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Ferme de Ste-Victoire : Ambassadrice des bandes riveraines

Agiska Coopérative

Les propriétaires de la Ferme de Ste-Victoire, membre d’Agiska Coopérative, ont aménagé des bandes riveraines améliorées pour protéger les cours d’eau qui sillonnent leurs terres. Le succès est au rendez-vous.

La discussion s’amorce au son du croassement des grenouilles, du chant des hirondelles bicolores et du vrombissement des insectes qui peuplent la bande riveraine longeant les ruisseaux qui s’écoulent le long des terres de la ferme de Sainte-Victoire-de-Sorel.

L’un des propriétaires, Renaud Péloquin, pensif, songe à la génération qui le suivra, la neuvième, qui s’établira peut-être un jour sur cette terre. Du moins, il l’espère. L’entreprise, qu’il gère avec sa sœur Maude et son conjoint Michaël, fera une belle place à leurs enfants s’ils souhaitent s’y établir.

Ensemble, Renaud, Maude et Michaël cultivent du maïs, du soya et du blé d’automne sur 405 ha en propriété et 130 ha en location. Ils possèdent également 150 ha en bois. Ils produisent du veau de grain depuis une vingtaine d’années.

Des bandes riveraines pour protéger l’environnement

Sous l’impulsion de Renaud, 38 ans, la ferme de huitième génération a commencé en 2018 un projet de revitalisation des berges des cours d’eau et des fossés avec l’implantation de bandes riveraines améliorées. Rosiers, sureaux, arbustes, arbres fruitiers et de multiples autres plantes garnissent ces bandes de cinq à dix mètres de largeur de part et d’autre des ruisseaux. Des nichoirs à hirondelles y sont également installés.

La variété et l’alternance des végétaux favorisent la présence de pollinisateurs en plus de celle d’autres insectes bénéfiques qui s’attaquent aux ravageurs des cultures. En prime, les bandes riveraines accroissent la biodiversité.

« Une étudiante, Amélie Morin, a effectué une étude de doctorat de deux ans sur la survie des bourdons, partage Renaud. Conclusion : il faut une diversité de plantes pour bien nourrir ces pollinisateurs, pour les renforcer. » On y a en plus découvert la présence du bourdon terricole, une espèce rare que Renaud, Maude et Michaël veulent contribuer à protéger. En 2016, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a déterminé que le bourdon terricole était une espèce préoccupante.

« Ce sont en fait les cours d’eau verbalisés assujettis à la réglementation des bandes riveraines que nous avons améliorés ou bonifiés à quasiment 100 % plutôt que de nous contenter de maintenir la distance d’un mètre réglementaire, précise Renaud, ancien finissant d’une cohorte du Fonds coopératif d’aide à la relève agricole (FCARA). Ça représente au total près de neuf kilomètres linéaires, soit six hectares de terre. L’eau des ruisseaux est propre, il y a des petits poissons, des ménés. Il y a de la vie. » Les enfants de Renaud et de Maude (ils en ont chacun deux) adorent découvrir cette faune et flore qui foisonnent.

« Je veux que notre entreprise soit résiliente face aux changements climatiques pour la génération qui nous suit », lance Renaud avec conviction, lui qui occupe depuis avril 2023 le poste Relève au conseil d’administration d’Agiska Coopérative.

Lors de fortes pluies, sans bandes riveraines, le sol, les engrais et les produits de protection ruissellent directement dans les fossés, puis dans les cours d’eau, avec les conséquences environnementales que l’on sait.

Renaud ne se souvient que trop bien des 100 mm de pluie tombés en l’espace de 24 heures, et même, tout récemment, des 160 mm qui se sont abattus sur ses terres dans le même laps de temps.

Implanter les bandes riveraines

Au tout début, Renaud admet qu’il ignorait comment s’y prendre pour aménager des bandes riveraines. « Il faut bien se préparer et faire faire un diagnostic, affirme le diplômé en agroéconomie de l’Université Laval. Une bande riveraine composée d’arbustes et de fleurs, c’est là pour des années. C’est comme pour un tatouage, avant de se décider et de se lancer, il faut bien y réfléchir! »

« J’ai travaillé le sol et installé le paillis de plastique, dit-il. On a eu l’appui de plusieurs organismes du milieu pour l’aménagement et le financement. Ils sont venus installer les plantes. Puis ils font le suivi. Ils procèdent également à une partie de l’entretien et remplacent les plantes qui succombent à la sécheresse, par exemple. » (Voir l’encadré)

D’autres pratiques environnementales

Renaud pratique le semis direct sur 50 % des terres de l’entreprise et sème des cultures intercalaires. Dans le maïs, il ensemence un mélange de trèfle, de radis décompacteur et de ray-grass. Après la récolte du blé d’automne, il sème un engrais vert.

« On pratique le travail minimum du sol, exprime le volubile producteur. J’utilise moins de machinerie. Nos terres n’ont pas vu de charrues depuis longtemps. Les battages sont donnés à forfait. C’est moins cher que de posséder l’équipement. En revanche, pour les travaux de sol et les semis, on possède tous nos équipements. La période des semis est cruciale. Quelques jours peuvent avoir une incidence énorme sur le rendement. »

La diminution et le fractionnement de l’azote sont également au nombre des efforts que Renaud met de l’avant pour réduire les émissions de protoxyde d’azote (N2O), un important contributeur au réchauffement climatique.

La Ferme de Ste-Victoire est une ferme pilote d’Agriclimat. Son bilan carbone a été réalisé et les propriétaires souhaitent continuer à réduire ses émissions de GES tout en améliorant la santé des sols et à en conserver la matière organique. « Des recherches démontrent qu’on a encore beaucoup à apprendre sur ce que contiennent nos sols et les fonctions de tous les microorganismes qui le peuplent », exprime Renaud qui s’inspire de certaines pratiques de l’agriculture biologique.

Des gestes récompensés

Les travaux des propriétaires de la Ferme de Ste-Victoire ont été récompensés en 2021 par une bourse AgrEAUresponsable Or Desjardins, catégorie projet exceptionnel, de 10 000 $. Les bourses AgrEAUresponsables sont une initiative de la Fédération de l’UPA de la Montérégie en collaboration avec Desjardins.

Ces bourses récompensent les entreprises agricoles qui réalisent des aménagements durables qui remplissent l’objectif d’améliorer la qualité de l’eau et de la biodiversité et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) est venu à la ferme s’inspirer des pratiques de Renaud, de Maude et de Michaël. Le MAPAQ a également fait un arrêt dans l’entreprise pour rendre compte des aménagements mis en place.

Véritable ambassadeur des bandes riveraines, Renaud se plaît à donner de multiples conférences sur le sujet et à inviter quiconque s’y intéresse à visiter sa ferme.

« C’est plus facile de vendre l’idée en la présentant directement à des producteurs sur le terrain, lance-t-il. Quand des producteurs viennent visiter ma ferme, ils voient comment ça peut s’appliquer. Quelles plantes faut-il semer, comment faut-il faire? C'est la meilleure façon de faire connaître ce type d'aménagement. »



L’appui du milieu

Pour mettre en place son projet de bandes riveraines améliorées, la Ferme de Ste-Victoire a bénéficié du soutien d’organismes du milieu, notamment d’ALUS Montérégie. ALUS, qui signifie Alternative Land Use Services, est une initiative canadienne qui vise à faire reconnaître que les producteurs agricoles ne produisent pas que de la nourriture. Ils permettent également, par leurs pratiques de conservation, de développer des services écosystémiques qui procurent des bienfaits précieux aux citoyens.

Elle a également obtenu l’appui financier du programme Prime-Vert du MAPAQ qui a permis de couvrir de 75 à 90 % des coûts d’aménagement des bandes riveraines. Ainsi, pour un investissement total de 120 000 $, l’entreprise a en réalité déboursé 10 000 $. L’Initiative ministérielle de rétribution de pratiques agroenvironnementales, également du MAPAQ, leur a accordé 18 000 $. « Ce programme a compensé les 10 000 $ sortis de nos poches et diminue notre coût “environnemental” d’avoir changé six hectares de terres cultivables en des milieux pour la biodiversité, souligne Renaud. Si le programme se poursuit dans les prochaines années, car la première entente se termine en 2025, notre transition sera à coût nul. Bref, les revenus en moins des cultures sont compensés par ce programme. Ce qui est pour nous un très bon incitatif pour faire implanter des bandes riveraines. »

En plus de l’appui d’Agiska Coopérative, la Ferme de Ste-Victoire a profité du soutien du Groupe ProConseil et du comité du bassin versant de la rivière Pot au Beurre.


 

Bandes riveraines

 
Photos par Patrick Dupuis : (Photo d'en-tête) Les propriétaires de l’entreprise : Renaud, sa sœur Maude et son conjoint Michaël. Renaud est agroéconomiste, diplômé de l’Université Laval. Maude est comptable agréée, diplômée de HEC Montréal. Michaël, plombier de formation, est à la ferme à temps plein depuis deux ans. (Photo du bas de l'article) Bande riveraine à la Ferme Ste-Victoire.  

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

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