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Du grain qui carbure au bois!

Unoria Coopérative

Même les forêts du Bas-Saint-Laurent donnent un coup de main pour sécher les grains des producteurs de la région!

C’est que depuis cinq ans, Agriscar Coopérative (maintenant Unoria Coopérative) a osé délaisser le propane au profit des copeaux de bois pour son centre de grains de L’Isle-Verte. Un système ingénieux qui tire en partie sa force de son autonomie.

Cette transformation a nécessité des investissements de 375 000 $, mais Marco Dumais, directeur général d’Agriscar Coopérative, est satisfait du résultat des dernières années : « Le projet de valorisation de la biomasse forestière à l’aide de nos séchoirs nous procure un bon retour sur notre investissement. Notre coût de revient est plus bas et nous sommes constamment en train de mettre à jour et d’adapter nos systèmes pour tirer le maximum de la technologie. »

L’idée est née de discussions entre Agriscar, le Groupe Filgo-Sonic et la Coopérative Énergies nouvelles Johannoises. « Je trouve ça intéressant qu’une coopérative [Agriscar] encourage une autre coopérative [Coopérative Énergies nouvelles Johannoises], renchérit Marco Dumais. En plus, c’est un projet en plein dans l’esprit de l’économie circulaire et c’est bon pour tout le monde. » Parmi les points qui ont séduit la direction, on note la diminution des gaz à effet de serre, la valorisation des crédits carbone, la diminution des risques de feu, etc.

Un approvisionnement local… et fiable

Les deux séchoirs, qui peuvent travailler de manière simultanée, tirent leur épingle du jeu par la solidité de l’approvisionnement. « Tout est fiable au niveau de l’approvisionnement », affirme Nicolas Dubé, responsable du centre de grains et du centre d’engrais, qui compte 47 ans de service. « On prend nos copeaux à Saint-Jean-de-Dieu, mais plusieurs autres compagnies en produisent. Avec le propane, c’était plus incertain et le prix était plus variable. » 

Cette stabilité est confirmée par le directeur général d’Agriscar, qui rappelle que le récent conflit de travail au Canadien National (CN) a causé bien des maux de tête aux centres de grains utilisant le propane. « Lorsque nous sommes allés de l’avant avec le projet, nous n’avions pas nécessairement en tête le risque que pouvait causer l’importation du propane vers nos installations. Nous l’avons constaté avec le conflit de travail, car nous n’avons pas été affectés par la problématique, et en plus, nous avons été en mesure de dépanner d’autres coopératives qui fonctionnent avec des séchoirs au propane. »

« J’aime ça travailler avec ce système, ajoute Nicolas Dubé. C’est un peu moins vite qu’avec le propane, mais c’est de la chaleur sèche plutôt que de brûler l’humidité. En plus, il n’y a pas de risque pour le feu comparativement au propane. C’est bon pour les assurances. » « Ce n’est pas la raison pour laquelle on a transféré à la biomasse de bois, explique pour sa part le directeur général d’Agriscar. Mais c’est sûr que c’est un plus pour nous d’avoir un faible risque d’incendie, étant donné que dans le passé on a eu des incendies. »

Des séchoirs qui ne chôment pas

Le centre de grains sèche principalement de l’avoine, de l’orge, du seigle et du blé pour alimentation animale ou pour alimentation humaine. Selon les volumes, il peut arriver que du maïs y transite. On peut même y sécher jusqu’à 1000 tonnes de grains en continu, s’il s’agit d’un seul type de grain. « On peut sécher à une vitesse de 25 à 30 tonnes à l’heure, dit Nicolas Dubé. L’approvisionnement de copeaux de bois doit être constant pour que je puisse garder ma chaleur. Une fois le système démarré, je reste en avant de mon écran et je surveille les opérations et ma chaleur. » 

Les chaufferies sont alimentées en copeaux par un système de vis sans fin, qui les fournit à travers divers convoyeurs. Un tracteur muni d’une pelle décharge les copeaux dans un dévidoir, et ils sont acheminés vers les fours. Tout près de ceux-ci, Nicolas Dubé et l’équipe de L’Isle-Verte ont un petit centre de contrôle muni d’écrans indicateurs, d’où ils supervisent les opérations. « Il y a constamment des adaptations à faire et des mises à jour, mais c’est toujours pour le mieux », déclare Marco Dumais.

À l’automne, lorsque les producteurs de grains livrent la majorité de leur production, le centre de grains peut recevoir jusqu’à deux chargements de camion de biomasse par semaine pour répondre à la demande des séchoirs. Cela représente environ 36 tonnes de résidus forestiers revalorisées de manière hebdomadaire! Bien sûr, le volume peut varier en raison de l’humidité des grains. « L’automne, c’est la belle période, dit Nicolas Dubé en souriant. C’est le plus plaisant. Il y a beaucoup de monde qui vient nous voir au centre de grains. »

Vu les quantités non négligeables de copeaux utilisés pour sécher les céréales, on pourrait s’attendre à gérer une quantité importante de déchets, comme des cendres. Or la réalité est tout autre : « Pour chaque chaufferie au bois, nous avons un petit système de récupération de cendres, mais la quantité produite est minime, explique Nicolas Dubé. C’est sûr que ça dépend de la qualité et de l’humidité du bois, mais on vidange nos bacs peut-être trois fois par saison seulement. »

Questionné sur la possibilité que les séchoirs à la biomasse fassent des petits dans d’autres régions du Québec, Marco Dumais est catégorique : « Je pense que ce serait une très bonne chose et que ça pourrait inciter d’autres centres de grains à tenter l’expérience, surtout dans le contexte actuel où l’on veut encourager le local, réduire notre empreinte environnementale et valoriser ce qui est à portée de main. »

Tristan Cloutier agr.