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Les analyses de fourrages : Un investissement rentable

On a beaucoup écrit sur les nouveaux paramètres disponibles pour évaluer la qualité nutritionnelle des fourrages. Cependant, on ne parle jamais du nombre d’analyses nécessaires pour caractériser ces paramètres nutritionnels.

Si l’on prend un échantillon du silo aujourd’hui et que l’on en prend un autre la semaine suivante, il y a fort à parier qu’on trouvera quelques différences dans les résultats, et c’est normal. Voyons pourquoi.

La photo d'en-tête illustre le défi : évaluer les nutriments de centaines de tonnes de fourrages à partir d’un échantillon de centaines de grammes. 

Des chercheurs de l’Université de l’Ohio ont étudié quatre facteurs expliquant les différences observées dans les résultats d’analyse : la ferme, la journée d’échantillonnage, l’échantillon et l’analyse de laboratoire. Pour l’étude, deux échantillons indépendants d’ensilage de maïs et de foin ont été récoltés quotidiennement dans 11 fermes pendant 14 jours. Les échantillons ont été analysés en duplicata.

Premier constat : entre 70 et 90 % de la variation dans les résultats était due au facteur « ferme ». Ces différences sont dites réelles : fertilisation, champs, hybrides différents, entre autres, et confirment l’importance de formuler ses rations avec ses analyses et non à partir de valeurs de référence trouvées dans un tableau. À l’intérieur d’une même ferme, sauf pour la matière sèche (MS) de l’ensilage de foin (64 %), la journée représente moins de 50 % de la variation observée (voir le tableau 1). La variation attribuable à l’analyse de laboratoire est la moins importante : 10 % de la différence pour l’amidon de l’ensilage de maïs, et 14 % pour la protéine brute (PB) de l’ensilage de foin.

Tableau 1

Conclusion : les procédures du laboratoire n’ont pas d’impact majeur sur les différences de résultats entre deux analyses d’un même silo.

Plus concrètement, si un échantillon pris aujourd’hui donne un résultat différent de celui d’hier, la différence s’explique par le fait qu’ils n’ont pas été pris la même journée et que ce sont deux échantillons différents. Le fait qu’une forte proportion de la variation soit liée à l’échantillon souligne que, pour des échantillons analysés sur plusieurs jours rapprochés, ces différences de résultats ne sont pas toutes réelles et ne devraient pas provoquer de changements de ration en continu. Pour ajouter de la précision à l’évaluation de la récolte, il est conseillé de travailler avec les moyennes des analyses faites sur une même récolte. Quand on y pense, c’est le même principe que lorsqu’il faut évaluer la condition de chair moyenne d’un groupe de vaches ou le taux de gain des taures. Si l’on n’évalue qu’un animal, le risque d’être loin de la moyenne du groupe est grand, mais si l’on en évalue deux, le risque diminue, avec trois, c’est encore mieux, et ainsi de suite.

Une deuxième étude

Les chercheurs ont mené une deuxième étude dans 50 fermes, mais en prenant des échantillons tous les mois au lieu de tous les jours, et ce, pendant un an. La ferme est restée la principale source de variation suivie par le mois et l’échantillon. L’impact plus important du mois d’échantillonnage par rapport à la journée dans l’étude antérieure est probablement causé par des différences réelles puisqu’en un mois, on avance plus dans le silo qu’en une journée, il y a donc plus de chances que la matière soit réellement différente. Il est intéressant de constater que la fibre au détergent neutre (FDN) de l’ensilage de maïs est le nutriment le plus affecté par l’échantillon : 36,6 % de la variation (voir le tableau 2). Prenons un exemple (voir le tableau 3) : si l’ensilage contient 50 % de grains et 34,9 % d’amidon, mais que, lors de la prise d’échantillon, on récolte moins de grains que ce que l’on a en moyenne, la FDN augmente de 43 à 46 % et l’amidon baisse de 34,9 à 31 %. Si l’échantillon a plus de grains que la moyenne, alors l’analyse sera de 38,7 % d’amidon et 39,3 % de FDN : un écart de presque 8 % d’amidon entre les deux résultats. Si l’on reformule la ration et que cet écart n’est lié qu’à l’échantillon et non représentatif du silo, on risque d’avoir un impact sur la performance des vaches. Pour reprendre l’exemple de la condition de chair, si l’on base nos décisions sur l’évaluation d’une seule vache dans le groupe et que l’on est tombé sur la plus maigre, alors on fera engraisser tout le troupeau inutilement.

Tableau 2

Tableau 3

Analyses et coûts

Faire plus d’analyses engendre des coûts, mais réduit les risques d’erreurs pouvant être coûteuses. Prenons une ration contenant 11 kg (MS) d’ensilage de maïs, 6,2 kg (MS) d’ensilage de foin, 4,6 kg (MS) de maïs moulu et 3,7 kg de suppléments. Au départ, l’ensilage contient 31 % d’amidon et la ration apporte 28,9 % d’amidon. On refait analyser un échantillon et le résultat affiche 31 % d’amidon. Réaction classique, on augmente la quantité de grains d’un kilogramme pour maintenir l’amidon à 28,9 % dans la ration. Ce kilogramme supplémentaire à 350 $/t augmente le coût d’un peu moins de 0,35 $/vache/j, selon ce qu’il remplace. Mais 0,35 $ x 100 vaches = 35 $ par jour. Si la différence est réelle, on a raison de faire cet ajustement, car perdre du lait risque de coûter plus cher. Cependant, si cette différence est due à l’échantillonnage, alors on ajuste la ration inutilement, risquant d’amener les vaches vers une acidose ruminale. Investir dans une analyse supplémentaire serait une sage décision! Le coût d’une analyse est bien inférieur au coût du kilogramme de maïs supplémentaire offert pendant des semaines. Pensez-y! Et si la situation avait été l’inverse : première analyse à 31 % d’amidon, et la deuxième à 37 %? On réduit le grain au risque de perdre du lait? Et si c’était une question d’échantillon?

Comment réduire le risque lié à l’échantillonnage?

Il est conseillé de prendre deux échantillons indépendants (processus répété deux fois), surtout si l’échantillonnage est espacé dans le temps. On travaille ensuite avec les moyennes des résultats pour formuler les rations, à moins de savoir que l’on est passé à un fourrage différent dans le silo, soit un nouveau champ, un nouvel hybride, etc.

Comme la taille d’un troupeau influence la vitesse à laquelle on avance dans un silo, il est recommandé d’adapter la fréquence d’analyse à la taille du troupeau. L’Université de l’Ohio recommande des plans d’échantillonnage basés sur le nombre de vaches dans le troupeau (voir le tableau 4). Par exemple, un troupeau de 200 vaches devrait avoir deux journées d’échantillonnage par mois espacées de deux semaines et on devrait prélever deux échantillons par silo. Ainsi, pour chaque silo, cette ferme ferait faire quatre analyses par mois et en ferait la moyenne. Cette façon de procéder réduit le risque lié à l’utilisation du résultat d’une seule analyse pour construire un programme alimentaire.

Oui, il y a des frais associés à ces analyses supplémentaires, mais il y a des risques de générer des coûts et des pertes de production à en faire trop peu.

Tableau 4

Photo d'en-tête : Sollio Agriculture

Annick Delaquis

QUI EST ANNICK DELAQUIS
Agronome et détentrice d'un doctorat en alimentation animale, Annick est nutritionniste en production laitière chez Sollio Agriculture.

annick.delaquis@sollio.ag

annick.delaquis@sollio.ag

QUI EST ANNICK DELAQUIS
Agronome et détentrice d'un doctorat en alimentation animale, Annick est nutritionniste en production laitière chez Sollio Agriculture.

annick.delaquis@sollio.ag