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Ferme R.J.M : Produire du lait sans traire de vaches

Nutrinor coopérative

Du lait sans traire de vaches? Non, ce n’est pas du lait produit en laboratoire, mais du lait extrait de pis de vaches par un robot dans une ferme propre… comme un laboratoire!

À Hébertville-Station, on ne passe pas le seuil de la Ferme R.J.M. Côté sans revêtir des bottes de plastique ou, mieux, en enlevant carrément ses bottes, propreté oblige. Visite d’une laiterie en pieds de bas, sur des planchers chauffants : confort total!

Catherine Brassard, Marc-André Côté et leur fils Pierre-Olivier produisent un lait qui entre dans la chaîne de valeur de leur laiterie Nutrinor. Conscients de produire un aliment, vous dites? La propreté de la laiterie, du bureau, de la salle mécanique, de la « tour de contrôle », alias le bureau d’où on pilote le robot de traite placé tout juste de l’autre côté de la vitre : tous les espaces sont immaculés, les planchers lavés hebdomadairement, les vitres mensuellement. Un rapide coup d’œil dans l’étable confirme aussi que ce qui est bon pour les humains l’est aussi pour les bovins.

Comme s’il fallait encore rappeler que le lait se retrouvera chez des consommateurs, la famille a mis sous vitre des affiches rétro et iconiques d’abribus des Producteurs de lait du Québec des années 1991-1994 sous le thème « Manquez pas le meilleur : le lait ». Chic et de bon goût!

Robotiser pour pérenniser

C’est une promesse de genoux qui ne s’usent plus, d’employés en moins à gérer, de performances centralisées dans un logiciel accessible du bout des doigts. Les données des programmes de contrôle laitier révèlent qu’au Québec, 16 % des étables sont en traite robotisée, c’est 19 % au Canada.

Depuis 2020, la Ferme R.J.M. Côté compte sur un robot malgré des propriétaires encore en forme et bien présents. « À la retraite de mes parents, je sais que le robot deviendra mon meilleur employé », rationalise Pierre-Olivier. Dans le projet de nouvelle étable de 17 sur 69 m (56 sur 226 pi), le couple a englouti une bonne partie de l’avoir propre de la ferme – « et de notre retraite », ajoute Marc-André. L’ancienne étable à toiture ronde, reliée par un couloir à la nouvelle vacherie, héberge maintenant les animaux de remplacement et les vaches au tarissement. Avec 62 vaches en lactation, on remplit un quota de 93 kg.

Les parents n’auraient pas investi autant sans l’assurance du sérieux du choix de carrière de leur fils, confirmé par l’obtention d’un diplôme en production laitière. À la motivation et aux connaissances acquises par Pierre-Olivier s’ajoute la maturité. « Pierre-Olivier a 22 ans, mais la maturité d’un homme de 40, assure Catherine. Depuis ses 12 ans, il travaille activement à la ferme et c’est depuis qu’il a 18 ans qu’il rêve de partir en appart avec sa copine, Marie-Florence, infirmière auxiliaire avec qui il est en couple depuis six ans! »

Des défis à la pelle

Ce sera écrit dans ce magazine pour les archives : la pandémie de COVID-19 a bousculé les projets de construction agricoles, pourtant un service essentiel. Deux semaines avant le début de la pandémie et du premier confinement, le chantier était mis en branle, mais il a fallu dix jours de démarches pour faire avaliser sa réouverture. « La santé publique, la Sûreté du Québec, le ministère de l’Agriculture, personne n’osait se prononcer », soupire Catherine.

Comme toutes les fermes qui ont contracté des emprunts récemment, la ferme est rattrapée par le « loyer de l’argent » ou la « location du capital » : les taux d’intérêt. « On paye le double depuis la hausse des taux! », s’affole Catherine. Heureusement, les matériaux et les équipements avaient été négociés à prix fixes, le prêt à 1,9 % d’intérêt. On avait déjà dégraissé le projet d’étable en long et en large.

C’est le 21 juillet 2020 que les premières gouttes ont été extraites. « Pousse, tire, sacre! résume, mi-figue mi-raisin, Marc-André. Les autres producteurs te disent que c’est l’enfer la première année, mais pour moi, ç’a été l’enfer deux ans! » En conséquence, la ferme n’a pas réussi à remplir son quota pendant un an. « C’est tout un changement de routine », résume Mélanie Dufour, technologue et experte-conseil de Nutrinor Coopérative qui connaît bien les démarrages avec les bras robotisés.

Après un triage sommaire, on a voulu garder toutes les vaches qu’on trayait manuellement en stabulation entravée, mais, a posteriori, Catherine et Marc-André pensent qu’ils auraient dû réformer les vaches trop vieilles et mal adaptées. En conséquence, après quelques semaines, dix des plus vieilles vaches du troupeau RAYCO ont été remplacées par un lot de jeunes fringantes en provenance des États-Unis.

Comme toute technologie, un robot doit être « apprivoisé », car il recèle de nombreuses fonctionnalités. « Ça demande plus de gestion, confirme Catherine. Ce n’est pas nécessairement moins d’ouvrage! » Pour s’aider dans cette tâche, la ferme utilise le logiciel DelPro associé à son robot de traite DeLaval VMS V310. Les trois actionnaires reçoivent les alertes sur leur téléphone.

Dernièrement, un problème informatique a privé les vaches en début de lactation de supplément au robot pendant un mois et demi. « Les vaches produisaient quand même bien, mais elles maigrissaient et accumulaient des problèmes reproductifs, ce qui a multiplié par deux les inséminations requises pour remettre les vaches en gestation », explique Catherine.

Pas facile au champ non plus : les dernières années ont été chaotiques sur les récoltes de foin au Lac-Saint-Jean. Résultat : des plantes épiées ou en pleine floraison et des fermentations butyriques nuisibles dans l’ensilage. Pour plus de stabilité dans la ration servie, on a prévu de faire fermenter complètement les herbages avant la reprise pour augmenter la consommation par vache et diminuer les problèmes reproductifs associés à la maigreur.

Si la ferme cultive du maïs fourrager depuis plus de 20 ans, on a commencé à le cultiver sur paillis plastique il y a quelques années pour s’assurer un meilleur rendement quantitatif et qualitatif. Pour faciliter la préparation au vêlage, on a commencé à mélanger à l’engrais minéral appliqué sur les prairies du chloromil (CaCl2) qui favorise l’obtention de fourrages à plus forte teneur en anions qu’en cations (potassium et calcium). Avec l’utilisation de l’aliment Transimil à la mangeoire, cette ration a favorisé l’absorption du calcium pour moins de fièvres vitulaires (hypocalcémies) en début de lactation. « Ces changements ont permis de résoudre les problèmes métaboliques au vêlage et de produire cinq kilogrammes de plus au pic de lait », décortique Mélanie Dufour.

Les Côté-Brassard ont opté pour la stratégie milk first, c’est-à-dire le passage au robot de traite par l’entremise d’une barrière de triage avant l’accès à la mangeoire et le retour aux logettes. La fréquence de traites est actuellement de 2,7 par jour, le temps de traite moyen de six minutes pour extraire 14 kg.

Avec cette nouvelle enceinte et ce robot, on rêve d’une production quotidienne de 40 L – les Holstein de la ferme génèrent en moyenne 36 L, elles en produisaient 32 en stabulation entravée quatre ans plus tôt. Mais déjà, on peut l’écrire, traite robotisée pour assurer la pérennité : COCHÉE!

Photo d’Étienne Gosselin et d’Enzo Chispa


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Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.