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Pause-pensée : La robustesse, pour la suite des choses

D’un monde stable et prévisible, nous sommes passés à un monde imprévisible, incertain, plein de rebonds et d’extrêmes. Les turbulences nous secouent. Exit nos chères moyennes qui donnaient, grosso modo, une bonne idée de la réalité. Ça, c’était dans un monde stable.

Aujourd’hui, il nous faut réfléchir en matière d’écarts-types, puisque les fluctuations soudaines sont désormais notre lot. Mais comment habiter la Terre et prendre soin les uns des autres dans un monde fluctuant?

Olivier Hamant, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement en France, soutient que, lorsque la prédiction devient quasi impossible, il faut revisiter nos stratégies. Et pour affronter les turbulences, il suggère de faire un pas de côté en troquant le concept de performance qui nous a si bien servi jusqu’ici pour miser plutôt sur le concept de robustesse.

On a beaucoup parlé de résilience pendant la période COVID, mais bien peu de robustesse. Distinguons les deux. En psychologie, la résilience est la faculté de se relever après une chute. La robustesse, c’est la faculté de ne pas chuter. C’est moins fatigant. Et moins dangereux. Autrement dit, la robustesse doit être en amont de la résilience. Car dans un monde passé en mode TGV et en forte intensité de ruptures, la chute peut être brutale.

Pour chercher les clés de la robustesse, Hamant s’inspire de la nature. En effet, si la vie se maintient dans la frêle biosphère depuis des milliards d’années, par-delà tempêtes et cataclysmes, c’est certainement qu’elle constitue un système robuste. Mais comment s’y prend-elle?

Olivier Hamant note d’abord les innombrables symbioses et systèmes complexes qui relient les êtres vivants les uns aux autres. Puis il remarque que tous ces systèmes laissent place à l’aléatoire, au redondant, à l’imparfait. Il constate que chacune des parties contribue à maintenir l’ensemble dans un équilibre pérenne et qu’enfin, les réseaux auxquels chaque partie contribue lui assurent, en retour, le flux d’information nécessaire à sa propre survie.

Par extrapolation, on peut supposer que, pour nous aussi, développer la robustesse voudrait dire nourrir l’ensemble pour pouvoir se maintenir individuellement, c’est-à-dire multiplier le nombre de possibilités en accueillant la diversité – une diversité qui inclut, plutôt que d’exclure, les moins performants. Car c’est exactement ce que fait la vie pour se maintenir : elle permet les imperfections. Il y a des graines qui ne donnent pas le fruit attendu et des animaux qui naissent déformés. Or, c’est justement cette diversité, semble-t-il, qui donne au système sa robustesse. Car ainsi sont conservées toutes les potentialités des plans B, même s’ils sont a priori moins performants.

Qu’il me soit permis de suggérer qu’en matière de robustesse, les coopératives sont un excellent choix. S’il faut de la diversité et de nombreux liens, l’association coopérative en regorge. En effet, le premier principe coopératif dit que la porte est ouverte à tous ceux et celles qui veulent participer. Amenez-en, de la diversité et des liens! De plus, la coopérative elle-même cultive ses propres liens : elle habite son territoire. Elle y puise ses forces vives. C’est ce qui la dote d’un précieux réservoir d’information, de connaissances du milieu, de savoirs uniques liés à son environnement et qui permet le développement des diverses compétences nécessaires en période turbulente. Car mieux comprendre son territoire, savoir entretenir des relations interpersonnelles et partager une éthique commune seront assurément de puissants atouts dans le monde de demain.

Olivier Hamant souligne d’ailleurs l’importance des organisations participatives liées au territoire dans la mouvance actuelle. Bien sûr. Comme les autres êtres vivants, l’homme existe pour occuper un espace et être en relation. C’est ainsi qu’il entretient de multiples possibles et conserve plusieurs voies de développement au sein d’un réseau qui accepte une performance individuelle inégale pour que l’ensemble bénéficie d’une bonne robustesse et puisse traverser les années, les générations, les crises. Voilà donc une nouvelle piste d’interprétation de cette formidable pérennité que présentent les coopératives enquête après enquête. 

Photo : iStock.com | AlexSava

Colette Lebel

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop

colettelebel@sollio.coop

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop