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Marc-André Roy : Tout donner au présent

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent », disait l’écrivain Albert Camus. C’est exactement ce que met en pratique Marc-André Roy, administrateur au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif.

La ferme laitière qu’il a reçue en héritage, lui qui incarne la quatrième génération établie dans cette entreprise de Disraeli, c’est à ses enfants qu’elle reviendra. Le processus de transfert est bien entamé.

Marc-André Roy est un homme de cœur pour qui la famille est un socle sur lequel repose tout son amour : sa compagne de vie et complice Nancy Lefebvre, leurs enfants Rébecca, Carl-Étienne, Daphnée, Benjamin et Charles, ses parents Jean-Claude et Monique.

Il a foulé le chemin de la ferme familiale sans trop en dévier, non par manque d’ambition ou d’intérêt pour ce qui se fait ailleurs, mais parce que, très jeune, il avait trouvé sa voie. Sa mère Monique se rappelle le voir « travailler » dans le carré de sable plutôt que de s’amuser comme la plupart des enfants. À la suggestion de ses parents, il a bien fait quelques stages ici et là dans d’autres entreprises – mais jamais longuement – avant de s’établir sur la terre que trois générations avant lui avaient façonnée. La Ferme Jal-Royal le comblait en tout point. C’était une évidence pour une de ses sœurs, Renée-Claude, qui se rappelle que son jeune frère avait toujours dit qu’il deviendrait agriculteur.

En toute connaissance de cause

L’entreprise diversifiée dans le lait, le bovin de boucherie, le porc et les grandes cultures qui a vu évoluer Marc-André était initialement une ferme de groupe, propriété de Jean-Claude, son père, d’André et de Luc, ses oncles. Sa formation collégiale sera le déclic qui viendra lui confirmer en son for intérieur qu’il est taillé pour ce métier. En 1993, après des études en agriculture au Cégep de Victoriaville, où il fait la rencontre de Nancy, il s’établit dans la ferme, alors la propriété de Jean-Claude, de son épouse Monique et d’André, Luc s’étant retiré cinq ans auparavant. L’année suivante, André quitte l’entreprise à son tour emportant avec lui les activités de production porcine. Marc-André fera l’acquisition de la ferme laitière en 2004 et mettra le cap sur la croissance.

L’entreprise compte aujourd’hui 100 vaches, 160 kilos de quota – que permettent de produire deux robots – trois poulaillers de poulets à griller sans antibiotiques, en production depuis un peu plus d’un an, et 324 hectares (800 acres) de terre. Carl-Étienne, 26 ans, formé à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe, s’occupe du secteur laitier et Rébecca, 27 ans, diplômée de l’ITAQ de Saint-Hyacinthe, est responsable de l’élevage avicole. « La formation est une nécessité, estiment Marc-André et Nancy, on gère des business de millions de dollars. »

« Lorsque nous étions enfants, on a toujours fait partie des discussions et des projets, se souvient Marc-André. Nos parents ne nous cachaient rien, la paie de lait était sur la table, on savait tout de la ferme. » L’entreprise étant en excellente santé financière, et les relations harmonieuses, le transfert s’est fait en douceur sous la forme vendeur-prêteur. Jean-Claude et Monique, toujours actifs dans l’entreprise à 77 ans, en ont financé une partie, pour ne pas placer Marc-André et Nancy sous l’emprise de dettes trop importantes. Leur processus de transfert a d’ailleurs été décoré du Prix relève Sollio en 2006. « On a pu continuer à investir, ajoute Marc-André. C’est un beau legs. Je veux faire de même pour ma relève. »

Cette reconnaissance a été l’occasion de jeter un regard dans le rétroviseur et de réaliser l’étendue du chemin parcouru, mais aussi de constater à quel point la relation parent-enfant était fusionnelle et complice. Marc-André se rappelle la visite des juges du concours et les questions qu’ils leur posaient. Les réponses de son père et les siennes sortaient pour ainsi dire de la même bouche. Ses parents, qui lui ont transmis des valeurs de respect et de travail bien fait, l’ont inspiré tout au long de sa vie, et il se tourne toujours vers eux pour un conseil, des mots d’encouragement, une réflexion.

« “Avant de faire plus, fais mieux.” “Tant qu’à le faire, fais-le donc comme il faut.” “Avec le travail, tu vas réussir pas mal tout.” Ce sont des phrases que mes parents m’ont répétées toute mon enfance et que je continue à me dire dans ma tête et qui m’ont aidé à réussir », assure Marc-André, qui a fait partie d’une des premières cohortes du Fonds coopératif d’aide à la relève agricole. Ses propres enfants ont aussi entendu ces phrases à maintes reprises.

Yvon Allard, un de ses enseignants au cégep, l’a également marqué avec une de ces phrases toutes simples, mais pleines de bon sens : « Le poil paie la tôle ». En bref, c’est le troupeau qui paie toutes les dépenses de la ferme. Il faut donc y apporter l’attention qu’il mérite et laisser tomber, ou du moins restreindre, les dépenses qui ne génèrent aucun revenu. La machinerie ostentatoire n’attire pas Marc-André. À la ferme, on a misé sur une forme de petite coopérative d’utilisation de matériel agricole (CUMA) à deux partenaires. Lui et Carl-Étienne se sont départis de leurs équipements servant à la récolte du foin, puis se sont associés avec un voisin, également producteur, pour acheter de l’équipement et le mettre en commun. Leur conseiller en gestion, Michel Vaudreuil, est d’ailleurs un partenaire de premier plan en ce qui a trait aux décisions financières de l’entreprise. Carl-Étienne et Rébecca peuvent également compter sur leurs expertes-conseils Audrey Sarrazin (laitier) et Béatrice Hamel (avicole) qui veillent aux bonnes performances de l’entreprise.

Devenir administrateur

Jean Claude Roy croyait qu’un producteur devait s’engager dans son milieu d’une façon ou d’une autre. Lui-même avait été vice-président de la coopérative de Disraeli, maintenant fusionnée sous VIVAVO groupe coopératif. Marc André lui emboîtera le pas, dès l’école terminée, auprès du Club Holstein des Bois-Francs. Il siégera aussi quelques années aux Centres régionaux et multiservices pour l’établissement en agriculture du Québec.

Marc-André déborde alors d’énergie et d’enthousiasme à réaliser son rêve d’être producteur agricole. L’entreprise est performante et va bon train. Avec Nancy, ils déposeront leur candidature au concours Jeunes agriculteurs d’élite du Canada, section Québec. Ils ne décrocheront pas la palme, mais la présentation de Marc André pour défendre leur candidature devant l’auditoire assistant à la remise des prix enthousiasme les dirigeants de VIVACO qui, souhaitant du sang neuf dans l’administration de la coopérative, le veulent pour siéger au conseil. « On veut des jeunes engagés et formés, tu es un modèle », lui a-t-on servi comme arguments. Fidèle à sa conviction de redonner au suivant, il se lance dans ce nouveau défi en 2014. Il deviendra le premier vice-président en 2017.

Puis, un concours de circonstances entraîne le départ d’une administratrice du conseil de VIVACO qui siégeait aussi à celui de Sollio Groupe Coopératif. Le président de VIVACO, André Normand, qui souhaite toujours voir un administrateur de sa coopérative au conseil de Sollio, propose à Marc-André de prendre la place laissée vacante. « Ça m’a fait un p’tit velours. J’ai accepté sur-le-champ et sans même consulter Nancy », avoue le producteur de 51 ans qui y siège depuis 2016. La pensée de revenir sur sa décision lui effleure même l’esprit.

Celle qui partage sa vie et leur relève lui apportent l’appui nécessaire, car les tâches et fonctions s’accumulent : gestion de la ferme, présence aux conseils de VIVACO et de Sollio, changements des habitudes de travail. Son agenda ne lui appartient plus. S’il s’est lancé dans cette aventure sans trop savoir ce qui l’attendait, il n’en est aucunement déçu. « Au conseil, tu fais partie de la famille en un clin d’œil, dit-il. On me dit généreux de faire ce que je fais, ce à quoi je réponds oui et non, car on n’a pas idée de ce qu’on reçoit en échange. C’est riche et précieux. »

Les deux font la paire

Marc André se dit de tempérament effacé et il ne monopolise jamais l’attention. Dans une salle de conférence, ne le cherchez pas aux premiers rangs. Vous le trouverez plutôt assis à l’arrière, concentré et l’oreille attentive. C’est un analytique pur. Au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif, il pose abondamment de questions. Pour favoriser la réflexion et le débat, dit-il.

S’il déteste les confrontations, il ne se laisse pas pour autant marcher sur les pieds. Marc André sait revendiquer ce qui lui est dû. « Je me décris comme un gars de compromis, mais qui tient à ses idées », résume-t-il.

Nancy, elle, est une véritable fonceuse. Sous son impulsion, les projets se multiplient. Elle appuie Marc André, le pousse à se dépasser. Sans elle, l’administrateur admet qu’il ne serait pas là où il est rendu. Pour faire image, le mur, lorsqu’il se dresse, Marc-André le contourne. Nancy, elle, va l’abattre. En revanche, dit-elle, « sans toi, je me serais rivé le nez ». Le couple est en symbiose. L’entreprise se diversifie par effet de levier. Aux productions agricoles se greffent l’immobilier (une soixantaine de portes à Victoriaville) et l’hôtellerie (des complexes à Saint-Michel-des-Saints et Pohénégamook), que gère Nancy. « Elle saisit les occasions qui passent », confirme Marc-André. Mais le risque est calculé. La Ferme Jal Royal a les reins solides et carbure aux projets. Sans être un défricheur, Marc-André adopte rapidement les nouvelles tendances. Les bâtiments avicoles seront bientôt entièrement modernisés. Du côté laitier, un troisième robot sera ajouté une fois l’étable agrandie d’ici un an ou deux. « La technologie attire les jeunes, il faut répondre à leurs attentes », dit celui qui s’est engagé auprès de l’Association des jeunes ruraux du Québec pendant six ans.

L’adoption

Tout donner au présent, pour Marc André Roy, c’est aussi être généreux envers ceux qui en ont le plus besoin. Comme ses parents l’avaient fait avec un de ses cousins, Olivier, qui avait perdu les siens, Marc André et Nancy ont adopté Charles, un ami et coloc de leur fils Benjamin, qui, en bas âge, a aussi perdu ses parents. Déplacé d’une famille d’accueil à l’autre toute son enfance, démuni et seul au monde, Charles, à 18 ans, avait besoin d’un solide point d’ancrage et de l’amour sincère d’une cellule familiale. C’est chez les Roy qu’il a trouvé refuge.

« Dans notre entourage, on nous trouvait donc bien bons, dit Marc André, mais pour nous, c’est venu comme un automatisme. On lui a dit : “Viens avec nous”. On avait un bel exemple d’une famille qui avait posé ce geste-là. Olivier, ç’a toujours été mon frère et Charles, c’est mon fils. » La famille l’a accueilli à bras ouverts. Charles a travaillé à la ferme et dans d’autres entreprises, et pratiquement tissé des liens de sang avec ses frères et sœurs d’adoption. « Je vous dois la vie », leur dira-t-il.

Au cœur des familles agricoles

Marc André Roy siège depuis plusieurs années au conseil d’administration de l’organisme Au cœur des familles agricoles (ACFA). C’est le président de Sollio d’alors, Ghislain Gervais, qui le lui a proposé, Sollio Groupe Coopératif étant un des plus importants donateurs de l’organisme. « Nous les aidons avec la gouvernance, la gestion, les finances », énumère-t-il. 

Marc André s’est attaché à l’organisme qui joue un rôle capital dans le milieu. Les besoins sont criants. Il y a lui-même eu recours lorsque sa famille a vécu des difficultés. « J’y ai trouvé beaucoup de soutien et une aide confidentielle, gratuite. Nous ne sommes pas invulnérables et ce n’est pas une faiblesse de demander de l’aide. » Cette cause a un sens tout particulier pour le milieu coopératif agricole, avec les valeurs dont il s’est doté. 

D’ailleurs, chaque fois que Marc-André entre dans la salle du conseil d’administration de la grande coopérative centenaire, il ne manque pas de lire ces valeurs, affichées bien en vue : honnêteté, équité, responsabilité, solidarité.

Marc-André a la profonde conviction qu’elles résonnent auprès des jeunes. « Reste à mieux leur faire connaître le milieu coopératif et sa structure unique qui ont tant à leur apporter », croit l’administrateur.

Photo par Chloé Boulet : Maxime, Rébecca et leur fils Loan, Marc André, Nancy, Carl Étienne, Karina et leur fils Jackson. « J’aurais beau avoir la plus belle entreprise et le coffre rempli d’argent, c’est de transférer la ferme qui est le plus important, croit Marc André. Les jeunes doivent pouvoir s’affirmer. Ils sont prêts à tout faire si on leur laisse la place. Rébecca, qui se fait aider par son conjoint Maxime, est minutieuse, bonne observatrice, c’est le bon fit avec la production avicole. Astucieux et inventif, Carl-Étienne est un gars d’action. Sa conjointe Karina l’appuie avec la comptabilité. »

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

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