
La gestion de l’offre au Canada suscite des débats récurrents, notamment avec l’arrivée de nouveaux dirigeants aux États-Unis. Ce système, qui encadre la production et limite les importations de lait, d’œufs et de volaille, contraste avec le rôle du Canada comme grand exportateur de porc, de bœuf et de céréales. Cette dualité reflète les différences régionales au sein du secteur agricole canadien.
Bien que le Canada soit le dernier pays à maintenir un système de gestion de l’offre aussi structuré, d’autres pays comme les États-Unis, la Norvège, la Suisse et le Japon appliquent aussi des politiques agricoles protectionnistes. En Europe, l’abolition des quotas laitiers en 2015 a entraîné une surproduction, une chute des prix et une pression accrue sur les petits producteurs, ce qui a accéléré la concentration des fermes et affecté l’occupation du territoire rural.
La Nouvelle-Zélande, qui a supprimé son système de gestion de l’offre dans les années 1980, a vu disparaître près de 50 % de ses fermes laitières, puis elle est devenue fortement dépendante des marchés internationaux. Une étude du Boston Consulting Group (BSG) indique qu’une abolition de la gestion de l’offre au Canada mettrait en péril 40 % de la production laitière nationale, et jusqu’à 50 % au Québec, en raison de la petite taille des fermes.
On dit que les producteurs américains bénéficient d’un soutien étatique, de fermes plus grandes, d’un endettement moindre et de coûts de production inférieurs aux nôtres, mais quelle est la réalité?

En regardant les données du Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) sur les coûts de production dans le secteur laitier, voici quelques constats :
Plus les fermes sont grosses, plus elles ont la capacité de dégager un revenu net positif;
Les fermes laitières deviennent rentables dans la tranche de 500 à 999 vaches;
Plus les fermes grossissent, plus les coûts fixes baissent en $/hectolitre, c’est normal!
L’élément le plus frappant demeure la valeur du salaire non rémunéré. En gros, cela représente la valeur économique du temps que le producteur consacre à la ferme sans se verser de salaire, en comparaison avec ce qu’il pourrait gagner s’il travaillait ailleurs. Systématiquement, dans le cas des troupeaux de moins de 200 vaches, cela implique une perte économique pour l’entreprise.
En définitive, les données sont claires : sans gestion de l’offre, le Canada s’exposerait à une restructuration profonde de son secteur laitier, au profit de très grandes exploitations, comme c’est le cas aux États-Unis. Or, notre modèle repose sur des fermes à taille humaine, bien ancrées dans leur communauté, qui assurent une occupation équilibrée du territoire et une production durable. La gestion de l’offre permet non seulement de stabiliser les revenus des producteurs, mais aussi de préserver un tissu agricole diversifié, résilient et enraciné dans nos valeurs agroenvironnementales.
Les exemples internationaux, qu’il s’agisse de l’Europe ou de la Nouvelle-Zélande, montrent que l’abandon de ce type de régulation entraîne une concentration des fermes, une perte de souveraineté alimentaire et une dépendance accrue aux marchés mondiaux. Ce n’est pas le modèle que nous voulons.
Le défi n’est pas de remplacer la gestion de l’offre, mais de la faire évoluer intelligemment. Cela implique d’ouvrir la porte à l’innovation, à la différenciation des produits et à une meilleure reconnaissance du rôle des consommateurs dans le maintien de ce système. Car au fond, ce modèle n’est pas seulement économique, il est social, territorial et environnemental. Et c’est précisément pour cela qu’il mérite d’être défendu.
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