercheur André Vézina rattaché au Centre de développement des bioproduits Biopterre. Pour certaines cultures, l’augmentation du rendement est parfois spectaculaire (10 %, 20 % ou 30 %) et elle est observée sur les cultures aussi loin que 10 fois la hauteur de la haie brise-vent!
À Wakefield, David Rivest et son groupe de recherche ont mesuré un rendement 45 % supérieur lors de la coupe de foin de juillet et de 15 % dans un régime à deux fauches, cela pour une simple haie de saules de 2,5m de hauteur! L’intensité de l’effet est due à de nombreux facteurs, dont l’essence, la densité ou la porosité, la hauteur et la compétitivité des racines face aux cultures.
Différents mécanismes expliquent les meilleurs rendements, dont :
- la protection des effets desséchants du vent (moins d’évapotranspiration);
- l'augmentation de la température de l’air;
- le meilleur couvert de neige pour protéger les cultures et recharger la nappe phréatique;
- la diminution de la verse des céréales;
- la meilleure pollinisation;
- l'amélioration de l’habitat pour des prédateurs de ravageurs.
L’exemple de la Ferme Bertco
L’un des endroits où nature et cultures se côtoient, c’est chez Jacques Côté de la Ferme Bertco, à Baie-du-Febvre. Ce fervent de la haie a décidé en 2012 de planter des bordures de champ qui ceinturent huit hectares d’argile Rideau et de sable loameux Courval divisés par trois rangées espacées de 40 mètres entre elles – trois autres rangées ont été ajoutées en 2021 dans une autre parcelle.
Également producteur laitier, Jacques Côté estime que si les producteurs veulent respecter leur engagement de carboneutralité d’ici 2050, les arbres et les pâturages feront partie de l’équation. « Le sylvopastoralisme diminuera et compensera nos émissions de GES », pressent-il.
Chez ce producteur, différents capteurs connectés au laboratoire de David Rivest enregistrent une foule de paramètres :
- la luminosité
- la température
- le taux d’humidité à 5, 10 ou 15 m du centre des haies
Les haies sont quant à elles composées de quatre clones de peupliers hybrides d’une cinquantaine de centimètres de diamètre (on les récoltera d’ici deux ans) et de six sortes de feuillus nobles (chênes, caryer ovale, noyer noir et érable à sucre).
Le cernage
Dans les premiers mètres, l’interaction entre les racines des arbres et les cultures est réelle. On y remédie par le cernage avec une sous-soleuse à une dent travaillant à 75 cm de profondeur et à 2,5 m de la haie. L’outil tranche les racines superficielles, les obligeant à plonger. À la Ferme Bertco, on a cerné quatre fois (2018, 2019, 2021 et 2022). Résultat : 15 % plus de fourrages!
Photo par Étienne Gosselin
CE TEXTE fait partie du dossier « Il faut se parler d'arbres en agriculture » paru dans le magazine Coopérateur de mai-juin 2023.
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