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L’étoile de Fonterra brille à nouveau

Fer de lance des exportations et joueur incontournable de l’économie néo-zélandaise, Fonterra a vu son étoile pâlir dans la voie lactée.

En 2023, la coopérative laitière néo-zélandaise a glissé de la 6e position à la 9e position avec plus de 14 milliards $ US de revenus, juste devant Saputo (10e position), quoique supplantant de plusieurs longueurs Agropur (15e rang), au palmarès des 20 principaux transformateurs laitiers de Rabobank1.

Ceci est la sixième partie d'un dossier de six articles.



Après avoir investi tous azimuts autour du monde durant plusieurs années, l’entreprise s’est départie de ses fermes en Chine et de sa coentreprise avec Beingmate, un fabricant de lait en poudre, en 2021. « L’aventure nous a coûté environ 100 000 $ NZ2 par entreprise laitière », estime l’éleveur John Gregan, membre de Fonterra.

La coopérative géante vient de conclure la vente de l’entreprise chilienne Soprole et elle s’est aussi départie d’une coentreprise avec Nestlé au Brésil, vendue à Lactalis. « Le capital limité de la coopérative a servi à construire de nouvelles usines autour du globe pour transformer plus de lait au lieu de se concentrer sur la mise en marché et de créer des marques fortes auprès des consommateurs », notent les auteurs d’une étude de TDB, une firme de consultants, sur le secteur laitier néo-zélandais.

En même temps, les parts de marché intérieur de Fonterra ont fondu de 95 % à 79 %, souvent au profit d’entreprises à capital-actions concurrentes. « Pour éviter que Fonterra soit un monopole, notre coopérative était obligée de livrer du lait aux entreprises concurrentes, mais une directive gouvernementale a fait sauter cette exigence », explique John Gregan.

La coopérative a donc recentré ses activités sur le marché national, le développement de marques auprès des consommateurs tout en produisant des ingrédients laitiers et nutritionnels pour le marché international.

Cette série de mesures lui a permis de réduire sa dette nette de moitié à 3,2 milliards $ NZ et de passer d’un ratio d’endettement de près de 50 % à moins de 30 % entre 2019 et 2023. En 2023, la coopérative a engrangé un profit de 1,577 milliard $ NZ après taxe, soit près d’un milliard $ NZ de plus par rapport à l’année précédente. Fonterra a certes réussi à redresser sa situation financière, mais celle-ci demeure difficile pour ses membres. (En mai 2024, Fonterra a annoncé une nouvelle stratégie qui a causé une certaine surprise, soit de délaisser les marques fortes auprès des consommateurs pour prioriser la production d’ingrédients laitiers et l’approvisionnement des entreprises de restauration3.)

Graphique 1


Une situation économique difficile

Si les producteurs laitiers néo-zélandais ont les plus bas coûts de production au monde en raison d’un régime pastoral, « le secteur est fortement endetté », relève Susan Kilsby, agroéconomiste à la banque ANZ.

« Nos principaux coûts de production sont les intérêts, les salaires et les engrais pour les pâturages », poursuit John Gregan pendant que ses 1110 vaches, réparties sur deux fermes, broutent dans les collines vertes environnantes avant de se mettre à la queue leu leu à l’entrée d’une salle de traite surmontée d’un simple toit de tôle.

Le taux d’inflation à la ferme, plus de 16,3 % en 2023, soit deux fois et demie l’indice des prix à la consommation, a provoqué une hausse fulgurante du prix des intrants, ceci dans une conjoncture de bas prix du lait en raison de la faible demande internationale.

En février dernier, Fonterra a annoncé une légère hausse du prix du lait pour l’année 2024. Celui-ci oscillera entre 7,30 $ NZ et 8,30 $ NZ/kg MS, soit l’équivalent en dollars canadiens de 60,60 $/hectolitre à 69,00 $/hectolitre. Quant au bénéfice par action de Fonterra détenue par les producteurs, il reste inchangé soit entre 0,50 et 0,65 $ NZ/action.

Le prix du lait et les bénéfices par action offerts par Fonterra aux éleveurs néo-zélandais dépendent de la demande du marché international, en particulier des volumes de lait entier en poudre (WMP) et de poudre de lait écrémé (SMP) échangés sur la plateforme Global Dairy Trade4. Le prix de ces denrées oscille entre 3000 $ US/tm et 3500 $ US/tm, mais il a déjà été le double.

« Je suis en fin de carrière et je ne suis pas très endetté, mais la situation peut s’avérer difficile, surtout pour ceux qui débutent et qui n’ont pas de parents agriculteurs », poursuit John Gregan. Sa fille Anna, 23 ans, a suivi un cours d’agronomie à Lincoln University et envisage de prendre la relève de la ferme.

L’ex-producteur de moutons ne regrette pas sa conversion à l’élevage laitier il y a presque deux décennies. « La laine, à part la laine mérinos, ne vaut pas le prix de la tonte d’un mouton et la mise en marché des agneaux est divisée entre plusieurs joueurs. Le résultat est le bas prix offert aux producteurs dans un contexte où la demande internationale pour cette viande est faible. Alors que Fonterra a redressé sa situation et demeure notre agence de vente par excellence », conclut l’éleveur.



Fonterra vs Agropur (2023)

Fonterra

Revenus : 20,4 milliards $
Volume de lait transformé : 17,8 milliards de litres  
Membres : 8000 
Nombre d’usines (45) : NZ (28), Chine (8), Australie (4), reste du monde (5)
Nombre d’employés : 17 993

Agropur

Revenus : 8,2 milliards $ 
Volume de lait transformé : 6,6 milliards de litres
Membres : 2812
Nombre d’usines et de centres de distribution (30) : Canada, États-Unis
Nombre d’employés : 7500



1 Graphique : Global Dairy Top 20, Rabobank, August 2023. https://bit.ly/Rabobank2023
2 Un dollar néo-zélandais = 83 cents canadiens 
3 En mai 2024, Fonterra a annoncé sa nouvelle stratégie de délaisser les marques fortes auprès des consommateurs pour prioriser la production d’ingrédients laitiers et l’approvisionnement des entreprises de restauration. Voir https://bit.ly/Stratégie-Fonterra.
4 https://bit.ly/Global-Dairy-Trade

Photo par Nicolas Mesly



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Nicolas Mesly

Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.
nicolasmesly@gmail.com
Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.