Tout le monde aime les fleurs, même les agriculteurs?

Aux Pays-Bas et en Belgique, on remplace les pesticides par des bandes fleuries multifonctions.

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Marguerites blanches et oranges

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Étienne Gosselin

Agronome et rédacteur

Étienne est détenteur d’une maîtrise en économie rurale et œuvre comme pigiste en communications. Il cultive commercialement le raisin de table à Stanbridge East dans les Cantons-de-l’Est.

Si la fleur ne produit pas de fruit, y a-t-il des avantages aux fleurs dans nos champs? Néerlandais et Belges ne se posent plus la question : ils sèment des bandes fleuries multifonctions. Que fleurisse la vie!

En Europe où les limitations sur les pesticides sont sévères, on remplace des molécules par des libellules! C’est d’autant plus important puisque le réchauffement climatique modifie les aires de répartition des insectes, améliore leur survie à l’hiver et engendre plus de générations par saison chaude.

Il s’agit parfois d’une approche ciblée – telle fleur héberge tel prédateur contre tel ravageur – une conception du biocontrôle popularisée en serriculture avec de nombreux bioprédateurs. À l’inverse, la philosophie holistique sous-tend l’idée où la force d’un écosystème diversifié surpasse la somme des espèces floristiques. On en appelle à la nature qui sait faire son travail, à la résilience de l’agrosystème.

Le pouvoir des fleurs à la rescousse

Longtemps, Julie Bellefroid était la femme qui plantait des arbres. Cette conseillère en biodiversité au Dura-Club s’intéresse aux haies brise-vent et aux bandes riveraines. La voilà impliquée depuis deux ans auprès de quatre cohortes de producteurs aux prises avec des pénuries de pollinisateurs ou des ennemis naturels des cultures. Sa réponse : le flower power!

Ce n’est pas tant le nombre absolu d’espèces qui importe comme la diversité des morphologies des fleurs, leur caractère indigène et le chevauchement des floraisons pour maintenir l’attractivité des bandes fleuries. Même les graminées, révèle-t-elle, sont intéressantes. « Certains parasitoïdes vont hiberner dans les tiges creuses, qui servent aussi de tuteur pour des plantes comme la vesce. »

« Le milieu agricole en fait plus qu’il ne le pense », estime l’experte, qui mesure qu’en moyenne, 10 % de la superficie des fermes présentent des formes intéressantes de biodiversité – haies, bandes, boisés, fossés enfrichés, chemins de ferme, îlots improductifs laissés à l’ensauvagement, prairies en fauche retardée pour les oiseaux champêtres, couverts multiespèces, etc. Implanter une bande fleurie est souvent d’une ampleur moindre qu’une haie permanente ou qu’une bande riveraine élargie, mais on peut jumeler ces aménagements pour des strates basse, moyenne et haute. »

Les alliés ne se nourrissent pas que de nectar et de pollen : ils consomment feuilles, sève ou fruits, rappelle le chercheur Felix Wäckers, spécialiste des relations fleurs-insectes. L’entreprise Biobest pour laquelle il travaille commercialise une quarantaine d’insectes utiles surtout en serriculture. Citant une méta-analyse, le chercheur souligne qu’une étude sur deux mentionne des populations de ravageurs réduites grâce aux fleurs, que le tiers des études ne montrent aucun effet et que 15 % des études concluent à une augmentation des insectes nuisibles. Pour le chercheur, il faut sélectionner les bonnes espèces de fleurs pour les bonnes espèces d’insectes. Les très attractives ombellifères (apiacées) et le sarrasin (polygonacée), aux nectars facilement accessibles, excellent pour attirer les ennemis naturels.

Ce dossier est paru dans le Coopérateur de septembre 2025 et a été produit dans le cadre d’une visite organisée par le Réseau québécois de recherche en agriculture durable (RQRAD). Une série de 19 capsules vidéo a été produite.

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