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Les projets avancent malgré les incessantes attaques russes

La Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) mène en Ukraine de nombreuses missions qui bénéficient à environ 3200 familles d’agriculteurs. L’Union des Coopératives Gospodar, notamment, poursuit ses activités malgré la tourmente.

Après des négociations en marche depuis juin 2022, elle avait réussi à signer, en novembre, une entente d’aide de 500 000 $ avec USAID, des États-Unis, pour ériger, en collaboration avec quelque 150 producteurs agricoles ukrainiens, des infrastructures d’entreposage dans des Ag-Bags de blé, de maïs et de tournesol d’une capacité totale de 75 000 tonnes. Cette entente donne confiance au directeur exécutif de l’Union, Sergii Kurdytskyi, qui y voit l’occasion pour les coopératives membres de faire de la mise en marché des récoltes de leurs producteurs un réel succès.

Instabilité de l’alimentation électrique

Du côté de l'élévateur à grains de la coopérative Zernovyi, située à Vasylkyivka, à proximité de la ligne de front, les opérations sont fortement réduites. Par mesure de sécurité, l'armée ukrainienne a formellement interdit d’allumer des lumières après le coucher du soleil, même lorsque du courant est disponible en dépit des frappes russes ciblées sur les centrales électriques. L'élévateur doit donc interrompre ses activités après 17 heures.

En outre, d’après les informations de Sergii Kurdystkyi, plusieurs usines de production d'huile de tournesol à Dnipropetrovsk, à Kirovograd et à Kiev ne peuvent tout simplement plus fonctionner normalement, en raison de l'instabilité de l'alimentation électrique, et doivent demeurer fermées. Une grande usine dans l'oblast de Dnipropetrovsk est complètement détruite. « Il est donc extrêmement difficile de vendre la graine de tournesol », fait savoir Camil Côté, directeur de projet en Ukraine pour SOCODEVI.

La mort subite, début novembre, du président de la coopérative, Vasyl Zasukha, est venue bouleverser le cours des choses. La situation a été prise en main par le directeur exécutif Oleksii Kharsun d’ici l’assemblée générale et les élections, qui se tiendront, si la situation le permet, en février 2023, afin de nommer le successeur de Zasukha.

La coopérative Zerno-BUNK, elle, fonctionne autant que faire se peut sans son gérant, Volodymyr Rizun, parti au front. « Il est très difficile de trouver du personnel dans les tranches d'âge qui nous intéressent (30-45 ans), car tous sont soit enrôlés dans l'armée, soit travaillent dans d’autres organisations connexes », précise Camil Côté.

Les récoltes de maïs et de tournesol ne sont toujours pas terminées. L'équivalent de six à sept millions de tonnes de maïs est encore aux champs, soit environ 25 % de la récolte de cette année. La récolte se poursuivra en janvier et en février, du jamais vu depuis huit ans, avec d’inévitables pertes de qualité. Des Ag-Bags, fournis par les États-Unis, permettent d’entreposer temporairement les récoltes, indique le directeur de projet.

2023 : l’année de la véritable crise alimentaire

Les activités de marketing ont repris tant bien que mal à la suite de l'ouverture des ports d'Odessa et de corridors de transport prioritaire par les Européens pour les exportations agricoles à partir de l'Ukraine. « Les coûts de cette logistique sont faramineux, dit Camil Côté. Les Russes ralentissent le processus. Les navires doivent patienter des semaines pour les inspections et le transport international est plus cher en raison, notamment, du prix du pétrole et des assurances. En fin de compte, ce sont les producteurs agricoles qui, fortement frappés par la baisse des prix à la ferme (-50 à -70 % par rapport aux cours mondiaux), en payent la note. »

Le blé se vend à la ferme entre 160 $ et 220 $ CAN/tonne, le maïs, de 150 à 180 $, et le tournesol, entre 450 $ et 500 $. « Naturellement, ce n'est pas rentable, de sorte que les superficies ensemencées en 2022, en blé d’hiver notamment, ont été réduites de 40 % par rapport aux années précédentes (excluant les zones sous occupation). Et peu de producteurs comptent semer du maïs au printemps prochain. Ces derniers se rabattront sur la culture de tournesol, dont l’augmentation probable des superficies fera sans doute chuter les prix de la production encore rentable. La véritable crise alimentaire, c’est en 2023 qu’elle se vivra, car la récolte sera nettement plus faible. Moins d'hectares en culture et, probablement aussi, moins de rendement. »

La ferme laitière modèle de Dnipropetrovsk, propriété de l’Union des coopératives, est en mode survie. La production est en baisse, car, comme mentionné précédemment, l’éclairage artificiel doit être coupé dès 17h. Cela n’aide en rien les problèmes de reproduction avec lequel le troupeau est encore aux prises. « En outre, sa proximité de la ligne de front, dont on entend, au loin, le bruit des tirs d’obus, ajoute au stress, précise Camil Côté. Si la situation ne s’améliore pas, nous songeons sérieusement à déménager temporairement près de Lviv, dès le printemps. Au moins, la réserve de fourrages suffira à alimenter le troupeau pour la prochaine année. »

Les ventes des coopératives laitières, fondées en 2009 sur le modèle de Sollio Groupe Coopératif et de ses coopératives affiliées, se maintiennent, mais les entreprises peinent à se faire payer. « On a tenté d'aider les clients de la coopérative à vendre de la caséine, afin de récupérer une partie de notre fonds de roulement, qui est gelé, mais les marchés pour les produits laitiers sont actuellement défavorables pour ce type protéine », explique le directeur de projets de SOCODEVI.

Du côté de Lviv, la construction de l'usine laitière progresse rondement. « Nous prévoyons pouvoir démarrer l'usine d’ici avril 2023. Nous aurons en principe suffisamment d'approvisionnement pour atteindre le point d'équilibre financier, soit 20 à 25 tonnes de lait par jour. Encore une fois, l’issue de la guerre dictera la suite des choses. »

L’espoir

« Tous espèrent la fin rapide des hostilités en 2023, car en plus des catastrophes humanitaires qu’elles provoquent, elles affectent de très nombreuses entreprises agricoles qui disparaîtront si elles se prolongent. Les Ukrainiens tiennent le coup, souligne Camil Côté. Sergii Kurdystkyi, lui, ne doute aucunement que les Ukrainiens survivront à l'hiver, et pour longtemps encore… »

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

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