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Fermes Rosaire Bienvenu : Les trois mousquetaires d’Upton

Les trois frères Bienvenu ont chacun développé leur expertise comme relève dans la ferme familiale tout en travaillant de concert, ce qui fait dire que leur devise pourrait être : Un pour tous et tous pour un! 

Les frères Bienvenu ont trouvé chacun leur bonheur dans l’entreprise familiale, et cela se reflète sur la performance de cette dernière depuis le virage pris avec la construction de la nouvelle étable. 

André, Étienne et Daniel Bienvenu n’ont jamais vraiment pensé faire autre chose que de travailler dans leur entreprise, située près de la rivière Noire, à Upton – et c’est tant mieux. On les sent dans leur élément à discuter chacun leur tour de la ferme. Au cours des années, chacun a mis la main à la pâte en tenant compte de ses affinités, ce qui a mené André à s’occuper davantage de la gestion générale de la ferme, Étienne de la machinerie et Daniel des vaches.  

Les Fermes Rosaire Bienvenu ont pris une nouvelle impulsion avec la construction de l’étable, dont la réflexion a débuté en 2017. L’entreprise familiale de quatrième génération, qui comptait également un élevage porcin et une cabane à sucre, s’est concentrée sur l’élevage laitier, avec la séparation des actifs entre les deux frères actionnaires, Pierre et François. Cette étape importante a permis à la famille de Pierre d’avoir les coudées franches pour amorcer plusieurs virages dans la gestion de l’entreprise laitière. Pierre et Nicole ont repris en main le troupeau laitier et les décisions le concernant, tout en pouvant faire plus de place à la relève formée par leurs trois fils. 

Un nouveau souffle pour la ferme familiale 

La décision de construire à neuf a été mûrement réfléchie par la famille. Elle impliquait en effet plusieurs changements radicaux, comme le passage de stalles entravées à la stabulation libre, la traite robotisée, les rations RTM et la gestion informatisée du troupeau. La famille a longuement soupesé le pour et le contre avant d’opter pour chacune des caractéristiques de la nouvelle ferme. Les frères Bienvenu ont visité plusieurs dizaines d’exploitations, ici comme aux États-Unis, pendant deux ans. 

La première pelletée de terre a finalement eu lieu au printemps 2018, et les travaux se sont terminés un an plus tard, en mars 2019 – les premières locataires ayant emménagé la veille de Noël. D’une dimension de 260 pi sur 194 (79 m sur 59), pour un total de 50 440 pi2 (4686 m2), l’étable compte 222 stalles pour vaches en lactation et 118 pour vaches en tarissement, ainsi que quatre robots de traites Lely.  

Parmi ses particularités, l’étable a été pensée en vue d’un agrandissement sur la largeur, une option jugée plus facile à réaliser pour augmenter sa capacité dans le futur. Tout a été réfléchi pour faciliter les déplacements des animaux grâce aux clôtures, et Daniel peut même exécuter seul la tâche. Les robots permettent quant à eux de traire les vaches trois fois par jour sans avoir recours à de la main-d’œuvre. Ils offrent aussi une flexibilité d’horaire et de multiples informations liées à la traite. 

L’apprentissage n’a pas été sans peine pour les animaux qui étaient en stalles entravées depuis leur plus jeune âge. Le plus difficile pour les vaches? « Apprendre à reculer, répond sans hésiter Daniel. Il a fallu un bon huit mois avant de pouvoir déclarer les animaux complètement fonctionnels dans leur nouvel environnement. » Daniel a même parfois dormi dans la laiterie pendant cette période pour aider les animaux plus récalcitrants à passer au robot. Ce qui a sauvé les frères à ce moment-là, c’est l’achat d’une soixantaine de vaches provenant des États-Unis. Habituées à la stabulation libre, elles ont facilité la vie de la famille durant la transition, tout en aidant à augmenter la production pour atteindre le quota détenu par la ferme. 

Le travail est grandement facilité par le fait que toutes les étables ont été rapatriées sur un seul site. Pierre et Daniel devaient auparavant faire de nombreux déplacements d’animaux chaque semaine afin d’effectuer la rotation d’une étable à l’autre. L’ancienne étable a été transformée en stabulation libre pour les taures les plus vieilles, tandis qu’un autre bâtiment a été agrandi et rénové pour héberger les veaux après leur premier mois de vie. Les veaux naissants sont quant à eux logés dans une salle aménagée dans l’étable, où ils reçoivent du colostrum les deux à trois premiers jours de vie. 

Un bond de productivité de près de 30 % 

Les animaux ne sont pas enregistrés, mais le pédigrée des taureaux est étudié scrupuleusement par Daniel, qui ne jure que par la génomique. Ses critères sont bien simples : de petites vaches en bonne santé, aux membres solides, productives et qui vivent longtemps – en somme, des « vaches payantes ». Les saillies se font par Pierre et Daniel. Les semences sont sexées et incluent du bœuf, afin de ne pas avoir trop de génisses et de privilégier les bonnes vaches. Le succès des saillies est impressionnant, avec un taux de fécondité de 52 %. Les vêlages de premiers veaux se déroulent à 22 mois, un très bon aspect du troupeau. 

Avec la nouvelle étable, le quota produit est passé de 175 à 255 kg. En l’espace d’un an seulement, la production quotidienne moyenne des vaches a augmenté de manière impressionnante à 40 kg, une hausse de 27 % – en plus d’inscrire 4,10 % de gras, une performance que la ferme maintient et améliore depuis. Cette performance lui a d’ailleurs valu un certificat « Très grande distinction » de la part des Producteurs de lait du Québec en 2019, suivi en 2020 par un autre certificat d’excellence soulignant la constante amélioration de la qualité de son lait.  

La performance des vaches augmente sans cesse, grâce à la fois aux soins prodigués et à la sélection rigoureuse des animaux : les moins performants sont vendus sans hésitation. Les problèmes sont aussi rapidement détectés et résolus dans cette étable neuve. Un logiciel (UNIFORM) et le T4C aident Daniel à garder à l’œil chacun des animaux.  

Simplicité, efficacité et rentabilité 

La ferme exploite 597 acres (242 ha) : 250 sont consacrés à l’alimentation du troupeau (130 en maïs-ensilage et 120 en fourrages) et 347 à la grande culture. Le maïs compose la base de l’alimentation des vaches. Le choix d’hybrides est fait en fonction d’optimiser les rendements et l’efficacité dans l’étable. La formule fonctionne, chiffres à l’appui. « On est capable de dire qu’un acre de terre récolté produit un kilo de quota », explique André. Il ajoute que les terres de la ferme sont suffisantes pour nourrir tout le troupeau. « Notre devise est simplicité, efficacité et rentabilité », résume Nicole Lauzier, la mère des trois frères. 

Il faut dire aussi qu’une ombre bienveillante plane sur la ferme. Rosaire Bienvenu, qui en a élaboré la version moderne, continue d’inspirer la famille par l’exemple qu’il a donné de son vivant. Il a innové dans sa pratique agricole tout en s’impliquant dans sa communauté.  

Étienne et André ont redémarré, depuis un an, un service de travaux à forfait qui existait à l’époque de leur grand-père et de leur père, afin de rentabiliser la machinerie – ce qui ne déplaît pas à ces deux amateurs de belles mécaniques. La construction d’un dôme devait d’ailleurs être terminée avant la fin de 2021 pour entreposer la machinerie, les bâtiments actuels étant maintenant trop petits. Un garage chauffé devrait suivre pour entretenir et réparer les équipements. 

Les projets ne manquent pas pour les membres de cette famille, qui entrevoient l’expansion de l’exploitation. Ils ont trouvé dans la ferme un moyen de s’exprimer et de s’épanouir, chacun à leur façon. Pour ces autodidactes, les prix et les reconnaissances soulignant leur travail sont des preuves suffisantes qu’ils sont sur la bonne voie. 

« C’est inspirant de voir des jeunes de la relève qui travaillent à performer et qui se donnent corps et âme, déclare Jessie Favreau, T.P., experte-conseil pour Sollio Agriculture et Agiska Coopérative. Ils s’arrangent, quand ils font un projet, pour le faire de la bonne façon. Tout est calculé d’avance. Ils se sont tellement préparés et ont tellement analysé le tout avant que, quand ils se lancent, ils sont prêts. Ils vont aussi voir les gens meilleurs qu’eux, même s’ils sont aux États-Unis. » Elle souligne que leurs parents sont toujours là pour appuyer leur ambition, tout en étant très actifs à la ferme. 

Si la somme d’informations avec laquelle la famille travaille semble considérable, elle est bienvenue. « Les informations, c’est des données qui font que c’est plus simple de s’améliorer, dit André. Si on ne sait pas qu’il y a un problème, on peut pas le régler. C’est ça qui fait qu’on peut se tenir sur la coche. » 

Crédit photo: Céline Normandin

Céline Normandin

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture. 

celine.normandin@videotron.ca

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture.