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Bien gérer la condition de chair des vaches en transition

La période de transition chez la vache implique de grands changements métaboliques. Du tarissement au pic de lactation, le suivi de la condition de chair (CC) des vaches est un excellent outil pour évaluer la régie de cette période critique. Voyons ce que suggèrent les recherches pour optimiser vos résultats.

Des vaches trop grasses ou trop maigres au tarissement : les deux posent des risques. Une vache trop grasse au tarissement n’est pas nécessairement souhaitable. Pourquoi?

Une vache trop grasse au tarissement

Une étude menée par Daros et coll. (2021) a démontré que la consommation volontaire de matière sèche (CVMS) des vaches grasses au tarissement (≥3,5) est plus faible que celle des vaches ayant une CC entre 2,75 et 3,5, et ce, jusqu’au vêlage (figure 1).

Figure 1


Une augmentation d’un point de CC au tarissement a donné lieu à une perte de 0,31 point de CC avant le vêlage. Comme cette perte de poids surpasse ce qu’on peut estimer en regardant la réduction de CVMS, on peut en déduire que l’énergie est utilisée à d’autres fins : les auteurs suggèrent une demande accrue générée par un état d’inflammation chez les vaches trop grasses.

Chez plusieurs espèces, l’obésité est liée à un état d’inflammation chronique. Or, en état d’inflammation, le système immunitaire devient très énergivore. C’est probablement ce qui se passe chez les vaches trop grasses. Selon les travaux du Dr Baumgard, une inflammation pendant la période de tarissement peut être à l’origine de plusieurs désordres métaboliques de début de lactation, ce qui explique pourquoi les vaches grasses performent souvent moins bien.

De plus, les résultats de Pinedo et coll. (2024) suggèrent que la perte de CC en tarissement est plus étroitement liée aux risques d’acétonémie que la CC au vêlage. Donc, première recommandation : éviter les pertes de CC en tarissement.

Une vache trop maigre au tarissement

En contrepartie, il ne faut pas non plus que les vaches soient trop maigres si on veut maximiser le lait, les composantes et la reproduction lors de la prochaine lactation. Une étude menée avec 327 vaches multipares (Casaro et coll., 2023) classées selon leur CC 21 jours avant le vêlage (grasse ≥ 4,0; intermédiaires 3,25-3,75; maigre ≤ 3,0) a montré que les vaches à moins de 3 de CC avaient un meilleur bilan énergétique (figure 2) étant donné une meilleure CVMS, mais qu’elles ne produisaient pas autant de lait (cumulatif sur 28 jours) que les vaches classées moyennes ou grasses (figure 3).

Figure 2Figure 3


Des vaches à moins de 2,8 au vêlage produisent moins de lait et moins de composantes. Selon Kraker (2024), des vaches de moins de 2,75 ou de plus de 3,5 de CC à 28 jours avant le vêlage montrent des marqueurs d’inflammation plus élevés dans les premières semaines de lactation. Il est normal que ces marqueurs augmentent au vêlage, tout comme il est normal que le calcium sanguin baisse au vêlage, mais il ne faut pas que ça perdure.

Condition de chair et réserve musculaire

Des vaches avec une CC plus faible (≤ 3) ont moins de réserves de gras, mais aussi moins de masse musculaire. De façon surprenante, elles mobiliseront ces réserves en début de lactation de façon plus intense que les vaches ayant une CC plus élevée (moyenne 3,2-3,8 ou élevée ≥ 4).

Cette mobilisation de protéine ne donne par contre pas lieu à un rendement de protéine équivalent à celui des vaches en meilleure CC (figure 4). C’est donc qu’elles utilisent ces acides aminés pour d’autres fonctions, mais lesquelles? Système immunitaire, production d’énergie? Mystère.

De nouvelles recherches suggèrent également que des vaches ayant une plus grande masse musculaire au vêlage, évaluée par l’épaisseur du muscle longissimus dorsi, muscle qui longe la colonne vertébrale, font plus de lait. C’est une raison de plus pour bien gérer la condition de chair du tarissement au vêlage.

Figure 4


La condition de chair en début de lactation

Les premiers paragraphes de ce texte démontrent l’importance d’une CC optimale dès le tarissement des vaches. Il est avant tout primordial d’éviter que les vaches maigrissent avant le vêlage.

En début de lactation, les vaches perdront du poids et de la CC. On estime qu’une perte de poids de 4,5 % pour une troisième lactation et plus et de 5 % pour une vache de deuxième lactation pendant les 21 premiers jours a un effet positif sur la production laitière des 90 premiers jours.

Si on présume qu’un point de CC équivaut à 10 % du poids de l’animal (donc à 70 kg pour une vache de 700 kg) alors, pour les vaches de deuxième lactation et plus, perdre 0,5 point de CC dans les trois premières semaines est correct. Pour les vaches de première lactation, on peut être un peu plus permissif, avec une perte de 7,4 % du poids si on veut maximiser le lait (figure 5). Par contre, il ne faut pas négliger la reprise une fois la consommation maximisée puisque les primipares sont encore en croissance.

Figure 5


Parfois, la perte de poids ou de CC maximale peut surpasser les cinq pour cent. Si la CVMS est forte et que la perte se produit à plus long terme, ce n’est pas nécessairement problématique du point de vue de la production. Une étude réalisée avec des vaches au pâturage a montré que plus les animaux perdaient de CC jusqu’au nadir, atteint en moyenne à 53 jours, meilleure était la production cumulée sur les 60 premiers jours. Ceci ne doit pas devenir un objectif pour toutes les conditions d’élevage, mais illustre le fait que si la perte de poids se produit sur une période plus longue, les vaches ne sont pas autant à risque de développer des problèmes métaboliques.

Des vaches au pâturage ont normalement accès à des rations moins énergétiques. On peut donc s’attendre à ce qu’elles maigrissent plus. Cette perte se produit sur une période de deux mois et non de trois semaines, et elles semblent pouvoir la gérer adéquatement (Berry et coll., 2007). Il est cependant à noter que rien n’est mentionné quant aux performances de reproduction.

La perte de poids en début de lactation implique également une perte de masse musculaire. Plus les vaches ont une masse musculaire importante au vêlage, plus elles en perdront, mais plus elles produiront de lait. C’est ce que démontrent les récents travaux de l’équipe du Dr Boerman de l’Université Purdue. L’épaisseur du muscle longissimus dorsi diminue de plus de 30 % dans les deux premiers mois de lactation, peu importe que ce muscle mesure plus ou moins de cinq centimètres d’épaisseur au vêlage (figure 6). Les graphiques illustrent également que la reprise de masse musculaire semble plus tardive que la reprise de réserves adipeuses. Il faut attendre que les vaches aient passé les 200 JEL pour que l’épaisseur du muscle commence à augmenter (Hanno et coll., 2025).

Les travaux dans ce domaine débutent, il faut donc attendre de voir si d’autres essais démontreront le même phénomène et si le programme alimentaire pourrait avoir une influence sur la perte et la reprise de masse musculaire.

Figure 6


BREF, pour bien gérer la condition de chair des vaches en transition...

En début de lactation, il est normal et profitable que les vaches perdent 0,5 point de CC dans les toutes premières semaines, et possiblement un peu plus si la perte de CC s’étale jusqu’à 60 jours.

Pour maximiser la performance des vaches et réduire les risques liés à l’inflammation péri-vêlage, il est conseillé de bien gérer la CC dans le dernier tiers de la lactation pour que les vaches soient en moyenne autour de 3 à 3,25 au tarissement. On évite une CC de moins de 2,8 ou de plus de 3,5. Trop maigre, les composantes ne seront pas au rendez-vous et la reproduction risque d’écoper. Trop grasse, il faudra gérer des risques d’inflammation et de consommation moins forte, et donc des pertes de CC plus importantes, avec les risques que cela comporte.


5 recommandations pour gérer la condition de chair des vaches en transition :

  • Bien gérer la condition de chair dans le dernier tiers de la lactation;
  • Avoir une condition de chair optimale dès le tarissement;
  • Éviter des vaches de moins de 2,8 ou de plus de 3,5;
  • Éviter que les vaches maigrissent avant le vêlage;
  • Gérer la perte de poids et de CC en début de lactation (attention aux variations selon le nombre de lactations).


Photo d'en-tête : Étienne Gosselin

Annick Delaquis

QUI EST ANNICK DELAQUIS
Agronome et détentrice d'un doctorat en alimentation animale, Annick est nutritionniste en production laitière chez Sollio Agriculture.

annick.delaquis@sollio.ag

annick.delaquis@sollio.ag

QUI EST ANNICK DELAQUIS
Agronome et détentrice d'un doctorat en alimentation animale, Annick est nutritionniste en production laitière chez Sollio Agriculture.

annick.delaquis@sollio.ag