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Le porc, la sécurité alimentaire et celle de Xi Jinping

« Ni le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, ni le Parti communiste chinois ne peuvent se permettre la grogne du peuple par manque de viande de porc », estime le Pr Zhan Su, spécialiste de la Chine et titulaire de la Chaire Stephen-A.-Jarislowsky en gestion des affaires internationales, à l’Université Laval. « Les importations servent à réguler l’approvisionnement et son prix sur le marché intérieur. »  

Les autorités chinoises ne badinent pas avec la disponibilité et le prix de la viande de porc. Elle représente 60 % de toutes les viandes consommées par le peuple chinois. Comble de malheur, la peste porcine africaine (PPA), officiellement déclarée en août 2018 et pour laquelle il n’existe aucun vaccin, s’est propagée comme une traînée de poudre et a décimé 40 % du cheptel porcin en 2019 – « année du Cochon » dans le calendrier chinois et synonyme de festivités. 

En 2020, le prix de la viande de porc vendu dans les échoppes et supermarchés chinois a presque triplé, passant de moins de 3 $ CA/kg à près de 8 $ CA/kg. Pour calmer le jeu, la Chine a importé 5,3 millions de tonnes métriques de viande de porc – près de la moitié de tout le commerce international de cette denrée! « La Chine est un marché incontournable, mais nous sommes encore au banc des punitions », dit Richard Davies, vice-président au marketing chez Olymel, le plus gros exportateur de viande de porc au Canada.  

Le Canada exporte 70 % de sa production porcine. En 2020, la Chine est devenue le premier marché d’exportation de viande de porc, avec des ventes records de plus de 1,6 milliard $, trois fois plus qu’avant la PPA. Le marché chinois est vital, parce qu’il y a une forte demande en parties dites « moins nobles » d’une carcasse de cochon : pieds, tête, oreilles, estomac, viscères. Mais depuis juin 2019, la production de quatre usines d’Olymel (celle de Red Deer, en Alberta, et trois au Québec) est bloquée par une muraille bureaucratique chinoise.  

Pékin a invoqué de faux certificats vétérinaires canadiens, qui auraient permis la contrebande de viande de porc contenant des traces de ractopamine, additif alimentaire interdit en Chine. D’où provient cette viande? Qui a falsifié les certificats? L’enquête menée conjointement par les autorités sanitaires chinoises et canadiennes n’a pas encore abouti.   

Olymel se dit toujours victime d’une situation géopolitique indépendante de sa volonté, soit l’arrestation, en 2018, à Vancouver (à la demande des autorités américaines) de Meng Wanzhou, directrice financière de la multinationale Huawei, joyau chinois de l’électronique et des communications. La Chine a répliqué en emprisonnant deux Canadiens sur son territoire pendant plus de 1000 jours. Les deux Michael, qualifiés d’otages, ont été libérés le jour même où Meng Wanzhou a recouvré sa liberté, en 2021. « La situation devrait se normaliser cette année », croit Richard Davies.  

Autosuffisance alimentaire? 

Les autorités chinoises affirment aujourd’hui avoir presque reconstruit le cheptel porcin décimé par la PPA. Et elles visent une autosuffisance de 95 % en viande de porc. Est-ce possible? « Il ne faut pas sous-estimer le Parti communiste chinois », déclare le Pr Zhan Su.  

Selon cet expert, la Chine reconstruit son cheptel avec toutes sortes de modèles de fermes, dont des sites de production modernes, comme celui de Tianzow, situé dans la province du Sichuan – bastion de la production porcine. Genre d’hôtel bâti sur sept étages, cette exploitation à la fine pointe de la technologie, présentée par vidéo au Porc Show, abrite 3600 truies et a nécessité un investissement de 60 millions $. 

Pour le moment, Pékin ferme les yeux sur les petites fermes – « jugées plus polluantes, notamment à cause de la production et de l’élimination du lisier », affirme le Pr Zhan Su –, parce qu’elles participent à la reconstruction rapide du cheptel. Mais il prévoit que les autorités vont serrer la vis pour mettre l’accent sur une production plus industrielle, avec des normes environnementales strictes. 

Tout comme le Pr Zhan Su, Richard Davies croit que les importations chinoises records de 2020 ne se répéteront pas de sitôt. Mais il doute que la Chine atteigne l’autosuffisance en viande de porc ciblée à 95 % par le Parti communiste, et ce, pour deux raisons. D’abord, parce que ce pays est tributaire de l’importation de grandes quantités de grains pour alimenter son troupeau. Ensuite, parce que l’élevage et l’abattage de porcs exigent de l’eau en quantité et en qualité, un enjeu monumental en Chine.  

Nicolas Mesly

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.

nicolas@nicolasmesly.com

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.