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La gestion de l’offre, un enjeu électoral au Wisconsin

Photo : Darin Von Ruden, producteur de lait biologique et président de la Wisconsin Farm Union.

Au Coopérateur, nous prenons le pouls des agriculteurs américains à propos des élections présidentielles du 3 novembre prochain sur fond de guerres commerciales et de pandémie. Après avoir contribué à l'élection du promoteur immobilier et milliardaire Donald Trump, les producteurs vont-ils lui confier un second mandat ?

« Donald Trump est arrivé au pouvoir au moment où les prix du lait étaient horribles et plusieurs fermes faisaient faillite… En renégociant des accords commerciaux, les affaires ont de nouveau fleuri et nous avons profité du boom économique jusqu’à l’arrivée de la COVID-19. Le président a encore pris les décisions qui s’imposent pour soutenir notre industrie… Une personne mérite notre vote, Donald J. Trump », témoigne en substance à la caméra Cris Peterson, l’épouse d’un producteur laitier du Wisconsin, lors de la convention nationale républicaine en août dernier.

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Photo : Carte des États-Unis avec le Wisconsin en rouge (Source : Wikipedia). 

Le Wisconsin est un État pivot pour la réélection du présent locataire de la Maison-Blanche. En 2016, le petit État a contribué à l’élection du républicain Donald Trump à la présidence (par 22 700 voix), après avoir voté pour des présidents démocrates depuis 1988. Son actuel rival démocrate, Joe Biden, tente aussi de conquérir le vote des propriétaires des quelque 7 000 fermes laitières du Wisconsin, super puissance laitière qui compte quatre fois plus de vaches que le Québec. 

Les statistiques contredisent la contribution du président Trump à l’industrie laitière américaine présentée par Mme Peterson. Le prix du lait est plombé a environ 55,00 $/hectolitre depuis cinq ans. Malgré cela, la production laitière augmente de 2 % par année. Et quelque 2 800 producteurs laitiers du Wisconsin ont mis la clé dans la porte de leur étable. 

« Nous avons un problème de surproduction de lait aux États-Unis qui détruit l’environnement économique et accélère la concentration des entreprises. On examine la possibilité d’une forme de gestion de l’offre », explique Darin Von Ruden, président de la Wisconsin Farm Union (WFU), une des deux principales organisations de producteurs au Wisconsin. 

La WFU a créé le mouvement Dairytogether pour réformer la politique laitière américaine, suite à la visite au Wisconsin de deux dirigeants des producteurs de lait de l’Ontario en mars 2018. À la demande de la WFU, l’expert en politiques laitières à l’université du Wisconsin, Marke Stephenson, a examiné les effets de programmes limitant la production laitière en imposant des pénalités aux producteurs. « Le prix du lait serait plus stable tout en augmentant le revenu des producteurs, plus d’éleveurs resteraient en production et cela coûterait moins cher au gouvernement », explique-t-il.  

Mais une gestion de l’offre à l’américaine, précise l’économiste, ne mettrait pas « aucune valeur sur les quotas et serait plus souple pour répondre aux signaux du marché ». L’idée séduit aussi l’autre grande organisation des producteurs laitiers réunis sous la Wisconsin Farm Bureau (WFB) qui parle de growth management (gestion de la croissance).

« Joe Biden est réceptif à l’idée d’une gestion de l’offre, mais pas le secrétaire à l’Agriculture, Sonny Perdue, ni le président Trump pour qui c’est une entrave au libre commerce », poursuit Darin Von Ruden.  

Quelque 80 % du lait produit au Wisconsin est transformé en fromages pour approvisionner le pays et 30 % de cette production est exportée à l’extérieur des États-Unis. 

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Photo : Chris Pollack, membre de la WFB, possède un troupeau de 150 vaches en lactation et livre son lait à Agropur. 

« Les guerres commerciales avec la Chine, le Canada et le Mexique ont contribué à déprimer le prix du lait au pays et ont particulièrement touché le Wisconsin. De plus, les compensations n’ont pas couvert nos pertes financières », croit Chris Pollack, un éleveur laitier membre de la Wisconsin Farm Bureau (WFI), qui livre son lait à l’usine d’Agropur située à Weyauwega. 

Selon Mark Stephenson, l’accès supplémentaire de produits laitiers américains au Canada, négocié de force par le président Trump dans le nouvel accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), aura un impact minime sur la paye des producteurs de lait du Wisconsin. 

Quant à la COVID-19, elle a forcé l’annulation de l’emblématique World Dairy Expo à Madison cette année. Du coup, le président américain annonçait une deuxième tranche d’aide de 14 G$ US le 18 septembre dernier lors d’un rallie au Wisconsin. Cette nouvelle aide, dont les producteurs laitiers sont parmi les grands bénéficiaires, totalise 30 G$ US.

Dans un tel contexte, difficile à prédire qui de Donald Trump ou de Joe Biden aura la faveur du vote des éleveurs laitiers le 3 novembre prochain.

Nicolas Mesly

Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.
nicolasmesly@gmail.com
Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.