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Des milliers de dollars dans nos fosses

Depuis toujours, les entreprises agricoles œuvrant dans le secteur animal ont des engrais de ferme à gérer. Avec le contexte économique actuel, chacun est forcé de revoir ses façons de faire afin d’améliorer ses coûts de production.

Texte de Sylvie Gagné, agronome, et François Labrie, agronome

Pour les producteurs, la gestion des effluents d’élevages représente la plupart du temps un important poste de dépenses. Si certains réussissent à valoriser en totalité leur lisier directement sur leurs terres, ce n’est pas le cas de tous. Plusieurs se voient dans l’obligation d’exporter une partie du volume produit chez un ou des receveurs et ce n’est pas sans débourser parfois jusqu’à plusieurs milliers de dollars.

Avec la diminution du nombre d’entreprises agricoles en production animale un peu partout sur le territoire et la montée en flèche du prix des engrais minéraux, on sent une demande de plus en plus marquée pour les effluents d’élevage (lisier, fumier et purin).
Si, il y a quelques années, on faisait une faveur à notre voisin en le débarrassant de son lisier en trop, qu’en est-il aujourd’hui?

Voici quelques chiffres qui vous permettront de comparer la valeur des différents engrais organiques avec celle des engrais minéraux :
 
Tableau 1

Pour différents engrais organiques, on retrouve ces valeurs monétaires :

Tableau 2

La bonne dose au bon moment

Il est certain qu’on doit prendre en considération le mode d’épandage, la période, le type de sol et la culture afin de déterminer précisément la quantité d’éléments fertilisants qui sera réellement utilisable par la plante. 

À la vue de ces chiffres, on peut facilement conclure que les effluents d’élevage ont une valeur non négligeable. Il devient donc intéressant de prendre le temps d’établir la valeur pécuniaire de ceux-ci, qui peut devenir un argument de taille quand viendra le moment de solliciter de futurs receveurs. C’est l’occasion d’établir des ententes qui seront profitables pour les deux parties, et ainsi de participer à la rentabilité de chacun.

Cela dit, avant d’accepter de recevoir des engrais organiques, il est important de bien évaluer certains points. Le premier étant de confirmer si le bilan phosphore de votre entreprise le permet et, en vous projetant dans le futur, si elle conservera un bilan en phosphore sain, tout en poursuivant une croissance. De plus, il faut aussi élaborer une stratégie pour limiter la compaction au minimum en circulant dans le champ lors de périodes propices, après les récoltes, par exemple. Aussi, évitez les passages répétitifs en saison. S’il y a une rotation avec une culture légumière, établissez bien le plan de rotation pour respecter les exigences des applications d’engrais organiques dans ces cultures.

Amas, prairies et périodes de semis

Un amas au champ est une façon efficace d’entreposer des engrais organiques solides. En revanche, il faut considérer une perte de superficie cultivable pour l’amas et son chemin d’accès. De plus, certains honoraires peuvent être requis par un agronome pour déterminer le site de l’amas.

La fertilisation des prairies qui demande beaucoup de potasse et de l’azote semble très intéressante. Il faut par contre oublier l’application tôt au printemps pour ne pas abîmer les champs et choisir un cultivar de luzerne avec une couronne profonde pour mieux supporter le passage des réservoirs. De plus, comme les épandages doivent se faire immédiatement après la récolte, avant le regain, assurez-vous d’avoir un forfaitaire fiable qui est disponible lorsque requis.

La période de semis est limitée et un retard entraîne une perte de rendement potentiel. Juste au niveau du soya, un semis avant le 24 mai assure 100 % du rendement potentiel. Du 24 mai au 4 juin, 96 %. Après le 4 juin, ce rendement chute à 84 % (selon des essais à la Ferme de recherche de Sollio Agriculture, à Saint-Hyacinthe). Il est donc préférable d’opter pour un épandage en postrécolte. Un épandage d’été suivant une culture de céréales ou de légumes de conserverie est à prioriser. Une plante de couverture assurera que les fertilisants, comme l’azote, demeureront disponibles à la culture subséquente. Une application suivant la récolte du maïs ou du soya est possible, mais en fonction de la date, il faudra une autorisation écrite d’un agronome pour le faire, et, lors de certains automnes trop pluvieux, il vaudra mieux passer son tour.

Il est aussi possible d’appliquer le lisier en postlevée dans le maïs sans la circulation de réservoirs dans le champ. L’applicateur est relié par un tuyau (drag line) à un réservoir au bout du champ. Ce réservoir est approvisionné par des camions-citernes à partir des sites d’élevage.

Cette technique permet d’appliquer du lisier en postémergence en limitant la compaction au maximum. Ce type d’équipement est peu disponible actuellement.

En considérant ces points, les engrais organiques peuvent bien s’intégrer dans une entreprise agricole et offrir une pérennité au niveau de la santé des sols et abaisser les coûts de production. Tout cela dans un mode de production durable.

Photo d'en-tête : Étienne Gosselin