La Nouvelle-Zélande, tout comme le Québec et le Canada, ambitionne de devenir une économie carboneutre d’ici 2050. Mais plus de la moitié de ses émissions de GES provient de l’agriculture, un secteur qui fait tourner son économie et qui est le fer de lance de ses exportations.
Le gouvernement de ce petit pays, qui compte plus de vaches et de moutons que d’habitants, envisage de taxer les agriculteurs pour les émissions de leurs bêtes, une première avec le Danemark dans le monde. La pilule est dure à avaler pour deux éleveurs laitiers rencontrés.
Ceci est la première partie d'un dossier de six articles.
L’agriculture contribue à un peu plus de 53 % des émissions de GES en Nouvelle-Zélande. La possibilité de taxer les agriculteurs pour les émissions de GES de leurs bêtes, en particulier le méthane produit par les quelque dix millions de vaches et 26 millions de moutons, a constitué un enjeu électoral controversé lors des dernières élections au pays en octobre 2023.
Les éleveurs néo-zélandais ont transformé les deux îles principales de leur pays en deux immenses pâturages situés en plein milieu du Pacifique. Près de 95 % de la production laitière du pays est transformée puis exportée. En 2023, les exportations agroalimentaires ont atteint un record de 57,4 milliards $ NZ1.
Les produits laitiers y compris le lait entier en poudre, la poudre de lait écrémé, mais aussi le beurre, le fromage et les préparations pour nourrissons représentent près de 45 % de ces exportations, tandis que la laine tout comme la viande d’agneau et de bœuf comptent pour plus de 20 %.
« La grande inconnue demeure comment le pays va taxer les agriculteurs pour les émissions de GES de leurs bêtes. Il n’y a pas encore d’entente. Mais il est clair que si la question n’est pas réglée par le gouvernement, celle-ci devra être gérée par les transformateurs à travers le prix du lait à la ferme basé sur différents indicateurs qui vont inclure les GES », explique Susan Kilsby, agroéconomiste à la banque ANZ.
La coopérative géante Fonterra, premier exportateur de lait entier en poudre de la planète, réduit ses émissions de GES en remplaçant le charbon par des granules de bois dans certaines de ses usines de transformation. Mais la très grande majorité de ses émissions provient des agriculteurs.
Annabelle Cray, porte-parole de l’entreprise, indique que 88 % de ses 8000 membres sont équipés d’un plan environnemental sur mesure amorcé il y a cinq ans. Ce plan, calqué sur les exigences gouvernementales, englobe la réduction des émissions de GES à la ferme, l’amélioration de la santé des sols et de la qualité de l’eau et la préservation de la biodiversité. La coopérative vise 100 % d’adhésion d’ici la fin de 2025.
Le magazine Coopérateur s’est entretenu avec le producteur d’élite Matt Ross, membre de Fonterra et copropriétaire avec sa conjointe de Kokoamo Farms qui compte 1800 vaches. Pour cet éleveur, détenteur d’un diplôme en agronomie de l’Université Massey, la recherche et développement et les technologies mises au point pour faire de la gestion de précision tant des pâturages que des systèmes d’irrigation sont au cœur de la rentabilité des fermes, de la réduction des GES et de la protection de l’environnement.
Mais la perspective du gouvernement de taxer les éleveurs pour les émissions de GES de leurs bêtes, elle, lui semble absurde. « Nous ne produisons pas de pétrole, nous nourrissons le monde! », commente-t-il. Selon l’organisation New-Zealand Trade and Enterprise, le petit pays alimente 40 millions de consommateurs autour du globe.
1 Un dollar néo-élandais = 83 cents canadiens.
Photo par Nicolas Mesly
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