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Du capital privé pour le système agroalimentaire américain post COVID-19

Photo : iStock

« Nous voulons attirer 10 G$ USD d’investissements privés au cours des trois prochaines années pour monter la filière agricole et agroalimentaire américaine du XXIe siècle, une filière beaucoup plus résiliente, beaucoup plus durable au bénéfice des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement », indique Krishnan Sanjeev, président directeur général, S2G Ventures, une firme d’investissement privé ayant pignon sur rue à Chicago et à San Francisco.

Selon K. Sanjeev, conférencier invité aux perspectives du Département américain de l’agriculture, les start-ups du secteur agricole et agroalimentaire américain n’attirent que 0,5 % de capital risque par rapport au PIB, alors que ce ratio est de 3,1 % pour les services financiers, 3,6 % pour les services de santé, et 12,8 % dans les technologies de l’information. 

Diplômé de la London School of Economics et ex-responsable d’investissements en science de la vie à la Société financière internationale, le financier a indiqué que les producteurs agricoles américains ont un urgent besoin d’accroître leur rentabilité en fonction du développement durable. Et que ce sont les consommateurs, particulièrement les 72 millions de milléniaux, qui vont exiger ce virage vert dans l’économie post COVID-19.

« L’accroissement de 20 % des faillites de fermes depuis 2019 a été compensé par les paiements directs de 37,2 G$ USD de Washington. C’est deux fois plus que l’aide apportée au secteur automobile », a indiqué K. Sanjeev.

La santé des sols, pilier de la réforme

Le Département américain de l’agriculture estime à 44 G$ USD par an le coût de l’érosion des sols causée par les mauvaises pratiques culturales alors que la planète a perdu près de la moitié de sa couche arable depuis 150 ans, ajoute K. Sanjeev. 

« Les producteurs américains ont tout à gagner avec un sol en santé. Mais il faut changer de mentalité. Mieux vaut dégager plus de profit net à l’acre, sur une superficie de 300 à 500 acres, que subsister avec le plus de rendements à l’acre possible sur des superficies dix fois plus grandes », dit-il.

Pour que les agriculteurs américains réussissent « leur renaissance rurale » dans l’économie post COVID-19, ils doivent impérativement, outre la santé des sols, avoir accès à l’Internet pour favoriser l’utilisation de données dans la gestion de leurs opérations. 

Changement dans la chaîne d’approvisionnement

« Notre système est trop dépendant du transport longue distance. Nos aliments parcourent entre 2000 km et 2400 km de la ferme à la fourchette », indique K. Sanjeev.

Afin que la chaîne d’approvisionnement alimentaire américaine soit plus résiliente, le financier entrevoit une forte augmentation de la production d’aliments en environnement contrôlé près des marchés de consommation.  

Le phénomène s’accélère puisque la production de laitue en serres aux États-Unis a plus que triplé au cours des cinq dernières années. Cette résilience repose en grande partie sur une agriculture de proximité. Selon l’expert, une augmentation de 13 % de la proximité de production-consommation permettrait de réduire l’énorme gaspillage de nourriture, des centaines de milliards de litres d’eau et d’économiser des trillions de kilomètres alimentaires. 

La fermeture des restaurants, bars et arénas, provoquée par la COVID-19, a forcé quant à elle les fabricants de produits alimentaires à vendre directement aux consommateurs, une souplesse acquise aujourd’hui. Mais la COVID-19 a aussi exposé la vulnérabilité des transformateurs, des abattoirs et des exportateurs sur le plan de la main-d’œuvre, un enjeu latent qui est loin d’être réglé : « Un manque de 25 % de main-d’œuvre pourrait engendrer une réduction de 50 % de la production d’aliments », estime K. Sanjeev.

Nutrition et sécurité nationale

« Des aliments de qualité constituent une sorte de médecine préventive, soit une continuité du serment d’Hippocrate », souligne K. Sanjeev. Selon lui, le système agricole et agroalimentaire post COVID-19 devra miser sur la santé des Américains et de leurs communautés, tout en soutenant des entreprises agricoles « vertes », rentables, et en permettant aux agriculteurs d’être au cœur de la lutte aux changements climatiques. 

S2G a investi à ce jour dans une cinquantaine de compagnies tout le long de la filière agroalimentaire américaine, allant de la santé des sols, de la biotechnologie, de la robotisation aux fabricants de viande végétale ou de café moléculaire. 

Nicolas Mesly

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.

nicolas@nicolasmesly.com

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.