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La COOP Boomerang : Une coop dans une coop

Tout a commencé pour Mathieu Gauthier, Tangui Conrad et Alexis Galand avec un projet d'études en économie circulaire, des convictions profondes et une rencontre fortuite.

Il ne fallait alors qu’un saut pour que la COOP Boomerang, une coopérative de travailleurs, se joigne alors à la Centrale agricole, la plus grande coopérative d’agriculture urbaine au monde!

Écoutez l'épisode du Coopérateur audio avec Mathieu Gauthier

1 pinte de bière = 1 pinte de drêche

La mission de la COOP Boomerang est de valoriser les surplus, coproduits et résidus de production organiques au maximum de leur potentiel, en ramenant ces nouveaux ingrédients dans l’industrie bioalimentaire. Son coeur de métier de métier est de faire la revalorisation à travers des procédés de déshydratation, puisqu’ils permettent de stabiliser les résidus sur une longue période de temps.

La coopérative a commencé ses activités avec les drêches de microbrasserie parce qu’il s’agit d’un résidu urbain présent en abondance et structurel. « Si on veut boire de la bière, il faut utiliser du grain, ce qui produit de la drêche, explique Mathieu Gauthier, l’un des cofondateurs de la COOP Boomerang. Et il y a des enjeux très urbains de gestion de ces matières-là. Montréal, c'est la deuxième place qui concentre le plus de microbrasseries au Québec. On était rendu à 47 début 2023, donc là on doit être à 50. Sachant qu'en moyenne une microbrasserie produisait en 2018 76 tonnes de drêche par année, on se rend vite compte qu'à l'échelle du territoire, ça provoque un certain enjeu. »

Et pour cause! Pour chaque pinte de bière qu'on boit, on génère une pinte de résidus alimentaires issus des grains.

Or, ces grains ne sont pas nécessairement inutilisables une fois leur passage dans le processus de brasserie. Encore riche en protéines et en fibres, ils peuvent trouver une nouvelle vie, si on les transforme suffisamment vite, avant que la fermentation ne s’en mêle et ne les gâche définitivement.

Après avoir passé quelques années à prototyper des méthodes pour transformer la drêche en farine, la coopérative travaille maintenant diversifier son modèle d’affaires pour développer son impact et proposer un service clé en main de valorisation de coproduits, de résidus ou de surplus de production. Le but est de créer, de structurer et d’animer des boucles de circularité liant à la fois des producteurs et des transformateurs utilisant des ingrédients issus de l’économie circulaire. 

Les premiers essais sont en cours avec les fruits. Les restants de pommes des voisins de la COOP Boomerang, à la Centrale agricole, sèchent d’ailleurs peut-être dans un déshydrateur à l’heure où vous lisez ces lignes.

Pourquoi avoir choisi le modèle coopératif?

D’après Mathieu Gauthier, le modèle coopératif était la clé à plusieurs interrogations des membres fondateurs de la COOP Boomerang, dont il est président et responsable du développement d’affaires. « Ça répondait à des enjeux très personnels, très liés à la transition écologique et à la crise qu'on traverse. Ça venait questionner notre rapport au travail salarié, à la réappropriation de nos moyens de production, choses qui nous paraissent importantes. »

Dans un monde où on se surinvestit dans le travail sans en retirer réellement les bénéfices, le travail salarié perd de son sens, ajoute-t-il. « Pour nous, c'était important de changer ça. La coopérative te donne cette chance de remettre l'humain au centre de ces modèles et d'impliquer vraiment des concepts démocratiques dans le mode de gouvernance et dans les décisions qui sont prises, en valorisant tous les savoirs-êtres et les savoir-faire au centre d'une compagnie, plutôt que d'avoir une structure pyramidale où, par exemple, un directeur marketing est supposé avoir un salaire bien plus élevé qu'une personne qui fait de la production. C’est une chose excessivement discutable dans la mesure où si personne ne se lève pour faire de la production, il n'y a pas de travail en marketing. On doit aussi rémunérer ce travail de façon équitable et partagée. C'est pour ça qu'on s'est partis en coopérative. »

Devenir coopérateurs

C’est durant leurs études que les fondateurs de la COOP Boomerang rencontrent LN Saint-Jacques, qui travaillait alors à PME Montréal. LN, qui a également été DG à la Centrale agricole, les a soutenus dans leurs démarches initiales et a moussé l’idée de la coopérative.

Comme on ne devient pas instantanément des coopérateurs aguerris, il a fallu que les jeunes entrepreneurs aillent chercher quelques formations supplémentaires. « On s'est formés d'abord au Réseau COOP, précise Mathieu. On a fait le Parcours COOP, qui nous donne les clés de construction et les mécanismes d’une coopérative. » Le Coopérathon, propulsé par Desjardins, a aussi été un tremplin à leur démarche.

La COOP Boomerang, membre de La Centrale agricole

La Centrale agricole, située à Montréal, a été lancée en 2019. Avec ses quelque 72 000 pi2, elle offre à ses 18 membres l’accès un espace en plein cœur de la ville à moindre coût, qui les accueille sans préjugés contre l’agriculture urbaine et surtout, qui se base sur un modèle coopératif où les efforts et les ressources sont mutualisés.

C’est en 2021 que la COOP Boomerang rejoint la Centrale, un lieu qui apparait vite idéal : « Il y avait déjà des installations comme des monte-charge, des chambres froides mutualisées, un hub où on pouvait travailler, une cuisine qu'on pouvait réserver à l'heure, à la demi-journée ou à la journée, une salle de conférence... C'était plug and play! ajoute Mathieu. Il y avait beaucoup de services mutualisés, ce qui facilite l'installation et permet de mettre son énergie et ses ressources au bon endroit, particulièrement dans des étapes initiales de développement. »

Les finances, donc, s’en portent mieux, tout comme l’environnement : « Dans une démarche écoresponsable, c'est intéressant d'avoir des équipements et de l'espace qui sont pleinement utilisés et pas seulement 5 à 10 % du temps. Et c’est économique, ajoute Mathieu. C'est très rationnel comme décision puisque quand on partage et on mutualise ses espaces, on est plus à payer pour le même espace et le même service, donc le coût unitaire par membre diminue. »

Une coop dans une coop

En plus de l’intérêt, pour Boomerang, de faire porter sa voix au sein de la Centrale, s’impliquer comme administrateur de la coopérative est rapidement devenu une évidence aux yeux de Mathieu. « Ça répond à notre mission et à une curiosité personnelle de pouvoir m'impliquer et mettre notre éventuelle expertise au service de la Centrale, explique-t-il, qui est le trésorier de la Centrale. Ç'a été dernièrement assez prenant en termes de temps, donc c'est parfois un enjeu personnel, de donner de mon temps bénévolement plutôt que de mettre mon énergie pour développer Boomerang! Mais les deux vont de pair. Pour nous, être à la Centrale, c'est stratégique parce qu'elle reçoit des demandes pour faire de l'économie circulaire pour faire de la déshydratation, et on hérite de ces demandes-là. Ça génère des opportunités de développement et de partenariat. »

L’administrateur, qui a son rôle à coeur, insiste sur l’importance de mettre de l’avant les besoins des membres dans les décisions de la Centrale. « Notre but, c'est vraiment de comprendre finement les besoins et les enjeux que vivent nos membres, et d’arrimer ces différents besoins, envie et développement pour mettre les ressources à l'endroit où on va pouvoir faire la plus grande différence. »

Pour que le rôle de la Centrale se concrétise en actions utiles et concrètes, encore faut-il que chaque membre se sente concerné et maîtrise bien les enjeux liés à la gouvernance d’une coopérative. « On a vu que c'était un enjeu, donc on prévoit aussi faire tout un plan de formation et de sensibilisation au mode de gouvernance OBNL et coop pour que tout le monde saisisse les enjeux de l'implication. On doit mieux impliquer les membres pour prendre de meilleures décisions qui correspondent le mieux possible à un consensus entre leurs différents besoins. »

Photo par Stéphanie McDuff

Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.