« Sans irrigation, nous ne serions pas en agriculture de même qu’une douzaine de familles dans la région », explique Matt Ross, président du conseil d’administration d’une coopérative d’irrigation de sa région1, la North Otago Irrigation Company (NOIC).
Sa ferme se situe dans la vallée du fleuve Waitaki dans l’île du Sud, un des plus gros fleuves du pays. Celui-ci est alimenté par le couvert de neige des alpes néo-zélandaises et plusieurs barrages ont été dressés le long de celui-ci.
Ceci est la quatrième partie d'un dossier de six articles.
L’Environment Canterbury Regional Council, l’autorité responsable de la gestion de l’eau, doit répondre aux besoins en eau potable et en électricité des populations et des industriels ainsi qu’à leurs besoins récréatifs en plus d’assurer le flot nécessaire pour protéger l’environnement et répondre aux demandes d’irrigation des producteurs.
Selon les statistiques officielles, la superficie totale des terres irriguées est passée de 384 000 ha à 735 000 ha de 2002 à 2019, une augmentation de 91 % causée par l’accroissement fulgurant de la production laitière, principalement dans la région de Canterbury. Idem pour l’application d’urée dans les pâturages de la région qui a augmenté de 629 % pour la même période. L’impact sur l’environnement, dont la qualité des cours d’eau des rivières ou des nappes souterraines, a valu de nombreuses critiques aux producteurs laitiers, par exemple de l’organisation écologique Greenpeace, du regroupement de chasseurs et de pêcheurs Fish & Game, ou encore d’élus envers les éleveurs et l’industrie laitière.
« Nous sommes extrêmement réglementés aujourd’hui, explique Matt Ross. Personne ne peut construire de nouvelles étables. Le nombre de vaches a atteint un pic de 5,3 millions de bêtes au pays, mais il diminue de 100 000 bêtes par année. Et l’application d’engrais azoté est plafonnée à 190 kg/ha annuellement. »
La soixantaine de fermes membres de la coopérative doivent posséder un plan de ferme environnemental et être régulièrement auditées par un organisme indépendant pour se conformer aux exigences réglementaires. Le volume d’eau d’irrigation écoconditionnel attribué par les autorités régionales à Kokoamo Farms est de 500 mm à 600 mm par hectare par année, neuf années sur dix, explique Matt Ross. Ce dernier pratique l’irrigation de précision – le bon produit, la bonne dose, au bon endroit, au bon moment – pour arroser ses pâturages depuis plus d’une quinzaine d’années. Il surveille et déclenche tout le système d’irrigation de ses deux fermes grâce à une application disponible sur son téléphone cellulaire.
Le type de sol (sablonneux, argileux, etc.), la topographie du terrain, les variétés de plantes, le type de système d’irrigation (pivot, gicleur, autre), la période de l’année où l’on applique les engrais (interdit l’hiver), incluant le lisier liquide, sont déterminants pour prévenir le lessivage et la pollution des cours d’eau. « Kokoamo Farms a un des plus bas taux de lessivage d’azote au pays, soit de 18-20 kg/ha. À partir de 30 kg/ha, tu dois regarder ta situation et, au-dessus de 50 kg/ha, tu es hors circuit », dit-il. Cet indicateur est fourni par la coopérative Fonterra à partir des données du producteur et s’insère dans son plan environnemental calqué sur les exigences gouvernementales.
La quantité d’eau allouée à l’irrigation des pâturages et la qualité de l’eau n’ont pas fini de faire couler de l’encre dans cette petite nation aux paysages de montagnes et de rivières à couper le souffle. Avec les changements climatiques (l’été 2023 a été très sec), l’augmentation de la population urbaine, les pressions sociales, la nouvelle gouvernance nationale sur la gestion de l’or bleu conjointement avec le peuple autochtone maori, Matt Ross entrevoit de plus en plus de conflits entre les différents usagers.
1 https://www.noic.co.nz/assets/Uploads/NOIC-annual-report-2023-v4.pdf
Photo par Nicolas Mesly
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