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Agropur : En processus d’introspection et à nouveau en bonne posture

Dettes importantes, rentabilité en baisse, aucune ristourne en 2020 : Agropur, la flamboyante coopérative laitière, est en mode restructuration. En parallèle, une consultation auprès de ses membres est arrivée à son terme cet automne. Retrouvera-t-elle sa splendeur? Oui, assure son président, Roger Massicotte.

Agropur a été sous les feux de la rampe, notamment en raison de son niveau élevé d’endettement. Qu’est-ce qui vous a menés dans cette situation difficile?
Le niveau d’endettement a été plus serré, oui, mais malgré ce qu’on a dit dans les médias, Agropur maîtrisait la situation. De 2013 à 2018, nous avons réalisé, au Canada et aux États-Unis, des fusions et acquisitions totalisant 3,6 milliards $. Des sommes très importantes, mais justifiables, car la perspective de rentabilité était au rendez-vous. En 2017, Agropur a connu une année de bénéfices records. Puis, de 2018 à 2019, nos marchés ont subi durement les contrecoups de la volatilité, surtout aux États-Unis, et une concurrence sévère au Canada. Puis il y a eu l’entrée en vigueur d’ententes commerciales – Canada-Europe, transpacifique, Canada–États-Unis–Mexique –, qui ont entre autres perturbé nos marchés des fromages fins. Résultats : nos frais financiers coûtaient cher et notre rentabilité a fléchi. 

Comment le conseil d’administration a-t-il réagi?
Il s’est rapidement ressaisi et s’est donné, en 2019, une nouvelle direction et un plan stratégique rigoureux. On a simplifié notre modèle d’affaires, amélioré nos performances et réduit notre dette. Après neuf mois de l’exercice 2020-2021 [au moment où nous écrivons ces lignes], on a remboursé plus de 1 milliard $, soit plus de 40 % de la dette totale d’Agropur. On s’attend à des résultats impressionnants en fin d’année. 

Des producteurs membres ont critiqué des décisions d’investissement et mesures de rationalisation prises par la direction de la coopérative. Quelle a été votre réaction?

L’insatisfaction est venue du fait que nous avions momentanément cessé de verser des ristournes au comptant. J’ai de la compassion pour ça. Ça chatouille un peu. Mais nos producteurs sont des gens d’affaires, ils ont vite compris qu’il fallait s’attaquer à des priorités. Notre vie associative est forte. On rencontre régulièrement nos membres. On répond à toutes leurs questions. On est un livre ouvert. Un sondage effectué en pleine turbulence médiatique a révélé que leur priorité numéro un, c’est le retour à la rentabilité. Viennent ensuite la croissance, la pérennité et la ristourne.

Sachant cela, qu’avez-vous décidé?
On s’est centrés sur nos forces, c’est-à-dire le B to B [business to business, ou commerce interentreprises], soit la fabrication de produits, essentiellement des fromages, sous marques privées : Le Choix du Président, Compliments, etc. C’est un marché en croissance, et de loin notre plus important secteur d’affaires depuis de nombreuses années. On détient 75 % de ce marché au Canada. Nous avons aussi vendu des actifs. Ç’a fait saigner des cœurs de se défaire de iÖGO, mais dans le portrait global d’Agropur, ça ne représentait que 2 % de notre business, et il fallait y consacrer des investissements disproportionnés en marketing et en soutien de la marque. On s’est également départis d’actifs aux États-Unis pour les mêmes raisons, afin de se concentrer sur la production de fromages sous marques privées. Nous y sommes l’un des cinq plus grands fromagers. Cela dit, on conserve nos marques fortes, Oka et Natrel par exemple, qui contribuent à la notoriété d’Agropur.

Quelles en ont été les conclusions?
L’adhésion de nouveaux membres, à l’échelle nationale, est une question récurrente. Nos membres actuels n’y sont pas fermés, mais il faut disposer des capacités de transformation nécessaires. Du côté de la capitalisation, on a conclu que la raison d’être de notre coopérative n’est pas d’émettre des parts privilégiées aux membres pour générer du cash. On n’est pas une banque. Quant aux excédents, les membres veulent qu’ils servent de façon équilibrée à réduire notre dette, à améliorer notre performance, à préparer la prochaine croissance qui assurera notre pérennité – et qu’ensuite on s’en partage une partie. 

Nos valeurs coopératives sont profondes. Les membres sont fiers de leur coopérative et d’être des producteurs transformateurs qui détiennent une trentaine d’usines pour transformer leur lait. 

Enfin, le développement durable, le bien-être animal et la réduction des GES seront des plaques tournantes des prochaines années. Nous devons mieux informer le consommateur de nos bonnes pratiques et des nombreuses améliorations qu’on veut adopter. 

Revenons sur la croissance et la gestion de la dette. Comment les deux se conjugueront-elles? Allez-vous réinvestir aux États-Unis?
D’abord, au Canada, la consolidation dans l’industrie est à peu près terminée. Nous sommes un des trois grands transformateurs laitiers, avec au-delà de 30 % des parts de marché. Au Québec, 50 % du lait passe par Agropur. Nous allons investir dans nos installations actuelles afin de répondre à la croissance de la consommation de fromages. Nous avons d’ailleurs lancé une nouvelle marque de fromages fins, Monsieur Gustav, pour faciliter le choix des consommateurs et mousser ce créneau, qui y goûte avec les ententes commerciales. 

Dans le lait à boire, nous avons déjà lancé Natrel Plus. En étant plus concentrée en protéines, cette gamme répond à un besoin. Elle nous aide aussi à écouler une partie de nos solides non gras, résultant de la chute de la consommation des laits traditionnels 3,25, 2 et 1 %, et de la hausse de la consommation de beurre. En Amérique du Nord, nous sommes parmi les plus importants producteurs de protéines de lactosérum, un sous-produit de la production fromagère qui est en forte demande auprès des sociétés pharmaceutiques. Aux États-Unis, le marché de la transformation est encore dilué. Il y a place pour de la croissance. C’est pourquoi on investit près de 170 millions $ dans une nouvelle usine à la fine pointe de la technologie, à Little Chute, au Wisconsin, où nous fabriquerons, dès 2023, des fromages sous marques privées.

Agropur retrouvera-t-elle toute sa grandeur? Quelles seront les prochaines étapes?
L’historique d’Agropur ne s’est jamais construit avec l’objectif qu’elle soit grande. Nous sommes parmi les 20 plus importants transformateurs laitiers au monde. Nous avons grandi par fusions et par acquisitions, d’abord pour assurer notre pérennité, et afin que les générations qui nous suivent puissent aussi profiter de leur organisation.


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Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

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