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Estimer les émissions de méthane des ruminants grâce à des outils novateurs

Quantifier les émissions de méthane d’une vache en environnement commercial n’est pas une tâche simple. Des mesures précises et de savants calculs viennent toutefois à la rescousse et permettent de mettre en place de meilleures pratiques.

Certains pays européens ont déjà mis en place des réglementations et des taxes visant à réduire l’ammoniac, l’oxyde nitreux et le méthane d’origine agricole.

Dans cette optique, la recherche sur les méthodes pour réduire le méthane produit lors des processus de fermentation naturelle dans le rumen se poursuit. Certaines stratégies alimentaires montrent des avantages réels en matière de réduction des GES, mais certaines d’entre elles peuvent être coûteuses et risquent même d’entraîner une baisse des performances des animaux.

À l’échelle nationale, les Producteurs laitiers du Canada se sont engagés à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, c’est-à-dire un équilibre entre les émissions de GES des entreprises agricoles et leur capacité à stocker du carbone grâce aux sols agricoles, par exemple. Le méthane entérique produit par les ruminants représente souvent plus de la moitié des émissions des fermes, et il est certainement l’un des principaux points d’étude dans les futures recherches financées par les Producteurs laitiers. Différentes stratégies de réduction des émissions de méthane entérique seront donc testées en situation commerciale afin de déterminer celles qui auront le plus d’impact dans nos conditions.

Comment mesurer le méthane à la ferme?

Par le passé, les institutions de recherche utilisaient, pour quantifier les émissions de méthane d'une vache, des chambres respiratoires, soit des espaces clos où les gaz entrants et sortants sont mesurés. Bien que précise, cette méthode perturbe le comportement normal de l’animal et ne peut être utilisée que dans des installations très spécialisées. 

L’introduction du système GreenFeed® a déclenché une petite révolution dans la recherche sur les émissions de méthane des ruminants. Ce système utilise un distributeur de concentrés pour attirer l’animal dans une cloison semi-fermée où les émissions de méthane sont mesurées en temps réel le temps que l’animal consomme les concentrés. Sur le marché depuis moins de 10 ans, le système GreenFeed est apprécié par plusieurs équipes de recherche et est actuellement reconnu comme la méthode de mesure la plus pratique pour évaluer les émissions de méthane d’un animal. En effet, il peut être utilisé avec un minimum d’impact sur l’alimentation et la gestion normale des animaux et peut même être employé chez des animaux au pâturage.

Bien que les coûts du système demeurent relativement élevés et qu’il ne soit pas encore applicable en continu en situation commerciale, l’utilisation étendue du système GreenFeed a permis d’évaluer les émissions de méthane des ruminants dans une plus grande variété d’environnements et de situations d’élevage et d’alimentation. Ainsi, la littérature scientifique s’est enrichie d’une base de données d’émissions de méthane, permettant de créer des équations de prédiction de plus en plus précises.

Un outil de prédiction du méthane par Sollio Agriculture

Les équipes de l’Université Cornell ont testé des dizaines d’équations de prédiction du méthane pour déterminer laquelle était la plus précise et robuste, afin de l’inclure dans leur modèle de formulation de ration, le CNCPS, le même qui est aujourd’hui utilisé par les experts-conseils du réseau de Sollio Agriculture. Grâce à l’analyse des ingrédients composant la ration et de divers paramètres de production tels que la quantité de lait et de composants produits, le poids et l’âge des animaux, il est désormais possible de prédire avec exactitude la production moyenne de méthane des animaux.

Selon l’équation du modèle, et en accord avec les études scientifiques sur le terrain, le méthane produit par la vache est corrélé à la teneur en énergie, à la teneur en amidon et à la digestibilité de la fibre et à la consommation totale de matière sèche de l’animal. Les rations plus digestibles ont en effet tendance à minimiser les émissions de méthane, en plus de favoriser une meilleure efficacité en matière de production laitière.

Bien que l’estimation des émissions à l’aide d’une équation ne remplace pas la précision d’un système de mesure, cet outil est d’une grande utilité pour mettre en place de bonnes pratiques à l’échelle commerciale. En effet, grâce à une équation de prédiction éprouvée, il est possible de comparer des scénarios de rations envisageables économiquement afin de sélectionner celui ayant le moins d’impact sur la production de méthane. Un autre avantage de cet outil est la possibilité de suivre l’évolution des émissions du troupeau dans le temps, que ce soit dans une démarche de sensibilisation ou pour favoriser la mise en place d’objectifs de réduction. Les outils de mesure comme le système GreenFeed continueront d’être utilisés pour améliorer les équations de prédiction en permettant, par exemple, d’y inclure des facteurs de correction pour l’utilisation de certains additifs alimentaires ou dans l’optique de rendre l’équation plus applicable à différents types de rations.

Les producteurs et leur expert-conseils pourront aussi compter sur un autre outil d'aide à la décision dans leurs efforts de réduction d'émissions de GES. La Calculatrice Carbone-GES, maintenant disponible, leur permet de suivre l'évolution des émissions de méthane de leur troupeau laitier et de se comparer avec l'ensemble des fermes inscrites à Lactascan, l'outil de gestion technico-économique. Tous deux sont disponibles sur la plateforme numérique AgConnexionMC. Ils assurent une transition vers une agriculture plus durable, sans compromettre la performance et la rentabilité. 

Photo d'Étienne Gosselin

Jérôme Lamontagne

Jérôme Lamontagne est Nutritionniste Ruminants chez Sollio Agriculture.

jerome.lamontagne@sollio.ag

Jérôme Lamontagne est Nutritionniste Ruminants chez Sollio Agriculture.