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Chroniques / Faits et gestes

Frankenburger

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Il y a déjà deux ans environ, un chercheur néerlandais invitait la presse pour la dégustation d’un burger cultivé en laboratoire. La pièce de viande n’avait jamais transité par aucune ferme ni aucun abattoir.

Bien que la nouvelle n’ait pas survécu longtemps dans les médias, beaucoup se souviennent du bruit qu’elle a généré. Ce n’est qu’une question de temps avant que la viande de labo ne resurgisse, cette fois avec l’objectif de s’implanter dans le marché.

La technologie est simple a priori. Des cellules animales sont multipliées en laboratoire, pour produire une pièce de viande biologiquement identique au steak traditionnel. Le processus de croissance est le même que dans une vache, à la différence près qu’il n’y a pas de vache. Porc, poulet, poisson : toutes les espèces peuvent y passer. Au premier abord, beaucoup de doutes subsistent quant à l’acceptation de ce produit par les consommateurs.

Pour la grande majorité, ce n’est pas demain la veille que l’éprouvette remplacera le parc d’engraissement. Déjà que le maïs Roundup Ready soulève des préoccupations, il coulera de l’eau sous les ponts avant qu’on achète de la viande provenant d’un immeuble du centre-ville. On peut aussi prévoir que la réaction de l’industrie sera conséquente, compte tenu de l’activité économique générée par la production et la transformation des viandes. Il demeure que dans un horizon d’une ou deux décennies, la viande de labo a le potentiel de déstabiliser l’industrie des viandes.

Il est vrai que les consommateurs manifestent un inconfort à l’égard des nouvelles technologies en alimentation. À plus forte raison lorsque celles-ci leur procurent peu de bénéfices directs. Le génie génétique en est l’exemple le plus évident. La résistance à certains insectes et herbicides a changé le visage de l’agriculture. Mais les bénéfices concrets pour les consommateurs sont plus nébuleux. Ce ne sera pas le cas avec la viande de labo, dont les atouts séduiront une portion des consommateurs. Certains y verront – à tort ou à raison – la solution aux problèmes environnementaux et à l’abattage des animaux. Au moment de son éventuelle commercialisation à grande échelle, son prix sera très probablement élevé. Mais il y aura toujours des preneurs pour un nouveau marché de créneau, que ce soit par effet de mode, par conviction ou par choix gustatif.

On rappelle souvent le défi de nourrir neuf milliards de personnes en 2050. Dans un contexte de terres agricoles limitées et de rareté d’eau, le déséquilibre entre l’offre et la demande ne semble appelé qu’à s’amplifier. Mais c’est sans compter sur les nouvelles technologies, qui ont la capacité de bouleverser cette dynamique. Le monde alimentaire continuera d’être le théâtre de l’implantation de technologies qui déstabiliseront à la fois les marchés et nos perceptions. La viande de labo comptera-t-elle parmi celles-ci? Si ce n’est pas elle, ce sera une autre. 

Vincent Cloutier

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.

 

vincent.cloutier@sollio.coop

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.