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Chroniques / Entre nous

Une question de doigté

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La saison agricole n’aura pas été aussi catastrophique que le printemps et le début de l’été le laissaient entrevoir. Il y a eu plus de pluie que nous l’aurions souhaité, mais finalement le temps chaud nous a rattrapés, et il semble que généralement la qualité et les rendements seront au rendez-vous.

C’est tant mieux, et on va le prendre pendant que ça passe, parce que notre environnement économique est comme notre environnement physique : il y a des jours de beau temps, mais aussi parfois les nuages s’accumulent.

L’écho que j’ai quand je me promène, c’est qu’après quelques années d’embellie, la situation financière des producteurs agricoles est en train de se resserrer. Le prix du lait est à la baisse, et l’épée de Damoclès qui pèse sur la gestion de l’offre contribue certainement à ce climat morose.

Les marchés du grain et du porc ont également une inquiétante tendance à la baisse. De plus, les coupes budgétaires des dernières années dans l’assurance stabilisation des revenus agricoles se font sentir et n’ont rien de rassurant pour l’avenir.

Nous sommes tous des entrepreneurs agricoles habitués à gérer les risques climatiques et de marché, mais les marchés agricoles sont réputés pour leur grande volatilité. C’est pourquoi la majorité des pays mettent en place différents modes de soutien à la production dans le but de mitiger ces risques et de sécuriser les revenus des producteurs.

Depuis une vingtaine d’années, on constate une tendance généralisée à la diminution des soutiens de l’État à l’agriculture dans les pays économiquement avancés et une tendance à leur augmentation dans les pays émergents.

Cette recherche d’un équilibre au niveau mondial est sans doute souhaitable à long terme, mais à court et à moyen terme, elle demande du doigté de la part des gouvernements, pour que l’agriculture de leur pays ne soit pas déstructurée.

L’agriculture a de tout temps été source de richesse, mais pas toujours pour ceux qui la pratiquaient, et l’histoire nous montre que le prince était souvent aveugle à l’apport de ceux qui le nourrissaient. Encore aujourd’hui, le secteur agroalimentaire canadien est l’un des plus importants créateurs de richesse : il génère le huitième des emplois au Canada et contribue par ses exportations à la balance commerciale du pays.

Cette contribution ne semble pas être prise à sa juste mesure par bon nombre de nos dirigeants. Le plus récent exemple émane une fois de plus de la Commission de révision permanente des programmes (également appelée commission Robillard), qui, après avoir attaqué sans succès le Programme d’assurance stabilisation du revenu agricole l’an dernier, s’en prend maintenant au Programme de crédit de taxes foncières agricoles.

Nos fermes et nos terres sont des outils de production et de création de richesse. Il nous arrive parfois de payer des terres au-dessus de leur valeur agronomique pour des considérations stratégiques, ce qui tend à faire monter leur prix. À moyen terme, l’économie fait cependant son œuvre et ces bulles spéculatives sont généralement corrigées.

Cela fait des années que les producteurs agricoles demandent une correction du Programme de crédit de taxes foncières agricoles, qui constitue un « bar ouvert » à la taxation municipale sans réelle retombée pour le monde agricole. Le retrait de l’État de ce programme après des années de laxisme constituerait une injustice pour les producteurs agricoles du Québec.

Partout en Amérique du Nord, les producteurs sont soumis à des taux de taxation distincts. Toute modification à ce programme devrait tenir compte de ce que font nos voisins et, notamment, s’inspirer de l’Ontario, où la taxation foncière des producteurs agricoles est plafonnée au quart du taux résidentiel.

À trop en demander au secteur agricole, et en lui imposant trop de nouvelles contraintes, trop rapidement, on met à risque un des moteurs économiques du Canada. Et, on le sait, les incertitudes ne sont pas propices à l’investissement et au développement économique.

C’est une question de gros bon sens et de doigté!

Sur ce, je nous souhaite une bonne récolte.

Denis Richard

QUI EST DENIS RICHARD
Siégeant au conseil d'administration de La Coop fédérée depuis 1993, Denis Richard y assume la présidence depuis février 2003. Producteur agricole depuis 1979, M. Richard exploite une entreprise à Leclercville comptant 400 hectares de terre et dédiée exclusivement à la céréaliculture.

denis.richard@lacoop.coop

denis.richard@sollio.coop

QUI EST DENIS RICHARD
Siégeant au conseil d'administration de La Coop fédérée depuis 1993, Denis Richard y assume la présidence depuis février 2003. Producteur agricole depuis 1979, M. Richard exploite une entreprise à Leclercville comptant 400 hectares de terre et dédiée exclusivement à la céréaliculture.

denis.richard@lacoop.coop