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Transition énergétique - L’énergie en cinq questions

Dans le cadre du dossier sur la transition énergétique « Gigawatts, pétajoules et encore beaucoup trop d’énergie » publié dans le magazine Coopérateur de juillet-août, notre rédacteur, Étienne Gosselin, répond à cinq questions que vous vous posez.

1) À quoi carbure l’agriculture? Aux carburants fossiles

En 2021, la répartition du portefeuille énergétique1 était la suivante : produits pétroliers raffinés (61 %), propane (12 %) et gaz naturel (4 %). L’électricité, produite à 94 % par des barrages hydroélectriques et à 5 % par des éoliennes au Québec, selon la Régie de l’énergie du Canada, constitue 22 % de la consommation énergétique. Le reste est composé de la biomasse et des biocarburants. Les énergies renouvelables? Elles se développent : au Canada, le recensement montre un doublement du nombre de fermes qui possèdent un système de production d’énergie renouvelable entre 2016 et 2021. Au Québec, ce nombre a plus que quadruplé en raison d’un rattrapage, car la province mise sur une hydroélectricité verte, fiable et abordable.

2) Toutes les productions agricoles sont-elles égales? Non

L’agriculture a consommé deux pour cent de l’énergie au Québec en 2021, ce qui représente 1856 GWh ou 32 pétajoules – péta étant le préfixe de 10 à la puissance 15. La disparité entre les productions agricoles pour leurs émissions de GES imputables à l’énergie est grande : le porc et le veau d’embouche génèrent à peine deux pour cent des GES d’origine énergétique (propane pour chauffer les bâtiments et équipements motorisés) alors que les grandes cultures produisent environ le quart des émissions (voir le texte « Semer directement, sécher électriquement »), un poste compressible sur lequel… mettre de l’énergie!

3) Les émissions agricoles vont-elles en diminuant? Non, mais elles se stabilisent depuis 2017.

Au Québec, les émissions de GES2 ont crû de 17,8 % depuis 1990 pour faire du secteur agricole l’un des pires avec celui des transports. En terme relatif, les efforts de décarbonation doivent se poursuivre : si certains secteurs industriels ont baissé leurs émissions par unité d’énergie, d’autres comme la sidérurgie (+13 %), les mines (+12 %) et l’agriculture (+12 %) continuent de les augmenter3. Selon les données de la Direction des recherches et des politiques agricoles de l’Union des producteurs agricoles, la productivité énergétique est toutefois à la hausse : les revenus tirés d’un térajoule ont été multipliés par deux entre 2005 et 2022. En d’autres mots, on fait plus d’argent avec la même consommation d’énergie. Les fermes québécoises génèrent même 25 % plus de dollars par térajoule qu’en Ontario. La part de l’énergie dans l’ensemble des dépenses agricoles est stable à 7,5 %.

4) Le prix du carbone influence-t-il la transition? C’est la conviction des économistes.

Difficile de parler de transition énergétique sans mettre en parallèle le prix de la pollution et les deux outils pour la diminuer : les marchés réglementés – c’est le cas du Québec qui, depuis 2013, administre une vente aux enchères conjointe avec la Californie pour négocier des droits d’émission dont le prix suit l’offre et la demande (le secteur agricole n’en fait pas partie) – et les écotaxes – c’est le cas du Canada qui a choisi la tarification assortie d’un incitatif financier à agir pour le climat depuis 2019. Dans un cas comme dans l’autre, le faible prix d’une unité de carbone n’envoie pas un signal fort pour la transition. Pareillement, le faible prix de l’hydroélectricité québécoise n’encourage pas le déploiement d’autres sources énergétiques (l’énergie solaire photovoltaïque, la géothermie, la biomasse, les biocarburants). Selon la publication l’État de l’énergie au Québec de HEC Montréal, il faudrait que le prix d’une unité de carbone s’élève à 200 $/t – il est de 80 $/t au Canada et de 57 $/t au Québec – pour que le gaz naturel renouvelable, à la production fortement subventionnée, devienne concurrentiel avec le gaz naturel fossile.

5) Brûler de l’ammoniac, une « azote » de bonne idée? C’est une avenue envisageable à moyen terme.

C’est la nouvelle affaire : produire des combustibles décarbonés, riches en hydrogène comme l’hydrogène gazeux (H2) et l’ammoniac (NH3). Le transport maritime serait le premier utilisateur de ces carburants en raison de la facilité à stocker ces sources énergétiques sur les bateaux, mais leur production est un processus énergivore (électrolyse de l’eau pour la décomposer en oxygène et en hydrogène). On leur accole donc l’adjectif « vert » s’ils sont issus de sources énergétiques renouvelables.

1 https://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2024/03/EEQ2024_WEB.pdf
2 https://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/2021/inventaire-ges-1990-2021.pdf
3 Les émissions agricoles toutes sources confondues et en terme absolu (tonnes de GES) se stabilisent, mais les émissions d’origine énergétique en terme relatif (c’est l’intensité, en tonnes de GES par unité d’énergie térajoule) augmentent, ce qui suggère qu’on n’électrifie pas assez, https://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2024/03/EEQ2024_WEB.pdf

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.