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Mutualiser, coopérer et prospérer à la Centrale agricole

Si Sollio Groupe Coopératif est la plus grande coopérative agricole du Québec, on retrouve à deux pas (ou plutôt 50 mètres) de son siège social la plus grande coopérative d’agriculture urbaine au monde!

La Centrale agricole, qui a maintenant près de cinq ans, grouille de coopération et de projets agricoles aussi innovants qu’inattendus. La croissance est au rendez-vous, peut-être même plus qu’on ne l’avait prévu.

La Centrale est en croissance rapide, nous dit-on. Lancée en 2019 avec seulement 8000 pi2 d’espace pour ses quelque cinq membres, elle est maintenant rendue à 72 000 pi2 et 18 membres. Les entrepreneurs ont accès à un espace en plein cœur de la ville à moindre coût, qui les accueille sans préjugés contre l’agriculture urbaine et surtout, qui se base sur un modèle coopératif où les efforts et les ressources sont mutualisés.

« Une des choses qu’on aime le plus de notre modèle actuellement, affirme LN Saint-Jacques, DG de la Centrale, c'est que quand on intègre un nouveau membre, il n'a pas la pression de construire tout de suite, par exemple, sa cuisine. Il peut utiliser nos équipements mutualisés, aller dans la chambre froide, louer un petit espace d'entreposage et limiter le pied carré qu'il prend au début pour être capable d'être rentable. »

La mutualisation des ressources

Quand on travaille à la Centrale, à quoi a-t-on accès?

  • Une cuisine commerciale
  • Une cuisine de transformation
  • Deux déshydrateurs industriels
  • Des chambres froides et de congélation
  • Un espace d'entreposage
  • Un composteur semi-industriel
  • Un camion électrique
  • Un espace de réunion
  • Un espace de coworking
  • Service de design graphique


C’est la cuisine qui a permis à TriCycle, qui fait l’élevage d’insectes, de repousser dans le temps ses investissements initiaux, et donc de prendre de l’expansion et d’atteindre maintenant la quinzaine d’employés.

C’est également à la cuisine et avec les déshydrateurs que les derniers essais de la COOP Boomerang, qui se spécialise dans l’économie circulaire et la valorisation alimentaire, se sont faits. « Le fait qu'on ait une cuisine de transformation au deuxième étage avec des déshydrateurs à plateaux et non à tambour, accessible à un coût tout à fait raisonnable, et qu'on peut mobiliser ponctuellement pour faire de la recherche et du développement, nous a permis de prototyper notre service », explique Mathieu, l’un des membres de la coopérative.

L’économie circulaire et la coopération

En plus des ressources, on se partage également des services et des produits. « Ici, il y a une trentaine de collaborations en économie circulaire, précise LN Saint-Jacques. Un intrant, qui va devenir un extrant, va être revalorisé par un autre membre qui va le mettre dans sa chaîne de valeur, jusqu'au compost. Ce n'est pas rare qu'on ait deux à cinq boucles avant le compost. »

Le frass, c’est-à-dire le fumier des insectes de TriCycle, se retrouve donc dans la cuve de Circulus Agtech, qui le transformera en engrais liquide, lui-même redirigé chez différents producteurs de la Centrale.

« C'est comme l'ADN de la Centrale et des membres, d'essayer constamment de se réinventer avec les possibles qui leur sont offerts », ajoute LN.

La COOP Boomerang a justement été la première entreprise de la coopérative à sous-traiter sa logistique à un autre membre, Improove. (Écoutez l'épisode du Coopérateur audio avec Mathieu Gauthier de la Coop Boomerang pour en apprendre davantage sur cette coopérative de travailleurs.) Celui-ci faisait déjà un circuit de livraison et de collecte, qui correspond à peu près aux endroits où se trouvent les microbrasseries, et donc la drêche dont a besoin la COOP Boomerang. Cette dernière peut ainsi continuer à récolter ses matières résiduelles, tout en s’épargnant la tâche de récupérer sa matière première et en se concentrant sur ce qu’elle fait de mieux : la revalorisation de la matière en question.

La mutualisation et le désir de collectiviser les choses, de diminuer le risque pour tous les producteurs et de faire en sorte que les membres aient un avantage dans les négociations rappellent les origines des premières coopératives agricoles du Québec et les motivations sous-jacentes des agriculteurs qui les ont démarrées. La différence? Le tout se fait actuellement entre quatre murs et sur un toit.

« La coop, c'est un véhicule efficace, confirme Gabriel, de l’Atelier de champignons Big Bloc. Ça nous a vraiment bénéficié pour passer au prochain niveau. »

La Centrale fait des p’tits

La formule est à ce point convaincante qu’on envisage même de l'exporter ailleurs à Montréal, mais également dans plusieurs autres villes du Québec.

Qui dit reproduction dit aussi transférabilité et bévues à ne pas reproduire. « Il y a des erreurs qui ont été faites et des éléments sur lesquels on recule, affirme LN Saint-Jacques. Tout ce qui est santé et sécurité, hygiène et salubrité, gestion des mesures d'urgence ou des risques, on l’a appris à la dure. En avril [2023], tout le monde a perdu du stock ici, sauf le producteur de poissons, parce que personne n'avait réfléchi au fait qu'on pouvait avoir une panne d'électricité! »

Pour l'instant, la Centrale ne donne donc pas suite aux demandes de reproduction parce qu’elle essaie de professionnaliser et de stabiliser la base de son modèle, avec de véritables données et de la documentation.

Ce qui ne veut pas dire qu’aucun projet n’avance entretemps. Loin de là!

La suite : un centre de revalorisation des invendus

Au rez-de-chaussée, un énorme potentiel repose sous une montagne de culottes. L’immense espace, avec un accès direct au dock et des plafonds de 16 pieds, est actuellement utilisé pour l’entreposage de sous-vêtements. Mais les locataires des autres étages ont un souhait bien différent pour l’avenir de cet endroit.

« On a la vision d’implanter un centre de revalorisation des invendus alimentaires », déclare LN Saint-Jacques.

Plusieurs membres font d’ailleurs déjà de la revalorisation d’invendus. Dunord, qui déshydrate des surplus de production pour éviter le gaspillage alimentaire, a un contrat avec un agriculteur et n’arrive pas à prendre plus de 10 % de ses invendus. « On pourrait prendre le reste, suggère LN, et peut-être mutualiser les ressources humaines pour aller les chercher dans les champs, autour ou dans Montréal. » 
 

Un aliment légèrement détérioré pourrait être immédiatement transformé, que ce soit par Dunord pour l’alimentation humaine ou encore pour les insectes de TriCycle. Et si aucune réutilisation n’est possible auprès d’autres producteurs de la Centrale, le composteur arriverait au bout de la chaîne. Bref, tout ce qui reste et qui n'est plus réutilisable en termes de consommation ou transformation est revalorisable d'une certaine façon.

Une idée de flotte de véhicules électriques mutualisés pour la livraison rôde aussi dans les esprits. Ce camion, sous-traité par Improove, n’est peut-être bien que le premier! On rêve de libérer les membres de la Centrale des innombrables livraisons qui grugent leur temps et les empêchent de s’attarder à leur cœur de métier. L’idéal de la flotte dépasserait même les besoins de la Centrale pour couvrir ceux, plus larges, du milieu bioalimentaire des environs. Mais l’avenir nous dira si cette nouvelle initiative prendra de l’expansion.

Un succès qui séduit

À travers ses dizaines de petits et grands succès, de nombreux prix remportés ici et là par plusieurs membres et des projets réussis d’économie circulaire, la Centrale agricole en fait rêver plus d’un et gagne assurément en popularité. Dans les derniers mois, articles, entrevues et présentations se sont d’ailleurs enchaînés.

Il faut dire que le modèle et le succès charment. « Il y a quelque chose, autour de tout ça, qui rend attrayant, sexy, ce qu'est en train de devenir la Centrale, commente LN Saint-Jacques. Mine de rien, et c'est pour ça qu’on dit qu'on est un bailleur de fonds, le soutien à l’entrepreneuriat et la survie des entreprises sont excellents ici. On a eu, en quatre ans, 23 membres, une faillite sur les 23, trois entreprises qui ont fermé, dont une pour des raisons de santé et deux parce que ça ne leur tentait plus. »

« On me dit tout le temps que j'ai de la magie dans les yeux quand j'en parle, ajoute LN, mais souvent, les gens repartent des visites et font "wow!" Tu les as vues, nos installations : c'est bancal et bien ordinaire. Mais la magie est ailleurs ici. Si on avait un bâtiment nec plus ultra, ce serait encore plus débile, mais on n'en est pas là, et c'est très correct. La Centrale, telle qu'elle est en ce moment, est très représentative de toutes les énergies positives qui ont été mises par les membres. Pour l'instant, ça permet à toutes ces personnes-là d'être productives et de travailler, d'améliorer leurs conditions de travail et de vie, d'avoir des projets qui font en sorte qu'elles ont le goût de venir travailler tous les jours. Et c'est ça qui est commun ici : tout le monde est souriant, a le goût de venir travailler. »


Du compost à donner

Vous cherchez un compost de qualité, gratuit? Venez faire un tour à la Centrale! Écrivez à dany@centrale.coop.

« On vient d'atteindre nos 100 tonnes de compost. On aimerait continuer d'offrir ce service à nos membres, surtout que le compost de la Centrale est d'une grande qualité. On tente toujours de l'offrir en service à la collectivité en collaboration avec la Ville de Montréal », explique LN Saint-Jacques.
 


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Photos par Stéphanie McDuff

Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.