
Crédit photo : Christophe Champion
« Il n’y a pas de nouveaux antibiotiques à venir pour les animaux d’élevage, ce n’est pas la tendance, dit la Dre Marie-Pier Labrecque, vétérinaire spécialisée en production avicole du réseau La Coop. Il faut revoir nos approches et nos mentalités. La prévention, c’est le secret. Il est nécessaire de continuer à sensibiliser les éleveurs. »
Selon l’Organisation mondiale de la santé, « la résistance aux antimicrobiens est devenue une grave menace pour la santé humaine mondiale. La compréhension du public est trop faible, et les mesures de prévention et de lutte, insuffisantes. Le but n’est pas de mettre un terme à l’usage des antibiotiques, mais de faire en sorte que ces médicaments ne soient employés qu’à bon escient. »
Le milieu se mobilise
En 2015, le Rendez-vous avicole AQINAC (Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière) abordait un défi de taille pour sa filière : L’utilisation judicieuse des antibiotiques, un enjeu mondial! Superbactéries, pression des autorités médicales, des entreprises et des médias, changements règlementaires, réduction forcée de l’utilisation des antibiotiques en Europe, inquiétudes du public… Tous les enjeux étaient abordés.
Pour sa part, la Food and Drug Administration des États-Unis faisait savoir, la même année, qu’elle restreignait l’usage des antibiotiques chez les animaux d’élevage avec l’instauration de nouveaux règlements entrés en vigueur au 1er janvier 2017 : mise en place de prescriptions et retrait de l’utilisation d’antibiotiques importants pour la santé humaine afin de favoriser la croissance ou d’améliorer l’efficacité alimentaire. Cette règlementation s’alignait avec celle de l’Europe (elle a également été mise en œuvre au Canada au 1er décembre 2018). L’Union européenne interdit depuis plus de 15 ans l’utilisation d’antibiotiques pour accélérer la croissance.
L’objectif est de réduire le développement de bactéries résistantes. Les antibiotiques utilisés en médecine humaine sont particulièrement touchés. D’après les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, chaque année quelque deux millions de personnes sont infectées par des bactéries résistantes aux antibiotiques, et 23 000 d’entre elles en meurent. Dans l’Union européenne, l’impossibilité de traiter certaines infections entraîne chaque année 25 000 décès.
Animaux et humains sont souvent traités avec les mêmes antibiotiques. Les médicaments antimicrobiens sont classés en quatre catégories, en fonction de leur importance en santé humaine (I. Très haute importance II. Haute importance III. Importance moyenne IV. Faible importance).
Les Producteurs de poulet du Canada (PPC) ont été hautement proactifs dans leur approche visant à réduire l’usage d’antibiotiques. « L’élément le plus important de la stratégie des PPC consistait en l’élimination des antibiotiques de catégorie I à la ferme, fait savoir Benoît Fontaine, président des PPC. Ces antibiotiques sont considérés comme les plus importants en santé humaine. En juillet 2013, les Producteurs de poulet ont élaboré de façon volontaire une politique régissant l’élimination de leur utilisation. Depuis le 15 mai 2014, les éleveurs de poulet canadiens ne sont plus autorisés à utiliser les antibiotiques de catégorie I. »
L’usage préventif d’antibiotiques de catégorie II a été éliminé le 31 décembre 2018. L’usage préventif d’antibiotiques de catégorie III sera également proscrit au 31 décembre 2020.
Aucune échéance n’a encore été indiquée pour les antibiotiques de catégorie IV, qui peuvent donc encore être utilisés à cette fin. Ces antibiotiques ne sont pas utilisés en santé humaine.
Précisons que l’usage d’antibiotiques à des fins thérapeutiques est toujours permis. Pour des raisons de bien-être animal, les oiseaux malades seront soignés, soutient Benoît Fontaine.
Produits de remplacement
« Se passer d’antibiotiques de prévention demande une période d’adaptation, dit Benoît Fontaine. Si des producteurs éprouvaient déjà certaines difficultés, les choses ne s’amélioreront pas. Un bon éleveur qui performe continuera de performer. Avec ou sans antibiotiques. Une biosécurité de haut niveau et une gestion serrée seront toujours de mise. »
« C’est un réel défi », confirme Denis Caron, directeur des opérations avicoles à La Coop fédérée, où l’on effectue de nombreux essais. « Il faut peaufiner les techniques de production, améliorer la biosécurité et expérimenter des produits de remplacement. »
Probiotiques, huiles essentielles (thym, eucalyptus, menthol), vitamines, antioxydants, produits immunostimulants – ça marche, confirme la Dre Labrecque. Ces produits ne remplacent pas un antibiotique, mais ils fonctionnent lorsqu’ils sont bien utilisés. C’est l’avenir. Mais la clé, c’est la prévention, répète la vétérinaire.
Lire l’article complet dans l’édition de juillet-août 2019 du Coopérateur.