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Le dialogue : un incontournable de la démocratie coopérative

L'actualité ne ment pas, les démocraties s’essoufflent et s’effritent. Les fondements qui gouvernent notre vivre ensemble sont secoués par divers événements. L’urgence d’une revitalisation est manifeste afin d’augmenter la confiance des citoyens envers les institutions et leurs dirigeants.

Repenser l’intégralité de l’exercice démocratique tant sur la forme que sur le fond est devenu un exercice nécessaire en vue de recréer des lieux où l’on pense concrètement l’avenir des communs.

La démocratie : toujours pertinente!

La démocratie demeure toujours cet instrument nécessaire à la revitalisation de nos organisations et de nos communautés en dépit des désaccords qui persistent. Depuis Socrate (il y a 2500 ans!), la démocratie comme philosophie politique et éthique a toujours insisté sur un élément fondamental que nous avons toujours du mal à mettre en œuvre : l’engagement envers le dialogue véritable et la délibération engagée comme gage d’une méthode qui permet aux membres d’une société ou d’une organisation – coopérative et mutuelle – de participer activement aux débats, si nombreux et complexes d’aujourd’hui. L’espace public doit être investi et réinvesti des vertus dialogiques pour faire émerger l’intelligence partagée par la participation du plus grand nombre à l’enquête sociale.

Dialoguer, on fait ça comment?

Le dialogue, en contexte de coopération, fait appel aux capacités humaines à décloisonner les discours dominants et à résoudre des dilemmes communs et des incertitudes constantes de notre monde. Le dialogue convenable débloque ainsi la parole qui devient parole libératrice de sens partagé, lieu même où se forme et se développe la pensée critique qui favorise l’émancipation.

Le dialogue se caractérise par son souci véritable de la promotion du bien commun en contexte de turbulences de toutes sortes. Il fait appel à des sujets autonomes, raisonnables et préoccupés par l’avenir. Le 21e siècle nous montre l’impératif de cet appel.

Dans sa structure, le dialogue exclut tout monologue égoïste qui tente subtilement de réduire l’autre à l’état de moyen en vue de satisfaire ses propres finalités. Il n’est pas non plus un simple échange spontané d’opinions, encore moins une simple négociation. Le dialogue procède de la différence qui sépare les interlocuteurs et les guide vers une coélaboration d’un sens commun. La santé d’une société ou d’une organisation démocratique comme les coopératives et les mutuelles se mesure, entre autres choses, par la variété et la qualité des arguments qui sont présents dans le débat en vue de résoudre dans la pratique des dilemmes citoyens, donc politiques.

La démocratie et le dialogue : les fondements d’une coopération authentique!

C’est dans la rencontre dialogique authentique avec les autres que des points de vue, des interprétations du réel et des valeurs se juxtaposent, s’affrontent ou se confrontent en vue d’une création commune de sens qui guide l’action.

Il semble clair aujourd’hui qu’on ne peut limiter la démocratie dans nos organisations coopératives et mutuelles aux assemblées générales annuelles. Malgré toute son importance légale, cette formule ne suffit plus à la mobilisation. C’est en apportant du contenu, des matières à réflexion et à échanges que la démocratie (re)vivra et que la parole des territoires se libérera pour qu’on puisse entendre ce que les gens ne disent plus.

Revitaliser une conception de la démocratie qui ne se limite pas au vote et aux échanges d’information passe par l’ouverture aux dialogues et aux débats par le développement d’une réflexion collective sur des enjeux et des défis qui touchent et qui débordent la coopérative elle-même. En somme, il faut, par de nouveaux moyens, éveiller le dialogue et l’énergie démocratique pour mieux participer à la construction d’un avenir commun, marchant ensemble sur le chemin incertain de la transition du monde.

Texte d’André Martin, philosophe et chercheur

Photo : iStock.com | izusek