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Les défis en série du dindon

Pierre Bessette, directeur des approvisionnements chez Olymel, jongle habilement, lui qui, avec une équipe de 14 personnes, veille à se faire rencontrer la demande et l’offre du gros volatile, plus difficile à gérer que son parent de moindre taille, la poule. « De l’incubation à la production, le dindon nécessite six mois, comparativement à huit semaines pour le poulet. Ajoutons aussi qu’il y a moins d’éleveurs, de poulaillers, de couvoirs et d’abattoirs pour s’ajuster! »

Si les défis de la filière sont nombreux, Pierre Bessette en mentionne deux : l’approvisionnement en dindonneaux et la qualité des carcasses. Comme il faut trois dindes pour chaque dindon, la demande de femelles est plus grande au Québec. Des dindonneaux doivent provenir de l’Ontario et des États-Unis, où la demande de viande s’est accrue et où des épisodes de grippe aviaire ont affecté des troupeaux reproducteurs, comme au Québec, à Saint-Gabriel-de-Valcartier. « On ne peut pas prendre des mâles au fort potentiel génétique et les abattre après 70 jours de croissance comme les femelles ou, inversement, mener des femelles à 125 jours de croissance sans affecter la conversion alimentaire », explique le directeur, qui mentionne au passage deux découpes à découvrir : les lanières et les médaillons.

Ensuite, la filière québécoise a tendance à produire moins d’oiseaux de catégorie Canada A et plus d’oiseaux de catégorie Canada Utilité, dont la peau ou les muscles sont parés. Les imperfections notées par le service d’inspection fédérale font l’objet de procédures normées – les inspecteurs ne sont pas plus sévères ici qu’ailleurs. Aussi bien Pierre Bessette qu’Éric Dion, agronome de Sollio Agriculture, se perdent en conjectures sur les boutons et kystes au bréchet, causes du déclassement. Vraisemblablement, le problème serait multifactoriel. Qualité génétique des oiseaux, sélectionnés pour une croissance trop rapide? Vides sanitaires écourtés? Âpreté de la litière, renouvelée à tous les élevages au Québec, alors qu’aux États-Unis elle n’est que rafraîchie? Entassement, densité d’élevage, ventilation, programme lumineux, conditions climatiques rigoureuses?

Les Éleveurs de volailles du Québec (ÉVQ) dirigent un comité qui étudie l’épineuse question, car le Québec serait un cancre en Amérique du Nord, comme le révèlent les comptages standardisés. Or, le déclassement occasionne des pertes financières aux éleveurs et un parage long et coûteux – un cauchemar pour le directeur d’Unidindon, Pascal Courville. Ce comptable de formation doit souvent réduire la vitesse de la chaîne d’abattage et d’éviscération, capable d’aller au rythme moyen de 32 oiseaux à la minute. Or, quand plus de 25 % des oiseaux doivent être parés, la chaîne est réduite à 20-25 dindons à la minute, et d’importantes ressources humaines sont monopolisées, au détriment du désossage. « La qualité des oiseaux freine la capacité de l’usine et la filière dans son ensemble, estime celui qui parle de qualité depuis 10 ans. Les kystes empêchent même la mécanisation du désossage, comme cela se fait ailleurs dans le monde. » Étant donné la pénurie de main-d’œuvre chez Unidindon, des morceaux et même des poitrines entières prennent la direction d’autres usines pour être parés et mis en marché, une valeur ajoutée qui est bradée.

La directrice générale des ÉVQ, Marie-Ève Tremblay, assure que « la volonté de régler le problème est là, car personne n’a intérêt à ne pas le régler ». Elle révèle qu’un sondage sur les pratiques propres à chaque ferme est en préparation « dans le but d’isoler des facteurs ». Elle appelle aussi à plus de collaboration et de transparence de la part de tous les maillons de la filière. À l’heure actuelle, il n’existe ni prime ni démérite financier pour la qualité.

Photo par Étienne Gosselin : Pascal Courville, directeur d'Unidon, copropriété d'Olymel et Exceldor depuis 1998.


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Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.