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Comprendre la vache, la base du succès en robotique - conférence

Avec son dynamisme débordant, Philippe Couture a entraîné les participants dans une conférence au rythme endiablé*, intitulée « Comprendre la vache, la base du succès en robotique », lors du Rendez-vous laitier AQINAC 2024.

Selon l’expert en stratégie d’affaires agricoles, production laitière, spécialisation robotique chez Sollio Agriculture, la traite au robot est très différente des autres modes de traite, puisqu’on demande ici aux vaches de faire une traite volontaire. Elles décident quand elles iront se faire traire. 

Qu’est-ce qui peut influencer la quantité de lait produite et ses composantes (gras + protéine)? Au-delà de l’alimentation, une multitude de choses! À commencer, sans doute, par l’importance de la routine et de la transition, la prudence des primipares, l'état de santé global des vaches (rumen, pieds et membres, etc.) et leur niveau de bonheur au robot. 

La routine des vaches

Mais revenons à la routine des vaches. En stabulation entravée, la routine quotidienne est importante, mais comme le déplacement volontaire de la vache n’a pas d’impact sur sa traite, cette dernière ne subira jamais de conséquences graves puisqu’elle sera toujours effectuée aux mêmes heures. 

En robotique, c’est la vache qui devrait décider de sa routine de passage au robot, pour des raisons de préférence, de personnalité ou encore d’horloge interne. Or, si la routine doit être dictée par les vaches, et qu’elles sont parfois dérangées dans d’autre sphères d’activités quotidiennes, nos ruminantes risquent :

  • d’être limitées dans leur liberté de traite;
  • de changer leurs intervalles de traite;
  • d’affecter leur production. (Sur ce dernier point, la régie de travail du régisseur de troupeau a une grande influence.) 


Prenons par exemple une vache (disons la 32). Il se peut qu’elle préfère aller à la mangeoire ou au robot vers 9 h 15, parce que cela lui permet d’éviter une autre congénère moins amicale et plus dominante (la 15) qui passe plutôt au robot vers 8 h 45. Peut-être que notre 32 aime aussi se lever à une heure précise, parce que c’est le bon moment pour elle, et elle se dirige alors de bonne foi vers la traite. Mais voilà, dérangée dans sa routine, la 32 vivra peut-être un délai d'attente avant de passer au robot et sa courbe du repos et sa rumination seront affectés. 

La période tarie-transition

Autre facteur qui influence la traite aux robots, encore une fois au-delà de l’alimentation : la période tarie-transition. Quand on construit une ferme robotisée, elle est rarement à 100 % de capacité. Toutefois, au fil du temps, elle se remplit, et les taries-transitions peuvent être affectées. Deux effets sont susceptibles de se manifester et d’exercer une influence après la parturition lorsque :

  1. la densité de peuplement augmente, ce qui peut affecter le comportement animal et toucher la consommation et la rumination, et donc, la productivité future; 
  2. les changements de groupe s’accentuent et des vaches s’ajoutent à des groupes déjà existants, ce qui risque de modifier la hiérarchie et de créer des stress1


Les primipares

Les primipares sont une autre source de considération importante. Plus timides et prudentes, elles n’approcheront pas de front le robot, surtout en groupe mixte. Il a même été observé qu’elles feraient des aller-retour plusieurs fois avant de s’y lancer réellement, comme si elles faisaient des approches prudentes et incertaines. Elles peuvent mettre deux fois plus de temps avant de passer au robot que les multipares. Non seulement c’est assez long, mais en plus, par leurs nombreux mouvements, elles dérangent leurs partenaires de parc!

Quelles sont les solutions?

  • Les entraîner avec des robots d’apprentissage, pour les habituer avant le vêlage à ce qui les attend.
  • Quand c’est possible, après le vêlage, séparer les primipares des multipares.


La santé des vaches

Au-delà des ennuis métaboliques parfois rencontrés, un des enjeux majeurs en robotique qui affectent la productivité sont les problèmes de boiterie. Les vaches étant assez peu démonstratives de leurs faiblesses, il faut absolument être en mode préventif. Pourquoi? Parce qu’une vache qui boite a vraiment atteint un bon niveau de douleur. Conséquence? Il est beaucoup moins probable qu’elle se rende avec vivacité et enthousiasme au robot. Et qui dit pas de robot dit pas de traite!

« Rappelons-nous qu’on demande à l’animal une traite volontaire, donc un déplacement volontaire vers le robot », ajoute Philippe Couture. Il a d’ailleurs souligné que des recherches démontreraient que la prévalence de la boiterie dans les troupeaux en robotique atteint environ 25 %! L’impact financier de la productivité des troupeaux est donc colossal.  

Y’a de la joie au robot

Par ailleurs, avez-vous pensé à vérifier le niveau de bonheur de vos vaches au robot? Bien sûr, on souhaite qu’elles puissent entrer au robot sans préoccupation. Pour que la traite volontaire soit vraiment tentante, encore faudrait-il être sûr que la vache est à l'aise avant d’entrer dans le robot, pendant qu’elle y est et après, à sa sortie, et que l’expérience se renouvelle toujours avec le même agrément. 

Pour ce faire, on peut vérifier que les ajustements dans le robot sont appropriés afin que les vaches se sentent à l’aise. À l’entrée et à la sortie du robot, elles devraient également se sentir confortables et protégées. 

Le plaisir devrait aussi se vivre en tout temps. À toute heure du jour (matin, midi, soir, nuit), vos vaches sont-elles confortables? Durant les journées de stress thermique, est-ce que l’expérience robot continue à être agréable, autant à la mangeoire, qu’à la couche et au robot? « Observez vos vaches. Est-ce qu’elles trippent? » demande l’expert.

Quelques éléments clés pour une bonne traite au robot

  • La routine est cruciale.
  • Favoriser un bon départ par une excellente transition. 
  • Préparer les primipares et, si possible, les séparer des multipares
  • Éviter les boiteries : la prévention avant tout pour la santé des vaches!
  • Respecter les animaux et leur faire vivre un bien-être dans leur environnement (mangeoire, robot et repos) et avec leurs congénères.

Philippe Couture conclut : « Écoutez vos vaches : elles vous parlent! »


1 Dans leur groupe, les vaches ont des amies, précise l’expert. Elles préfèrent les individus familiers comme partenaires de toilettage et voisins d’alimentation. L’iA sera peut-être un outil qui permettra, un jour, de réduire le stress au robot en identifiant les vaches qui s’apprécient pour qu’elles se suivent et soient regroupées dans leurs déplacements au sein de l’entreprise robotisée. L’avenir nous dira si cette approche a des chances de réussir.
 

* Une abeille nous a d’ailleurs soufflé à l’oreille que le rythme du présentateur aurait été influencé par la nécessité de respecter l’horaire de la journée. On remercie donc Philippe Couture pour son sens du devoir et sa vitesse d’exécution, qui ont sans doute posé quelques défis à la traduction simultanée!


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Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.