
Photo : Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec (crédit : Les Éleveurs de volailles du Québec)
NDLR : Dans un dossier sur la viande de laboratoire, paru dans l'édition de juillet-août 2020 du coopérateur, le journaliste Nicolas Mesly a questionné pierre-luc leblanc, président des éleveurs de volailles du québec, et pierre lampron, président des producteurs laitiers du canada. voici ce qu'ils pensent de cette nouvelle façon de produire.
Pierre-Luc Leblanc : La viande de poulet produite en laboratoire nous préoccupe, comme tous les autres produits semblables. Peu importe la concurrence, on s’efforce d’être les meilleurs. Le poulet, c’est la viande favorite des Canadiens. Pourquoi? Parce qu’on s’adapte à la demande du consommateur, qui veut avoir un produit le plus naturel possible – d’où, par exemple, la réduction du recours aux antibiotiques dans nos élevages, le poulet élevé en liberté, etc. On a réduit considérablement nos GES et notre consommation d’eau. De plus, le fumier, qui sert à fertiliser les terres, diminue l’utilisation d’intrants chimiques pour faire pousser des cultures.
On ne peut pas empêcher les gens d’innover. Mais la production de viande en laboratoire va aussi laisser une trace écologique. De plus, il faudra voir la règlementation et l’appellation au Canada de ces nouveaux produits. Je pense que le concept de viande de laboratoire relève beaucoup du marketing. Il ne faut pas berner le consommateur. C’est un peu comme le concept de « viande végétale », notamment de Beyond Meat. C’est de la fausse publicité. Et quand on regarde la quantité de sodium dans ces produits-là, je ne suis pas certain que c’est bon pour la santé.
Photo : Pierre Lampron, président des Producteurs laitiers du Canada (crédit : Les Producteurs laitiers du Canada)
Pierre Lampron : Le risque est là. Il y a beaucoup de perceptions dans l’air. Pour sauver la planète, on ne mange plus de viande, on ne mange plus de produits laitiers. Mais les vaches transforment les fourrages en protéines laitières, au bénéfice des humains. Nos élevages occupent un territoire nordique. La Mauricie et le nord de l’Ontario, ce n’est pas le sud de Montréal, propice à la culture maraîchère.
Côté pollution, nos études de cycle de vie démontrent que nous avons diminué nos GES, notamment par l’alimentation, et que la production laitière représente 1 % des émissions au pays1. Côté bien-être animal, on prend grand soin de nos bêtes, on essaie de les garder longtemps avant de les envoyer à l’abattoir. Les véganes sont contre l’élevage, mais nos animaux font partie du cycle de vie.
Ce nouveau lait conçu en laboratoire aura-t-il la même valeur nutritive? Quelle sera sa trace écologique? Ça va être à nous de promouvoir notre travail d’éleveurs, le côté naturel de notre produit.
La viande de laboratoire, meilleure pour l’environnement et la santé?
On n’a pour le moment aucune idée de l’impact environnemental réel de cette technologie, puisqu’aucune usine commerciale n’a encore vu le jour.
L’étude de la société A.T. Kearney calcule un impact minime comparativement à l’élevage traditionnel. Cependant, d’après une étude de l’Université d’Oxford, les bioréacteurs commerciaux émettraient plus de GES que l’élevage conventionnel. Côté santé, l’industrialisation du procédé serait vulnérable à l’entrée d’agents pathogènes, comme la listéria.
(Source : The Conversation)
1 Environmental Life Cycle Assessment of Canadian Milk Production, Groupe Agéco, novembre 2018