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La sécurité du travail dans les silos

Photo : Ferme Provetaz inc. propriété de Véronique Guay et Thierry Jaton, située à Compton en Estrie (crédit : Christophe Champion)

Le titre frappe. Au Canada, l’agriculture arrive au quatrième rang pour ce qui est des décès causés par traumatisme. Les chutes et l’exposition aux gaz dans les silos en sont les principales causes. Bien qu’elles ne soient pas les seules, elles accaparent une bonne partie de l’attention. Les risques et les causes de ces accidents sont connus. Les moyens de les éviter aussi. Qu’en est-il en 2019?

Le Coopérateur a posé la question à Karine Phaneuf, coordonnatrice du Centre d’emploi agricole de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Chaudière-Appalaches. Le constat est clair : les risques sont encore très présents. « Nous n’avons pas besoin de remonter loin, dit-elle. Ici [en Chaudière-Appalaches], deux personnes ont perdu la vie l’automne dernier. Elles ont été exposées aux gaz de silo. »

De plus en plus, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) remet en question la construction de silos-tours. Ces ouvrages présentent deux éléments majeurs de danger pour les humains : le risque accru de chute, car les travailleurs doivent y monter, et le fait que ce sont des espaces clos. « Les humains ne sont pas faits pour des espaces limités en oxygène, poursuit Karine Phaneuf. Personne ne devrait entrer dans un espace clos. »

 

Méthodologie et sécurité

Tout au long de la période des récoltes, les producteurs agricoles sont animés d’un sentiment d’urgence. Une méthodologie est applicable pour réduire au minimum les risques d’accident dans les silos. Premièrement, il faut restreindre la possibilité de chute. « Les travailleurs doivent se procurer un harnais de sécurité et l’utiliser en tout temps. Mais il est peu employé, parce que le système d’ancrage doit être approuvé par un ingénieur et qu’il ralentit le travail. »

Deuxièmement, il faut prévenir les expositions aux gaz. Le pire de tous – car il y en plus d’un – est le dioxyde d’azote (N0₂). Plus lourd que l’air, il se situe au niveau de l’ensilage et peut s’infiltrer à tout moment dans les bâtiments. « Si une porte est moins étanche, il va descendre, dit Karine Phaneuf. Il peut même envahir toute une étable, si la ventilation l’aspire. C’est un danger bien réel. »

Le cycle des gaz toxiques est tout aussi redoutable. Dès le début des chantiers d’ensilage, la fermentation déclenche la formation de gaz. La période de pointe arrive au bout de 12 heures et dure 60 heures. Le danger d’intoxication persiste pendant 15 jours, et il est nécessaire de patienter entre quatre et six semaines avant que tout danger ne soit écarté.

« Il y a des gens qui ensilent leur première coupe quelque part vers la Saint-Jean-Baptiste et font une deuxième coupe en juillet ou en août, indique Karine Phaneuf. Si les derniers chantiers se déroulent en septembre, ils ne sortent jamais de la période de risques durant la saison estivale. Imaginez un producteur qui a réalisé une journée de travail de plus de 16 heures et qui décide d’aller dormir et d’égaliser son silo le lendemain : il s’y retrouvera dans le pire moment. »

 

Sécurité et faisabilité

Une méthode répandue est d’actionner le propulseur d’ensilage (blower) pendant environ une demi-heure pour faire circuler l’air à l’intérieur du silo-tour. Aucun producteur n’est en mesure de confirmer que cette pratique est efficace. « Le silo est-il plein aux trois quarts? au tiers? demande Karine Phaneuf. Ce n’est pas assez sécuritaire. Il n’y a qu’une seule façon de s’assurer qu’il n’y a pas de danger : c’est d’utiliser un détecteur de gaz qui comporte une pompe et une sonde. »

Un bon équipement complet peut coûter entre 6000 et 8000 $, ce qui refroidit bon nombre d’entrepreneurs agricoles – sans parler des aspects techniques d’un tel matériel. « Les détecteurs contiennent des cellules qui doivent être calibrées en fonction des gaz que l’on souhaite détecter, fait savoir la coordonnatrice. Ces appareils doivent être calibrés tous les mois. »

L’option consistant à partager les frais entre plusieurs entreprises peut stimuler l’achat de détecteurs. Mais le problème, une fois de plus, c’est l’urgence des travaux. « À minuit, personne ne va aller chercher le détecteur chez le voisin, dit Karine Phaneuf. Les producteurs vont alors prendre un risque. » Présentement, aucun service n’est offert pour l’entretien des détecteurs ni pour appuyer les producteurs concernant leur entretien et leur calibration. Des tableaux existent, mais la responsabilité du bon fonctionnement repose en totalité sur les épaules des exploitants agricoles.

« Le bénéfice que procure un détecteur de gaz ne se chiffre pas en argent, mais en vies. Sans lui, une fille ou un fils pourrait perdre la vie au travail », conclut Karine Phaneuf. Quelque chose à ajouter?

 

Lire l’article complet dans l’édition de septembre 2019 du Coopérateur.

Stéphane Payette

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.

stephane.payette@sollio.ag

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.