Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) sont en progression au Québec. Ce modèle offre de nombreux avantages économiques et humains. Nous sommes allés à la rencontre de deux nouvelles CUMA.
Un portrait des CUMA au Québec, réalisé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) en 2022, recensait 64 CUMA qui regroupent plus de 2000 membres sur le territoire. Ces chiffres représentent une augmentation de sept pour cent depuis 2015.
La CUMA est une coopérative dans laquelle des producteurs et productrices agricoles mettent en commun différentes ressources nécessaires à leurs activités comme de la machinerie et des équipements. Ce modèle permet d’avoir accès à un matériel moderne et performant au moindre coût possible et de briser l’isolement social en créant un lieu d’échange d’expériences et de connaissances.
Nous avons rencontré des membres de deux nouvelles CUMA afin d’en apprendre davantage sur leur fonctionnement au quotidien et leur vision pour l’avenir.
La CUMA de Warwick
La CUMA de Warwick, fondée en 2020, regroupe cinq membres, compte 19 branches d’activité et dispose d’un parc de machinerie estimé à deux millions de dollars. Nous avons rencontré Louis-Philippe Boutin, 30 ans, propriétaire d’une ferme laitière et président de la CUMA de Warwick. Lors de l’entrevue, il était accompagné de deux autres membres, Mario Laroche et Steven Côté Richard, vice-président de la CUMA.
Ils connaissaient le modèle depuis plusieurs années et la création de la CUMA de Warwick leur a apporté de nombreux avantages. Non seulement ils ont amélioré leurs conditions financières en réduisant les coûts de la machinerie, mais ils ont également augmenté l’efficacité de leurs chantiers grâce aux équipements de pointe qu’ils ont été en mesure de se procurer.
Louis-Philippe souligne qu’en ce qui concerne les activités sur le terrain, « tout va presque deux fois plus vite ». Steven raconte qu’auparavant, avec sa petite ensileuse, il lui fallait six jours pour réaliser l’ensilage de son maïs. Aujourd’hui, il accomplit cette tâche en quatre heures avec une superficie encore plus grande à couvrir. Tous deux expliquent que la CUMA de Warwick favorise également l’entraide entre ses membres.
Bien que la CUMA leur ait apporté de nombreux avantages, ils rencontrent aussi quelques défis au quotidien, notamment en ce qui concerne les bris de machinerie et le respect des responsabilités liées à chaque équipement. Si chacun effectuait rigoureusement les vérifications nécessaires, cela permettrait de gagner du temps et d’éviter des interruptions imprévues, disent-ils.
Leur plus grand défi, cependant, a été de mettre en place un système efficace de prise de données sur l’utilisation de la machinerie lors de la première année. « Ç’a été atroce », explique Louis-Philippe en riant. Pensant que ce serait une tâche simple, ils avaient décidé de se retrouver autour d’un verre dans un bar pour faire le point. Cependant, ils ont rapidement réalisé que ce n’était pas aussi efficace qu'espéré!
Face à la complexité de la tâche, ils ont plutôt opté pour une solution de saisie de données électronique en adoptant le boîtier Karnott. L’outil, aimanté à la machinerie, permet de calculer les heures et surfaces travaillées, les distances parcourues ou encore le nombre d’unités faites (balles, ballots, épandages). Selon les producteurs, c’est devenu un incontournable pour une meilleure gestion des données et pour faciliter la conciliation entre les membres.
Pour la CUMA de Warwick, il n’est pas question de recruter de nouveaux membres. Ils préfèrent se concentrer sur le renouvellement de leur parc de machinerie. Selon eux, les facteurs clés du succès résident dans le respect mutuel, la communication, le gros bon sens et la prise de décisions fondées sur le bien commun des membres.
La CUMA de St-Norbert
La CUMA de St-Norbert, créée en 2023, rassemble six membres, exploite quatre branches d’activité et possède un parc de machinerie évalué à 330 000 $. Nous avons rencontré Alexandre Caouette, 37 ans, propriétaire d’une ferme de production de veaux de lait et président de la CUMA de St-Norbert. La CUMA a été créée pour libérer progressivement ses membres de la dépendance aux prestataires externes et être davantage autonome dans l’utilisation de la machinerie.
Alexandre explique que le plus difficile a été de démarrer la CUMA. « Les gens étaient craintifs », confie-t-il, jusqu’à ce qu’ils constatent que le modèle fonctionnait bien. Une condition gagnante pour eux a été de se munir d’un boîtier Karnott dès le départ, ce qui a facilité la gestion des données d’utilisation de la machinerie. « Je n’avais pas d’appréhension, je savais que ça fonctionnerait », partage Alexandre. Après leur première saison, il affirme que c’est très motivant d’utiliser la nouvelle machinerie et que les membres font énormément d’apprentissages tout en développant un esprit de communauté. Pour lui, la CUMA a créé un véritable sentiment d’appartenance qui contribue également à briser l’isolement.
Comme la CUMA est nouvellement créée et en période de développement, ils souhaitent recruter de nouveaux membres. Alexandre souligne l’importance de bien choisir les futurs membres pour garantir l’harmonie au sein de l’équipe. Ils ont l’intention d’acquérir de nouveaux équipements, de délaisser progressivement le forfaitaire et d’améliorer leur offre de machinerie.
Alexandre partage un conseil précieux à tous ceux et celles qui souhaiteraient démarrer une CUMA : « N’hésitez pas à vous lancer. La coopérative grandira au fil du temps et les résultats sont tangibles et concrets. »
Les avantages des CUMA
Les avantages des CUMA sont nombreux. L’entraide et la coopération entre les membres permettent d’atteindre des objectifs communs qui dépassent souvent les attentes. La mutualisation des équipements engendre des économies d’échelle importantes et réduit l’empreinte écologique des entreprises agricoles.
La pérennité des CUMA
Louis-Philippe Boutin et Alexandre Caouette étaient unanimes quant aux conditions essentielles pour assurer la pérennité des CUMA :
- Une communication claire entre les membres permet une résolution rapide des problèmes et une coordination efficace;
- La solidarité renforce la cohésion et favorise la réussite collective;
- La proximité géographique facilite la gestion;
- Enfin, un bon système de saisie des données sur l’utilisation de la machinerie est crucial pour une collaboration efficace et pour gagner du temps qui est précieux.
Photo par Christophe Champion