À la recherche du bonheur agricole

Dans sa chronique Semer l'équilibre, Renaud Péloquin parle des difficultés qu'il a rencontrées avec sa santé mentale, en tant qu'agriculteur.

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Chronique 
Semer l'équilibre
Mieux vivre
Illustration de quelqu'un faisant le tri dans sa tête

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Renaud Péloquin

Renaud Péloquin

Producteur et administrateur chez Agiska Coopérative

Comment trouver le bonheur quand notre métier dépend autant de quelque chose que l’on ne contrôle pas? Je parle, bien sûr, de la météo, cette loterie qui joue avec nos nerfs et qui influence directement nos récoltes, notre charge mentale et nos finances. D’autres enjeux nous affectent aussi, peu importe notre production : maladies, rareté de la main-d’œuvre, pression économique, règlements qui évoluent constamment, pour ne nommer que ceux-là.

Toutes ces réalités nous font vivre des montagnes russes émotionnelles. Mais la frustration revient souvent. Et avec les changements climatiques, la météo devient encore plus imprévisible. Pour faire comprendre ce que l’on vit, j’aime utiliser la comparaison avec la pandémie : pour une fois, tout le monde a ressenti ce que nous, les agriculteurs, vivons chaque saison. Travailler fort pour réussir un projet alors que tout peut s’écrouler à cause d’un facteur complètement hors de notre contrôle.

Et quand ça se répète chaque saison, notre bonheur s’efface doucement, remplacé par le stress, puis l’anxiété. En habitant sur notre lieu de travail, cette pression devient constante. Il y a de grands avantages à vivre dans sa ferme, mais le plus gros inconvénient, c’est que l’on ne déconnecte jamais vraiment du travail. Même lorsque l’on essaie de prendre des vacances, on n’est jamais loin du champ ou du stress météo.

Petit à petit, la bonne humeur s’effrite. On se renferme sur soi-même. On cesse d’apprécier les petites choses : un coucher de soleil, un bon repas, du temps de qualité avec les enfants ou avec sa conjointe. Ma blonde me l’a souvent dit à nos débuts : « T’es dans ta tête ». Les premiers printemps ensemble, elle se demandait ce qui se passait. Aujourd’hui, elle comprend que ce n’est pas elle le problème, mais plutôt l’autre grande dame dans ma vie : dame Nature.

Pour me sortir de cette spirale, j’ai décidé de prendre les devants. Pour mes proches, mes partenaires et moi-même. J’ai consulté un psychologue et j’ai trouvé une personne avec qui la communication était bonne. Ensemble, on a travaillé sur des stratégies concrètes. J’ai aussi lu sur la résilience et le bonheur.

Le mot résilience a pris tout son sens. Il est devenu le cœur de notre vision d’entreprise pour moi comme pour mes proches, car des défis, il y en aura toujours. Ce qui compte, c’est de bâtir un milieu de vie et de cultiver un état d’esprit assez solides pour leur faire face, se relever, et continuer d’avancer.

Grâce à tout ça, j’ai retrouvé un certain équilibre. Le printemps 2025 a été intense, mais je l’ai mieux traversé. Mes journées ne sont pas parfaites, mais j’arrive à revenir à une forme de calme intérieur. Et c’est ce qui me permet de continuer à aimer profondément ce métier.

En agriculture, on investit beaucoup dans le bien-être des animaux et la santé des sols, mais trop rarement dans la nôtre. Il est primordial de prendre soin de nous aussi. C’est comme ça que l’on peut espérer atteindre le vrai bonheur agricole.

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Cet article est paru dans le Coopérateur de septembre 2025.

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