Prodigieuse jeunesse! Malgré l’inflation, la volatilité, la crise climatique, la main-d’oeuvre rare et les aléas socio-politico-technico-sanitaires, elle continue de se manifester et d’embrasser la carrière agricole, préalablement formée, informée, allumée! Elle trouve le moyen de démarrer ou de transférer des entreprises avec aplomb, plan d’affaires ou de succession en main. Sollio Groupe Coopératif et son réseau de coopératives et de partenaires sont là pour célébrer, avec le concours Prix relève Sollio, l’audace, l’ambition et le talent de la génération montante, une relève qui relève les défis, qui élève l’esprit et – c’est le cas des quatre fermes finalistes cette année – élève des animaux!
À la va-comme-je-te-pousse, le transfert de Ferme Grolier? Au contraire, personne n’a été poussé vers la sortie ou a rongé son frein : tout s’est déroulé dans l’ordre, le respect, la sérénité, sur… une décennie!
De part et d’autre du rang Saint-Eustache à Lotbinière, ça grouille. Élyse Groleau et son conjoint Michael Plourde vont et viennent de l’ancienne grange à la nouvelle étable, des remorques pleines de foin. Si Claire Dubé, la maman d’Élyse, a quitté pour sa journée comme préposée aux bénéficiaires pour une coop de solidarité de services à domicile, Onil Groleau assemble à la soudeuse la nouvelle béquille du souffleur à ensilage dans le garage.
Onil? Tous les producteurs du rang et même au-delà le connaissent, pas seulement parce qu’il est pompier depuis 39 ans, directeur du service incendie depuis 1993. Est-ce aussi parce qu’il s’occupe des 19 membres et supervise les 31 branches d’activités au sein de la coopérative d’utilisation de matériel agricole Le Partage? « Quand quelqu’un a un pépin mécanique, Onil c’est LA référence sur le rang », affirme Michael, qui a cassé la glace avec son beau-père dès son début de relation avec Élyse en effectuant son stage de deuxième année de l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) chez Ferme Grolier, en 2007.
Avec le temps, au transfert des actifs s’est ajouté le transfert des responsabilités. Michael voulait choisir les taureaux? Vas-y! L’alimentation? Go! Il faut dire qu’il a commencé à temps plein à la ferme avant même Élyse, qui a poursuivi sa carrière d’experte-conseil à Covris Coopérative jusqu’en 2018. Une approche graduelle, tout le contraire avec une autre époque, 1984, quand Claire et Onil ont acheté d’un coup la ferme de Jean-Roch, cousin du père d’Onil, décédé subitement. Onil et Claire se sont rencontrés au Bas-Saint- Laurent dans l’allée des vaches de la ferme de cette dernière. Pendant quatre ans, Onil a pesé le lait de centaines de fermes. Revenu en son pays, il a passé le relai du contrôle laitier à Claire qui a exercé ce métier un an et demi.
Élyse? L’énergique femme caressait le projet d’une nouvelle étable. De nombreux plans ont été esquissés entre 2013 et 2019, année de l’érection de l’étable à robot. Spécialisée en traite robotisée dans sa pratique à la coop, l’automate était non négociable pour elle et Michael! On a d’abord pensé allonger l’étable d’origine, construire pour les taures au lieu des vaches, mais à quoi bon? Le remplissage en raison de la pente aurait été trop important. On a plutôt relocalisé la vacherie de l’autre côté de la route.
Quand il a fallu transférer les vaches en lactation et le lactoduc dans la nouvelle construction, l’étable vide a donné un aperçu troublant du mot « démantèlement » à Onil, dont la voix s’étrangle en racontant cet épisode pourtant heureux. L’homme porte un regard humble et serein sur le chemin parcouru. « Ma plus grande fierté, c’est d’avoir rendu la ferme à ce niveau, d’avoir investi et agrandi, d’être à l’ordre et rentable. » La ferme compte 92 kilos de quota et 168 hectares en culture, notamment du blé d’automne semée à la volée dans le soya, culture qui bonifie la rotation. Les associés ne s’intéressent pas qu’aux vaches, ayant accueilli à la ferme la Caravane Santé des sols du MAPAQ pour réapprendre à creuser des profils de sol avec une douzaine d’autres producteurs.
Les mots-clés du transfert sont nombreux. Le détachement. « Il n’y a rien de possessif ici », lance Onil. Le respect. « Comme experte-conseil, j’en ai vu des transferts avortés, des frictions, des engueulades », révèle Élyse. La collégialité. « Il n’y a pas de hiérarchie ici, c’est un seul club social », estime Claire. L’ancienneté qu’on valorise. « Ça me rassure qu’Onil soit encore sur la ferme », assure Michael.
Si le transfert de Grolier s’est déroulé rondement, est-ce parce que Michael a suivi lors de son année terminale à l’ITA un cours de préparation au transfert? Parce qu’on s’est forcé à mettre au calendrier des dates, des investissements, des remboursements? Qu’on a consulté, « pour ne pas prendre de chance », dit Élyse, le Centre régional d’établissement en agriculture pour finalement confirmer que tous étaient heureux et à l’aise? Qu’on a tenu compte de l’opinion de toutes et chacun pour transférer en douceur, comme si de rien n’était, comme du beurre dans la poêle?
Photo par Christophe Champion
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