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Europe : Les agriculteurs en colère se mobilisent

Pendant que les agriculteurs français entament leur « siège » de Paris pour dénoncer l’inaction des gouvernements successifs face à leurs revendications, la mobilisation du monde rural se poursuit partout en Europe.

« Macron, réponds-nous » et « Sauve ton paysan », peut-on lire sur les pancartes des manifestants qui ont installé des campements sur les routes qui mènent à Paris. Ces barrages routiers sont planifiés et organisés pour durer, disent les militants, jusqu’à ce que le gouvernement réponde à leurs demandes.

Une crise sans précédent

D’un bout à l’autre de l’Europe, les agriculteurs sont plongés dans une crise sans précédent. Un ras-le-bol propulsé par deux enjeux majeurs : la guerre en Ukraine qui bouleverse les marchés et l’urgence climatique qui forcent les états membres de l’Union européenne à imposer une série de nouvelles normes écologiques. 

Touchés de plein fouet par une multitude de facteurs économiques et politiques, les agriculteurs s’insurgent contre la hausse des coûts du carburant, l’imposition de nouvelles normes écologiques, la lourdeur bureaucratique, la législation de plus en plus contraignante issue de l’Union européenne et, de façon générale, le manque de rentabilité et la dégradation de leurs conditions de vie et de travail.

De plus, ils dénoncent le fait que les importations en provenance de l’Ukraine perturbent « toutes les filières et font baisser les prix, » comme l’explique Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne.

Les élus sur la sellette

Pendant ce temps, à Bruxelles, Berlin et Amsterdam, les élus sont en gestion de crise et tentent de calmer le jeu en revenant sur certaines de leurs décisions. 

En Allemagne, en début d’année, les agriculteurs protestaient contre le projet du gouvernement de supprimer les allégements fiscaux sur le diesel accordés pour les véhicules agricoles. La mobilisation s’est généralisée à travers le pays, forçant le gouvernement à rectifier le tir. Ainsi, l’avantage fiscal accordé sur le carburant sera supprimé progressivement sur une période de trois ans, et non d’un coup, comme prévu initialement. Les dirigeants ont également concédé le maintien de l’exonération de la taxe automobile sur les véhicules agricoles.

Toujours en Allemagne, les dirigeants politiques et syndicaux ont dénoncé d’une seule voix le fait que les extrémistes de droite « infiltrent les manifestations ». Le président de l’Union des agriculteurs allemands, Joachim Rukwied, s’est engagé à « veiller à ne pas être infiltrés » par de tels groupes.

En France, la colère des agriculteurs s’articule autour de l’augmentation des coûts énergétiques, de la concurrence étrangère déloyale et de la bureaucratie toujours plus lourde. Les éleveurs et les cultivateurs dénoncent leurs conditions de vie « déplorables ». Les principaux syndicats agricoles ont déjà rencontré le premier ministre Gabriel Attal, mais les discussions n’ont pas donné les résultats attendus, d’où la mobilisation autour de Paris.

En Pologne aussi le monde agricole est en colère et bloque les routes. Les agriculteurs polonais dénoncent les importations de produits agroalimentaires en provenance de l’Ukraine qui seraient « incontrôlées ». Ils demandent une révision de la Politique agricole et le nouveau gouvernement de Donald Tusk a promis de trouver des solutions.

Aux Pays-Bas, les éleveurs et les agriculteurs sont pris entre la volonté de produire et la nécessité de réduire leur impact environnemental. L’année dernière, les agriculteurs ont multiplié les démonstrations de force par le blocage de route et des manifestations violentes pour dénoncer le plan du gouvernement visant à réduire substantiellement le nombre de fermes en activité. Pour les agriculteurs qui ont vécu une croissante constante au cours des 30 dernières années, c’est une crise existentielle.

Faire face aux défis climatiques et économiques

L’urgence environnementale se retrouve en trame de fond de cette crise qui anime le monde agricole européen. La loi européenne sur le climat et son plan d’action, le Pacte vert, oblige les états membres et l’Union européenne à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Il s’agit d’une obligation juridique qui force les pays membres à instaurer des mesures qui ont un impact sur la production agroalimentaire. Cet ensemble de législation est imposé par les états membres dans un contexte inflationniste qui affectent directement les revenus des agriculteurs et leur compétitivité.

Autre enjeu qui sème la discorde : l’importation de produits agricoles ukrainiens dans l’UE depuis la levée des droits de douane en 2022 dans un contexte de guerre.

Bref, les agriculteurs et les éleveurs demandent à leur gouvernement respectif plus de flexibilité pour faire face aux défis climatiques et économiques, une simplification des normes environnementales et la mise en place de mesures assurant leur compétitivité.

Photo : Gracieuseté de Nicolas Roux