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Quand le sexage devient moins sexy

Photo : À 21 jours, les poulettes pèsent environ 850-900 g, les coquelets 900-950. Peu importe le sexe, le programme alimentaire doit être choisi en fonction.

Le Québec pourrait-il imiter à peu près tous les endroits du monde en ne sexant plus (ou beaucoup moins) les poussins de poulets de chair en devenir? Sexer ou ne pas sexer, là est la question!

D’abord, qu’est-ce que le sexage? Il s’agit de séparer les poussins au couvoir, quelques heures après leur éclosion, de manière à constituer des lots de mâles et de femelles. Le but : produire des volailles plus uniformes en taille, ce qui facilite les opérations d’abattage et de découpe. Actuellement, on trie les poussins selon la différence de longueur des deux types de plumes de l’aile; ces plumes sont égales chez le mâle et décalées chez la femelle. Cette méthode visuelle est rendue possible en sélectionnant un gène par croisement traditionnel.

Le sexage a débuté au Québec dans les années 1980 et se poursuit encore aujourd’hui, essentiellement pour répondre aux demandes des clients. « Une forte proportion du poulet du Québec est destinée aux rôtisseries, très populaires ici », explique Pierre Bessette, directeur des approvisionnements en volailles chez Olymel, qui compte deux abattoirs de poulets au Québec. « Ces rôtisseries voulaient surtout des coqs ayant des poids très resserrés autour d’une moyenne, pour une cuisson uniforme sur la broche. »

Au Couvoir Sollio Agriculture, situé à Victoriaville, environ 98 % des poussins sont sexés (au rythme d’un sexage toutes les deux secondes) et sélectionnés pour leur conformité. « En plus des 25 employés qui effectuent le sexage, 2 finalisent la sélection des poussins », fait savoir Diane Hébert, surintendante du couvoir. Dans un contexte de manque généralisé de main-d’œuvre en région, le couvoir a de la difficulté à recruter des sexeurs, mais le problème réside aussi dans le caractère à temps partiel des postes. Le travail est fastidieux, en plus de nécessiter de la minutie et de la rapidité.

 

Village gaulois

« Nous sommes à peu près les seuls en Amérique du Nord à sexer la majorité de nos poussins, révèle Silke Schantz, directrice des approvisionnements en volailles à la coopérative Exceldor. Il existe de petits marchés aux États-Unis et en Europe qui nécessitent du sexage, mais on ne sexe jamais autant qu’ici. »

« Le sexage est de moins en moins utilisé, corrobore Philippe Dufour, directeur des ventes de Cobb-Vantress Canada. Au Canada, les grands abattoirs sont aujourd’hui capables de s’adapter à des poids variables. Autrement dit, les abattoirs vont “sexer sur la chaîne” en pesant et triant les carcasses. Aux États-Unis, où le marché est plus grand, on trouve des abattoirs prévus pour des poulets de poids précis, par exemple six kilos, ce qui n’est pas le cas ici. »

 

Essais de lots mixtes

Avant 1980, on élevait les deux sexes sur un même parquet. Plus récemment aussi. « La crise de la laryngotrachéite infectieuse dans la région de Saint-Félix-de-Valois, en 2018, a servi en quelque sorte de test pour faire du poulet en tout-venant, car le vaccin contre cette maladie coûtait très cher, et on a arrêté de sexer les lots vaccinés dans l’œuf contre cette maladie », raconte Denis Caron, directeur opérations avicoles chez Sollio Agriculture. Risque de catastrophe? Pas vraiment.

Silke Schantz indique que son organisation a fait des tests en septembre 2018, durant lesquels 100 % des poulets sur la chaîne d’abattage n’étaient pas sexés. Résultat : Exceldor a pu fournir ses différents segments de marché avec du poulet aussi bien mâle que femelle. La proportion de lots d’élevage non sexés, qui a été de 40 % à la fin de 2019 chez les membres de cette coopérative, est donc appelée à augmenter, possiblement jusqu’à 70 %, estime la technologue diplômée en zootechnologie. La fusion en juillet dernier d’Exceldor avec la coopérative manitobaine et saskatchewanaise Granny’s, qui n’utilise pas de génétique avicole sexable, a d’ailleurs suscité des réflexions sur la pertinence de ne plus sexer les poussins.

 

Performances techniques

« Pour moi, le sexage a peu d’importance sur le plan des programmes alimentaires, fait valoir Alexandre Lebel, nutritionniste en production avicole chez Sollio Agriculture. Si on sexe encore aujourd’hui, c’est pour des raisons commerciales. Le marché dicte encore cette pratique. » L’agronome utilise, comme ouvrage de référence, les tables de besoins nutritionnels des oiseaux fournies par les deux géants de la génétique aviaire, Cobb-Vantress et Aviagen. Ces lignes directrices ne sont pas différenciées selon le sexe, d’autant plus que les oiseaux sont abattus à un jeune âge, bien avant la maturité sexuelle complète. Alexandre Lebel ne voit donc pas d’avantages, pour l’instant, à créer en double des programmes alimentaires pour coquelets et poulettes. Il formule plutôt les aliments en se basant sur la densité nutritionnelle en protéine, acides aminés et énergie, ainsi qu’en fonction du coût : gamme Standard moins concentrée et moins chère, gamme Podium plus concentrée et plus chère. « C’est au client de décider quel programme alimentaire répond à ses objectifs », conclut-il.

Et la performance des lignées sexables et non sexables? Philippe Dufour, de Cobb-Vantress, soutient que les souches sont aussi performantes les unes que les autres, car issues des mêmes lignées grand-parentales. Le caractère de sexabilité est d'ailleurs introduit au niveau grand-parental. Ainsi, qu'ils soient sexables ou non, les poussins ont les mêmes quatre grands-parents et les mêmes performances - conversion alimentaire et gain moyen quotidien -, pourvu que les parents aient le même âge. Montrant du doigt un dénuement prolongé qui augmente les pertes de chaleur, Michel Lefrançois considère plutôt que les mâles à emplumement lent (pour le sexage) présentent des performances inférieures.

 

Lire l'article complet dans l'édition de janvier-février 2020 du Coopérateur.

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.