Prodigieuse jeunesse! Malgré l’inflation, la volatilité, la crise climatique, la main-d’oeuvre rare et les aléas socio-politico-technico-sanitaires, elle continue de se manifester et d’embrasser la carrière agricole, préalablement formée, informée, allumée! Elle trouve le moyen de démarrer ou de transférer des entreprises avec aplomb, plan d’affaires ou de succession en main. Sollio Groupe Coopératif et son réseau de coopératives et de partenaires sont là pour célébrer, avec le concours Prix relève Sollio, l’audace, l’ambition et le talent de la génération montante, une relève qui relève les défis, qui élève l’esprit et – c’est le cas des quatre fermes finalistes cette année – élève des animaux!
C’est un transfert aux allures de courtepointe dans une famille tricotée serrée, mais ici s’arrêtent les clichés chez les… Couture! Le transfert de la ferme, assorti d’une double expansion, est résolument moderne, créatif, différent.
Un transfert à deux de ses quatre enfants tout en s’associant avec un beau-fils et un employé dans une nouvelle entreprise? On a vu transfert plus facile! Danielle Breton et Mathieu Couture ont trouvé le moyen de transférer deux fermes laitières, la Ferme Filcout et la Ferme Counard, à leurs enfants Marie-Pier et Félix, pour un cumul de 350 kg de quota et 526 ha en culture. Une troisième entité légale, la Ferme Agricouture, chapeaute champs et bâtiments. Dire qu’en 1984, la Ferme Counard, contraction des noms de famille des parents de Mathieu (Jean-Philippe Couture et Françoise Bernard) possédait 13 kg de quota!
La première des trois traites quotidiennes à la Ferme Filcout, à stabulation entravée, prend fin. Mathieu Couture vérifie les convoyeurs-soigneurs, puis va prendre un café avec sa conjointe Danielle Breton qui part faire sa journée comme agente socioculturelle à la municipalité de Saint-Éphrem-de-Beauce. Pendant ce temps, dans l’étable à stabulation libre de la Ferme Counard où trois robots s’activent, Félix zieute les vaches à la recherche de celles qui requièrent son attention. Le conjoint de Marie-Pier, Jean-Sébastien Bédard, élevé sur une ferme bovine et acéricole, arrive avec le mélangeur tracté pour distribuer la ration. Patrick Busque, employé de la ferme depuis 2006 et attitré au secteur végétal, est co actionnaire, avec Jean-Sébastien et les Couture, d’une quatrième entreprise : Terres du Ranch. Même en période de transfert, le clan a saisi une occasion d’affaires intéressante en 2021 pour acquérir des terres et convertir un ancien parc d’engraissement en site pour taures et vaches taries.
Avec autant de personnes et de personnalités, l’aspect communicationnel est crucial. On consacre les lundis matins à une réunion structurée par vidéoconférence. Une fois par mois, on se réunit dans le bureau de la nouvelle étable pour discuter du train-train, mais surtout des projets à venir, de l’efficacité à atteindre. « C’est mieux que les discussions de portes de grange », estime Félix. Si la bonne entente règne actuellement, les entreprises pourraient permettre aux enfants de poursuivre en affaires seuls en cas de conflit, ou aux petits-enfants de poursuivre à leur compte.
On ne gère pas quatre entreprises totalisant 15 millions de dollars d’actifs et trois millions de chiffre d’affaires sur le coin du bureau. « La gestion et la comptabilité sont plus complexes, mentionne Marie-Pier. J’ai besoin de deux écrans! » C’est qu’on remplit plusieurs chiffriers chez les Couture. Est-ce une déformation professionnelle chez Mathieu qui a été administrateur pendant 11 ans au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif et qui siège toujours comme administrateur au conseil d’administration d’Avantis Coopérative depuis 1989? Pour rogner sur les coûts, on fait un budget annuel et on suit scrupuleusement les ratios technicoéconomiques. On partage aussi des équipements spécialisés au sein de la CUMA Petite-Montagne : semoir pneumatique, épandeur d’engrais à taux variable et sous-soleuse.
Pour remettre les pendules à l’heure, on a procédé en 2021 à des exercices de planification stratégique et de définition de la mission, de la vision et des valeurs d’entreprise qui s’y rattachent avec une agroéconomiste. De même, pour huiler les relations interpersonnelles et s’assurer de l’équité entre les quatre enfants de Danielle et de Mathieu, on a consulté une spécialiste du Centre régional d’établissement en agriculture de la Chaudière-Appalaches dès 2012.
On comprend que Danielle et Mathieu, lui-même titulaire d’un baccalauréat en agronomie, ont fait valoir à leur relève l’importance des bonnes formations, car Marie-Pier a son diplôme d’études collégiales en agriculture, Félix a étudié en agronomie et Jean-Sébastien et Patrick sont tous deux diplômés en technique de génie civil, programme qui leur a inculqué des notions utiles sur une ferme : construction, drainage, géomatique et agriculture de précision. Au surplus, Marie-Pier et Félix ont aussi suivi des formations à l’École d’Entrepreneurship de Beauce.
Dans leurs valeurs – esprit d’équipe, engagement, plaisir, efficacité et pérennité –, le mot plaisir a une place centrale. On permet à chacun de se spécialiser selon ses intérêts. Autre exemple : emmener les bambins dans les tracteurs peut parfois nuire à l’efficacité d’un chantier, mais quel plaisir de les avoir avec soi! Côté qualité de vie, Danielle, Marie-Pier et Béatrice Deltell, la conjointe de Félix, sont les gardiennes de la conciliation travail- famille et leur arsenal est multiple – ce peut être un BBQ et mojito sur le bord de la piscine après un intense chantier d’ensilage ou un voyage en voiture pour aller faire trempette sur la côte du Maine, question de décrocher!
Photo par Christophe Champion
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