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Fruits revigorants, 10 mois durant!

Pour secouer la torpeur hivernale de nos papilles lassées par trop de légumes-racines, Aux Fruits de la Colline propose la fraîcheur de ses fraises et framboises de serre, grosses, goûteuses, écarlates. L’avenir est sucré!

On les a connus en 2018 dans nos pages et sur la chaîne YouTube de Sollio, quand ils ont été finalistes du concours Prix établissement et transfert de ferme. Depuis, Justine Breton et Jean-François Dion n’ont pas chômé. Si les fruits et légumes de champs sont toujours au menu, les fraises et les framboises sont encore leur fonds de commerce, avec plus de 80 % du chiffre d’affaires. Aux fraises d’été et d’automne s’ajoutent maintenant les fraises d’hiver et de printemps.

Janvier 2022. À la suite d’un reportage de TVA lors du lancement de la serre, la ferme a été l’« otage » d’un fol engouement pour ses fraises serricoles : des visiteurs du Saguenay ou de Montréal sont venus faire la queue, route du Président-Kennedy Sud, à Sainte-Marie de Beauce. Otage, c’est le bon mot : une liste d’attente a été instaurée à coup de réservations via Messenger, un système ingérable ayant mené à trois semaines de délai pour mettre la main sur ces pépites de bonheur!

La ferme, qui accueille des visiteurs pour l’autocueillette et commercialise elle-même la vaste majorité de ses produits vitaminés, suit l’évolution des prix des fruits et des légumes. Mais pour les fraises de serre, les référents sont rares. L’entreprise est donc fixeuse de prix : elle demande 15 $ pour deux litres de fraises. C’est cher? Oui, mais c’est cher à produire! Sans le précieux gaz naturel qui réchauffe l’atmosphère de la serre plantée à flanc de coteau rocheux, sans les gouttières et les bacs de culture, sans le circuit de fertigation, sans le système électronique de contrôle d’ambiance et sans la serre elle-même, rien ne serait possible. Ces intrants et équipements représentent des investissements colossaux, que le Programme de soutien au développement des entreprises serricoles, du MAPAQ, a aidé à financer. À la clé : une meilleure autonomie alimentaire du Québec.

Jean-François Dion

Rosée et arroser

Jean-François est formé en agronomie, Justine en agroéconomie. Semer, planter, arroser, traiter, entretenir, récolter, commercialiser et calculer leurs coûts de production par culture : ils savent faire, depuis leur lancement en 2011 et même avant, car Jean-François a fourbi ses armes chez les maraîchers Côté de Saint-Paul-d’Abbotsford, son village natal. Mais les défis de cultiver à l’air libre et en milieu abrité sont bien différents, assure-t-il. « Le jour, on maintient environ 17 °C, mais la nuit, on laisse la serre se refroidir jusqu’à 12 °C, comme une nuit fraîche de fin d’été, en prenant soin de recréer la rosée avec des buses sous les lignes de culture », détaille le serriculteur. On y parvient assez bien, malgré quelques feuilles ridées, signe d’un climat trop sec qui affecte la translocation des éléments nutritifs dans la plante, des racines aux apex. « Quand c’est trop humide, c’est l’inverse : le système ouvre la toiture pour effectuer une purge », poursuit-il. Ces défis techniques sont relevés avec l’aide des agronomes Philippe-Antoine Taillon, du MAPAQ, et Sébastien Couture, de Climax Conseils. 

Mais il y a aussi des défis d’ordre humain : en théorie, on devait travailler en serre seulement les matinées de la saison morte, « question de s’occuper l’hiver », dit Justine, mi-figue mi-raisin. Dans les faits, le travail est permanent, sept jours sur sept, car il faut positionner les fruits (« peigner les plants ») pour qu’ils ne touchent pas le substrat (fibre de coco), retirer les fruits déclassés et les vieilles feuilles, récolter tous les trois jours les plants de variété Albion à jours neutres, cultivar qui implique une production (initiation florale) en continu. On doit aussi jeter un œil à la webcaméra (avec interaction sonore), qui permet de constater l’état des stocks au kiosque libre-service et d’échanger avec des clients parfois dubitatifs face à cette mise en marché autonome de bord de route. Heureusement, un travailleur étranger temporaire s’exilera plus tôt cette année pour arriver dès avril, ce qui portera le total de ces anges gardiens des cultures québécoises à trois en haute saison.

Été comme hiver, les fraises de catégorie no 2 sont mises de côté pour servir en transformation. Elles seront peut-être utilisées dans des tartes, mais les nouvelles barbotines faites de vrais fruits ont la cote et sont vite devenues un incontournable des gens du coin et des agrotouristes!

Justine Breton

Moisissure et drosophile

Depuis 2019, on s’initie aussi à la nouvelle technique de production de framboises en contenant hors sol en milieu abrité (serre non chauffée et parapluies en polyéthylène). Cette petite révolution permet de produire en quantité des framboises goûteuses de gros calibre (variété Tulameen). Ces bijoux se conservent bien plus longtemps que leurs cousines de champ plantées à quelques mètres de là.

La technique nécessite toutefois un hivernage en chambre froide (– 2 °C) des tiges de framboisiers ou à l’extérieur, sous toiles isolantes, des pots contenant les racines des framboisiers, dont la moitié sont en mode végétatif une année, l’autre en mode productif (bourgeons fructifères matures). C’est là un jeu qui en vaut la chandelle pour allonger la saison des framboises. Mais gare à la drosophile à ailes tachetées et à la moisissure Cladosporium, qui peuvent bousiller les plants – qu’ils soient abrités ou en plein air!

Savoir se distinguer

Aux Fruits de la Colline continue de se distinguer, récompensée notamment en 2021 du Prix de la relève agricole du MAPAQ, remis par le ministre André Lamontagne directement à la ferme. Mieux encore, c’est auprès de ses électeurs que l’exploitation triomphe, car acheter, c’est voter! Avec la pandémie, la réaction des consommateurs pour l’achat local a été « superbe », atteste Justine. Une réponse – durable, espère-t-elle – qui a permis à l’entreprise de fracasser son objectif de chiffre d’affaires, le multipliant par quatre en quatre ans!
 


Le Prix établissement et transfert de ferme célèbre son 20e anniversaire : 20 ans d’histoires inspirantes pour des générations de productrices et producteurs agricoles. Sollio Groupe Coopératif est fier de soutenir la relève agricole afin d’assurer la pérennité de l’agriculture canadienne.


Pour en apprendre plus sur le concours : sollio.coop/fr/petf_qc

Photos : Christophe Champion

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.