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Réflexion sur la valorisation des fourrages

Quelle est la meilleure façon de valoriser les fourrages dans le secteur laitier tout en poursuivant l’objectif de rentabiliser l’entreprise le mieux possible? Est-ce que valoriser les fourrages signifie donner le minimum de concentrés, ou bien tirer le maximum de revenu par leur utilisation judicieuse? Regardons la valorisation de ce précieux aliment sous différents angles.

Le rôle des concentrés est de compléter les fourrages pour permettre aux vaches d’optimiser leur production, et par conséquent augmenter la rentabilité de la ferme. Autrement dit, on veut des vaches qui produisent selon leur potentiel un lait ayant de bons composants, des vaches qui se reproduisent et qui restent en bonne santé le plus longtemps possible.

Le travail d’amélioration génétique des dernières années pour faire de nos vaches de bonnes productrices de lait a été colossal, et il se poursuit. Les normes de confort et de bien-être animal sont sans contredit un autre facteur qui permet aux vaches d’augmenter leur potentiel de production. Le soin des sabots, la qualité de l’eau, une ventilation efficace sont en effet des éléments qui concourent à rendre les vaches mieux disposées à produire. 

Quelle est la dernière étape qui permettra aux vaches de tirer le maximum de leurs capacités? Une ration qui répond à leurs besoins.

En voulant améliorer la rentabilité, on peut être porté à abaisser la quantité de concentrés servie au troupeau pour favoriser un meilleur coût à l’hectolitre. Mais si on limite la quantité, l’impact pourrait être important sur la production, la santé des vaches et les composants du lait. On pourrait en effet voir une baisse de production de lait, qui nécessiterait d’augmenter le nombre de vaches pour produire le quota. On risquerait aussi une baisse des composants, dont la protéine du lait, qui s’avérerait coûteuse en ce qui a trait à la marge par kilo. Une simple baisse de 0,1 kg/hl de protéine (8 $/kg) représente une baisse de revenu annuel de 7300 $ pour une ferme de 100 kg/jour.

Comparer des coûts à l’hectolitre et en tirer une conclusion de rentabilité globale n’est pas si facile. Il faut interpréter les chiffres avec une grande prudence. Dans toutes les fermes, on veut maximiser la rentabilité, mais cette rentabilité ne se mesure pas avec une seule ligne dans le bilan des coûts, soit ceux des concentrés à l’hectolitre. 

 

Comment comparer ses coûts à l’hectolitre

En premier lieu, regardons si les composants du lait sont les mêmes pour les fermes comparées. Le quota détenu étant le facteur limite pour les expéditions de lait, est-ce que la marge par kilo de gras vendu est à son maximum (optimum du revenu par kilo moins mon coût de production par kilo)? Et surtout, est-ce que les kilos de lait produits par vache sont les mêmes? 

Cette donnée aura un impact majeur sur le nombre total d’animaux nécessaires pour produire le quota et, par conséquent, sur les charges de l’entreprise. Comparer des fermes ayant des différences en matière de gestion, de confort ou de qualité de l’eau ou des fourrages, par exemple, donne parfois des marges très différentes pour une même production de gras par vache par jour. Imaginez alors comparer des niveaux de production différents!

Est-il possible de tirer une conclusion de rentabilité pour deux fermes qui produisent chacune 122 kg de gras et qui ont un coût de concentrés pour les vaches en lactation de 14 $/hl et de 12 $/hl respectivement? Simplement en comparant leur coût de concentrés par hectolitre, on peut facilement affirmer que la ferme B économise 22 265 $ en concentrés pour les 11 132 hl de lait produits. C’est spectaculaire et attrayant.

A.    100 vaches, 80 taures, 14 $/hl de concentrés (lactation), 1,44 kg par vache en lactation
B.    120 vaches, 100 taures, 12 $/hl de concentrés (lactation), 1,20 kg par vache en lactation

En revanche, la ferme B aura besoin au minimum de 150 tonnes de matière sèche (TMS) fourrage de plus pour couvrir le besoin nutritionnel des animaux en plus, soit environ la production de 53 acres (s’il n’y a pas de sècheresse ou de gel hivernal qui affecterait le rendement). Pour un coût de production moyen standardisé de 215 $/TMS, on parle ici de 32 250 $ en coût de fourrage additionnel, l’équivalent de 2,89 $/hl. On n’a donc fait aucune économie.

Pour égaliser les coûts d’alimentation de la ferme B, qui a besoin de plus d’animaux, son fourrage devra coûter 148 $/TMS. Avec les prix supérieurs dans le marché actuel, le revenu de la ferme qui produit plus de lait est encore plus élevé. Avec un troupeau de 40 têtes de plus, si on prend en compte toutes les charges variables (dont les concentrés pour les sujets de remplacement) et les charges fixes qui s’y rattachent, quel sera l’impact économique final pour l’entreprise? Le LEC (Logiciel économique Coop) peut en donner un portrait très réaliste. 

Valoriser les fourrages consiste à les maximiser en les combinant à des concentrés adaptés, en bonne quantité, aux animaux méritants. Quelle est la différence en consommation volontaire de matière sèche (CVMS) fourrage des vaches qui produisent entre 20 à 60 kg de lait dans un troupeau avec un poids moyen de 670 kg? Elle se situe autour de 15 kg de MS par jour. Elle est donc minime. La différence entre les vaches de productions différentes réside dans les concentrés consommés pour compléter la ration. Alors, ces 15 kg de MS fourrage, qui permettent de produire 20, 30 ou 60 kg de lait, ne seraient-ils pas valorisés de façon optimale si on allait chercher le plein potentiel des vaches? 

En travaillant sur les facteurs qui limitent les performances, cette stratégie influencera positivement les résultats économiques de l’entreprise, mais ne gagnera pas toujours le concours des coûts de concentrés par hectolitre les moins élevés. Et attention : il n’est pas rare de voir, dans le marché des grains, des prix moins élevés que ceux des fourrages. Le temps est peut-être venu de se poser la question : comment puis-je baisser le coût des fourrages à l’hectolitre? En les valorisant, c’est-à-dire en tirant plus de lait de chaque kilo!

Une ferme peut afficher un coût de concentrés de + 2 $/hl, mais n’achète jamais de vaches; elle en vend plutôt. Elle a un meilleur test de protéine, son coût de fourrage à l’hectolitre est bas, et le nombre d’animaux pour produire le quota est plus bas. Elle économise sur plusieurs frais variables et fixes, comme les besoins en terres, bâtiments, main-d’œuvre, insémination, vétérinaire, etc. 

Bref, pour influencer nos décisions, examinons les charges de l’entreprise dans leur globalité. Tirer le maximum de revenus avec le minimum de charges est l’objectif ultime, mais ces charges ne représentent pas seulement une ligne dans le bilan.

Nicolas Marquis

QUI EST NICOLAS MARQUIS
Membre de l'Ordre des technologues, Nicolas est expert, stratégie d'affaires agricoles en production laitière chez Sollio Agriculture.

nicolas.marquis@sollio.ag

nicolas.marquis@sollio.ag

QUI EST NICOLAS MARQUIS
Membre de l'Ordre des technologues, Nicolas est expert, stratégie d'affaires agricoles en production laitière chez Sollio Agriculture.

nicolas.marquis@sollio.ag