Aller au contenu principal

Malgré Donald Trump, le marché américain est là pour de bon

« Pour le moment, la majorité de nos membres et leurs produits ne sont pas touchés par les tarifs du président Trump. On est en attente de la renégociation de l’ACEUM », explique Martin Lavoie, directeur général de Groupe Export agroalimentaire, qui regroupe 450 membres.

Près des trois quarts des exportations du Québec, sur un total de 12,6 G$ en 2024, traversent le sud de la frontière. « Il faudra attendre les chiffres de 2025 pour voir les effets de la guerre tarifaire, mais ça devrait baisser en raison de toute l’incertitude », précise le directeur général, alors que les efforts promotionnels du Groupe visaient en majorité le marché américain depuis des années.

Chose certaine, le président Trump change le plan stratégique du Groupe Export. « Le marché américain représente 72 % de nos exportations agroalimentaires. C’est énorme. Le but n’est pas d’être à 15 % dans dix ans, mais peut-être à 60 % », dit-il. Mais développer de nouveaux marchés ne se fait pas en claquant des doigts, question de goût, de culture et de moyen de transport pour livrer la marchandise soit en camion au sud de la frontière versus outre-mer, en avion ou en bateau.

« Des canneberges, c’est un ingrédient relativement facile à exporter dans 60 pays. Mais les tartes au sucre exportées chez Wal-Mart aux États-Unis, on les envoie où ? », poursuit Martin Lavoie. Il dit explorer entre autres du côté des Philippines, de la Corée du Sud, en Asie et aussi en Europe où de nombreux consommateurs irrités par l’attitude du président américain cherchent à substituer par exemple des sauces BBQ « made in USA ».

Et il y a le Mexique, le troisième amigo de l’ACEUM. Invitées à ce Sommet, deux conférencières et représentantes de la chaîne d’épicerie H-E-B Mexico, 3,250 millions de dollars E. U. de chiffre d’affaires annuel, 87 magasins, sont venues faire du démarchage au Québec et en Ontario. « Elles viennent visiter notre entreprise demain à Montréal », confie Isabella d’Ovidio, directrice ventes et marketing pour Les Aliments Rustica, deuxième marque nationale de pizza congelée au Canada, et dont les produits pourraient potentiellement côtoyer les tacos au pays de Pancho Villa.

La facture d’épicerie du président

Selon Christophe Lafougère, directeur général, GIRA, une firme de consultants française spécialisée dans la recherche prospective et stratégique des chaînes alimentaires, le Canada est la source de 20 % des importations agricoles et agroalimentaires des États-Unis. Le souhait du président Donald Trump de se passer des produits canadiens ou encore, en instaurant des tarifs au minimum de 10 % en vue de rapatrier, par exemple, la production boulangère aux États-Unis, ne tient pas la route. Avec ce tarif, Rabobank estime la hausse potentielle à 7 % pour le pain et les pâtisseries importés du Canada aux États-Unis.

De plus, d’après Rafael Jacob, également conférencier invité à ce Sommet, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM et spécialiste en politique américaine, l’expulsion massive décrétée par le président des travailleurs immigrants qui récoltent les fruits et légumes et traient les vaches risque de faire augmenter la facture d’épicerie des Américains. « Le président est coincé entre sa base MAGA à qui il a promis l’expulsion massive des immigrants clandestins et les intérêts économiques de sa base agricole », a-t-il précisé dans une courte entrevue téléphonique.

Alors que l’actuel occupant de la Maison-Blanche chamboule la planète, le marché américain est là pour de bon en raison de sa géographie et de sa taille. Les conséquences potentielles pour le Canada sont une baisse des exportations de certains produits, une baisse des prix de certaines commodités et un gel des investissements, évalue Christophe Lafougère. « En même temps, Trump sera-t-il là dans quatre ans ? » questionne-t-il.

Photo de Juan Pablo, San Martin : Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM et spécialiste en politique américaine



Quelles sont vos émissions de GES ?

La transition climatique des entreprises agroalimentaires semble hors du radar dans le contexte actuel de guerre tarifaire. Cependant, elle est une nécessité pour envisager les marchés d’exportation, selon un récent sondage Léger et Inno Centre dévoilé au 3e Sommet de l’exportation agroalimentaire1.

Le calcul d’une empreinte carbone permet d’identifier et de mesurer les sources de GES dans la fabrication des produits et dans la chaîne d’approvisionnement. Quelque 70 % des incitatifs pour induire des efforts de réduction de GES des exportateurs québécois proviennent des exigences des clients ou des fournisseurs provenant surtout de l’Europe, qui s’est engagée à être carboneutre d’ici 2050, et des États-Unis.

Les entreprises ont tout intérêt à mesurer leur empreinte carbone, mais par où commencer a demandé une représentante de la compagnie Fumoir Grizzly lors du dévoilement du résultat du sondage ? Le processus est exigeant puisqu’il s’agit de récolter de nombreuses données sur les GES émis dans et par l’entreprise jusqu’à ses fournisseurs et il peut prendre de 100 à 200 heures.

Éric Waterman, vice-président Agroalimentaire, Inno Centre, a indiqué qu’un programme d’accompagnement des entreprises existait pour faire ce bilan gratuitement, grâce au financement de deux ministères (MAPAQ, MELCCP) et à la collaboration du Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie (CIRAIG).

1 https://www.newswire.ca/fr/news-releases/les-actions-durables-des-entreprises-agroalimentaires-exportatrices-reconnues-par-les-marches-internationaux-841948252.html

Nicolas Mesly

Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.
nicolasmesly@gmail.com
Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.