Aller au contenu principal

Influenza aviaire : un risque encore bien présent

En 2025, la grippe aviaire demeure un risque à surveiller de près, tant au Canada qu’aux États-Unis. Au Québec, la situation semble assez bien contrôlée, en ce début d’année.

Pour faire le point, le Coopérateur s’est entretenu avec Martin Pelletier, agronome et directeur général de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA).

« Le virus qui nous concerne aujourd’hui est très persistant ; il circule depuis des années dans la faune sauvage. Ce qui nous ramène toujours à l’importance de la biosécurité à la ferme ; si les troupeaux sont contaminés, c’est parce que le virus est entré dans le bâtiment », souligne Martin Pelletier.

Par ailleurs, même s’il n’y a pas de vaches laitières infectées au Canada, l’expert en gestion de risque surveille la propagation du virus dans les troupeaux laitiers aux États-Unis : « Ce risque est accru et il prend de l’ampleur, il faut donc demeurer vigilant et ne pas laisser circuler le virus de cette façon. »

L’autre priorité pour Martin Pelletier et son équipe demeure la promotion des protocoles de biosécurité à la ferme et la responsabilisation des individus pour protéger l’industrie dans son ensemble.

« En 2024, nous avons révisé nos protocoles, dit-il. Ils sont maintenant à jour et nous les avons communiqués à toutes les fermes du Québec en leur rappelant que ces protocoles concernent non seulement les producteurs, mais tous les intervenants de l’industrie : abattoirs, transporteurs de volaille, livreurs de moulée, etc. »

Analyse des derniers chiffres

Les chiffres confirment la présence de l’influenza aviaire au Québec depuis trois ans : en 2022, 23 cas ont été détectés, 28 en 2023 et 7 en 2024. Ce qui est « quand même pas si mal », estime Martin Pelletier.

« On pourrait penser en lisant les journaux qu’il y a une éclosion de grippe aviaire au Québec et que la situation est alarmante. Mais il y a des endroits où ça va encore moins bien, précise-t-il, comme en Colombie-Britannique, qui a recensé en 2024 une soixantaine de cas alors que nous en avons détecté seulement sept. »

Par ailleurs, le nombre d’oiseaux abattus, à cause d’une contamination réelle ou suspectée, confirme que les provinces les plus touchées depuis 2022 sont la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Québec et l’Ontario. À noter que le Québec est le deuxième producteur avicole en importance au pays.

« Depuis 2022 au Québec, 1,4 million d’oiseaux sont morts ou ont été euthanasiés à cause de la maladie ; l’Ontario en a abattu 1million, l’Alberta, 2 millions et, en Colombie-Britannique, ils sont rendus à 8,6 millions d’oiseaux abattus, énumère Martin Pelletier. Au total au Canada, depuis 2022, c’est plus de 15 millions de volailles abattues. »

Aux États-Unis, la crise est d’une tout autre ampleur : en 2024, 43 millions d’oiseaux ont été tués en guise de prévention ou sont morts de la maladie. De ce nombre, 33 millions étaient des pondeuses commerciales d’œufs de consommation.

« Ces chiffres illustrent une réalité bien particulière aux États-Unis qui favorisent la production sur des sites immenses abritant des millions de pondeuses, précise l’agronome. Donc, lorsque le virus s’y propage, ça donne des chiffres astronomiques. »

Risques de mutation du virus et potentiel de transmission entre humains

Au Québec et au Canada, à ce jour, aucun cas de transmission d’humain à humain n’a été constaté. On note cependant que l’an dernier en Colombie-Britannique, une adolescente a contracté le virus H5N1, mais il a été impossible d’identifier la source du virus et cette personne n’avait pas été en contact avec des volailles.

Aux États-Unis, il n’y a pas non plus de transmission entre humains, informe Martin Pelletier, mais des dizaines de transmissions d’animaux à humain.

« Les Américains ont dénombré une soixantaine de cas d’individus qui ont été infectés par le H5N1 ; les autorités ont confirmé que ces personnes ont été en contact avec des volailles ou avec des vaches laitières infectées. »

Au Canada, il n’y a pas de vaches laitières infectées et le spécialiste en gestion des risques estime que la transmission du virus d’humain à humain chez nous est, pour l’instant, faible.

« On ne peut pas se mettre la tête dans le sable, mais on ne peut pas extrapoler trop prématurément non plus. »

Les mesures de biosécurité à mettre en place

Pour limiter les risques de contamination, Martin Pelletier insiste sur l’importance de créer une barrière à l’entrée des bâtiments. C’est la priorité.

« Le principe le plus important d’un protocole de biosécurité, dit-il, c’est de créer en tout temps une barrière physique entre l’extérieur et l’intérieur des bâtiments ; que ce soit par un changement de vêtements, un changement de bottes ou la désinfection des outils et des équipements qui entrent dans un bâtiment. »

La rigueur dans l’application de ces mesures, qui sont entièrement volontaires, demeure un enjeu.

« Si une ferme se dote d’un environnement physique adéquat, mais qu’on n’y respecte pas les protocoles, on n’est pas plus avancé, fait-il savoir. Mais, je crois que les derniers épisodes d’influenza aviaire ont créé un petit électrochoc dans l’industrie, car, avant, dans nos protocoles, la barrière à l’entrée des bâtiments consistait en une ligne tracée au sol. »

Martin Pelletier rappelle que, depuis quelques années, l’industrie avicole au Québec a multiplié les outils qui lui permettent d’intervenir pour limiter les risques d’influenza aviaire et mieux se protéger : nouveaux protocoles de biosécurité, achat d’équipements d’euthanasie, création de trousses de biosécurité, développement d’un outil géomatique permettant de localiser toutes les fermes du Québec et mise en place d’une ligne téléphonique d’urgence.

Que faire lorsque des oiseaux sont infectés?

Un producteur qui suspecte la présence du virus dans son troupeau doit immédiatement se protéger en mettant en place le code de biosécurité orange tel que défini par l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles et contacter son médecin vétérinaire praticien.

Ensuite, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) se rendra sur les lieux pour prendre des échantillons et effectuer les tests qui confirment la présence de la maladie. L’éclosion devra être déclarée publiquement, mais sans préciser le lieu exact. En cas de code rouge, les mesures de biosécurité à mettre en place seront dictées par l’ACIA, qui prendra alors le relais de l’industrie pour gérer cette situation d’urgence.