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David Mercier : Le gaillard au grand cœur

Novago Coopérative

Nommé vice-président du conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif à 37 ans, David Mercier a un parcours professionnel que l’on a habituellement complété à un âge plus avancé. Itinéraire d’un enfant doué.

David termine sa scolarité sans embûche. Il se permet même de lire des romans pendant les cours, capable de suivre simultanément l’exposé magistral de ses enseignants.
Après le secondaire au Collège de l’Assomption, il s’évade à Sainte-Anne-de-Bellevue pour apprendre l’anglais et s’inscrit au programme de Gestion et technologies d’entreprise agricole au campus Macdonald de l’Université McGill, de 2001 à 2004. Les Dips, comme on appelle familièrement les étudiants de ces programmes de trois ans, sont une gang tissée serrée. Le bar de l’université, le Ceilidh (prononcer Kay-Lee), est souvent fréquenté par ces sympathiques et joyeux lurons. On étudie (un peu), mais on sait surtout s’amuser.

Son éloignement de la ferme familiale l’ouvre à d’autres visions de l’agriculture et du monde. Il adore cette expérience enrichissante qui lui fait rencontrer des personnes importantes qu’il fréquente encore aujourd’hui.

« Je me suis ouvert les œillères pendant ces trois années-là, partage David Mercier. Tu pars avec les idées de tes parents en te disant que ce doit être bon, mais à l’école, tu apprends autre chose, particulièrement dans les grandes cultures en ce qui me concerne. Le semis direct, le travail minimum du sol, les rotations, la compaction… Le professeur et agronome Serge Lussier était très allumé et nous sensibilisait beaucoup à ces façons de faire. On a fait des stages et des visites de fermes. Tu côtoies des Beaucerons, des Anglais, des Français, des gars de vaches, y’avait de tout. Je n’étais pas l’élève modèle et studieux, mais je faisais ce que j’avais à faire et je réussissais très bien. De retour à la ferme, j’ai implanté beaucoup de nouvelles techniques. »

Après sa formation, il revient à la ferme puis – son père n’étant pas prêt à amorcer le transfert – retourne aux études en finances à l’Université du Québec à Trois-Rivières (de 2005 à 2007), un domaine qui l’a toujours passionné, habile qu’il est avec les chiffres. La naissance de son fils interrompt son baccalauréat à mi-parcours. Le projet de relève de la ferme commence alors à s’enclencher. En 2012, il reprendra ses études en finances à raison d’un ou deux cours par session. Il complétera sa scolarité en 2017, mais ne décrochera pas le diplôme, faute d’un stage qu’il n’a pas eu le temps d’effectuer. Sa formation « pas de bac » sera un running gag parmi ses pairs.

Une vie trépidante

David est un solide gaillard, mais il a le cœur tendre, cet homme de 39 ans plein de vie et la tête remplie de projets. Il est difficile à faire fâcher. « Ça ne lui arrive pratiquement jamais », confirme sa conjointe Émilie Savignac, une fille de Repentigny qu’il a rencontrée au Collège de l’Assomption, à 15 ans. Et s’il est choqué, bien souvent à cause des aléas de la météo, il ne le reste pas longtemps.

Pas facile non plus de lui faire dire ce qui le bouleverse ou le révolte! Mais il y a des choses auxquelles David ne renoncera jamais : l’honnêteté, la persévérance, le respect de l’autre, le travail bien fait, l’engagement, la responsabilité. Des valeurs qu’il retrouve dans la coopération.

« David est toujours en mode solution, confirme Richard Therrien, l’expert-conseil avicole de Novago Coopérative qui cumule 43 ans de carrière dans le réseau. Qu’il s’agisse d’un problème lourd ou facile à régler, il a toujours la même approche, tout en cordialité et en simplicité. J’ai vraiment l’impression d’être avec un chum plus qu’avec un “client”. Que l’on se voie pour régler un problème ou jouer au golf, c’est avec le même plaisir. »

David et Émilie, qui célébreront bientôt 25 ans d’union, se sont mariés à 20 ans. Leur premier enfant, Samuel, aujourd’hui âgé de 16 ans, naîtra deux ans plus tard. Leur deuxième, Marianne, est âgée de 13 ans.

On ne s’arrête pas beaucoup, chez les Mercier-Savignac. Leurs deux enfants sont passionnés par le soccer. Samuel joue au niveau 3A un peu partout en province, et Marianne dans trois équipes locales, dont une que David coache depuis déjà six ans. La vie du couple tourne autour du ballon rond. Une sympathique communauté où de belles amitiés se sont forgées. Pratiques et matchs leur demandent une vingtaine d’heures par semaine. L’enseignement au primaire, à Repentigny, occupe Émilie pendant l’année scolaire. David gère l’entreprise avicole et de grandes cultures Mercier et Beaudry inc., de Saint-Roch-Ouest, dans la région de Lanaudière. Les conseils d’administration de Novago Coopérative et de Sollio Groupe Coopératif retiennent deux à trois jours de son temps toutes les semaines.

Le couple fonce malgré tout avec joie dans la vie et arrive à glisser, ici et là, dans son horaire chargé, une semaine de vacances. Passionnée d’histoire, lectrice vorace, Émilie adore les romans d’horreur et policiers et le théâtre. David est passionné d’émissions et d’événements sportifs (soccer, basketball, baseball, hockey, vélo, tennis…). Des séries télé leur permettent aussi d’abaisser la pression et de s’évader momentanément d’un quotidien réglé au quart de tour.

La relève prend le relais

L’entreprise Mercier et Beaudry inc., du nom de ses parents, Claude Mercier et Monique Beaudry, et dont David a pris la relève en 2010, est en croissance. On y produit, avec quelque 6800 m2 de quota, 1,7 million de kg de poulets par année. Il a récemment acheté et construit des bâtiments d’élevage, acquis des terres et du quota. La consommation de viande de poulet est toujours en forte augmentation au Canada et dans le monde. Dans ce contexte favorable, il en convient, notamment grâce à la gestion de l’offre, il projette, malgré l’endettement, de construire d’autres poulaillers. « Je suis de nature positive. Les obstacles, c’est fait pour être surmonté », croit-il.

Une petite partie de la production de son entreprise est réalisée sans antibiotiques et Certified Humane pour combler un marché de niche. Les grandes cultures s’étendent sur 170 ha (420 acres). Bien entouré par des employés, ses amis et les membres de sa famille, David délègue de multiples tâches. Tous entièrement autonomes, ils prennent eux-mêmes de nombreuses décisions. Car entrées et sorties de poulets s’enchaînent à un rythme effréné. « Il faut être structuré, assure l’administrateur. C’est challengeant et je réalise à quel point ils sont bons. Sans eux, je n’aurais pas bâti de nouveaux poulaillers. »

David est la quatrième génération à s’établir dans l’une des exploitations avicoles de la famille Mercier. La relève de la vaste entreprise familiale est multiple. Elle gère plusieurs exploitations distinctes, développées au fil des générations. Sœurs, conjoints, cousins, oncles, tantes, chacun s’installe à sa façon, essentiellement dans le secteur de la volaille. D’autres membres du clan feront carrière dans l’optométrie.

David n’a que 25 ans lorsqu’il prend entièrement possession de l’entreprise, après une courte cohabitation avec son père. Il construira sa maison à deux pas de la résidence familiale de ses parents, qu’avait aussi occupée son grand-père, Laurent Mercier, un des pionniers de la création du Plan conjoint des producteurs de volailles du Québec, élu au Temple de la renommée de l’agriculture du Québec. Ardent défenseur des droits des producteurs avicoles, Laurent sera notamment président de la Fédération des producteurs de volailles du Québec de 1976 à 1989 et président de l’Office canadien des producteurs de volailles en 1989 et 1990. David chérit cet héritage et lui rend honneur.

Au décès prématuré de son père, en 2014, le jeune aviculteur parvient à combler cette lourde et douloureuse perte par la bienveillance de gens de son entourage. Sa famille, ses proches, ses amis. « J’ai eu des papas un peu partout », dit-il avec émotion. Des gens de bonne volonté qui l’ont appuyé, conseillé, aimé.

Robert Perreault, ancien président de Profid’Or, une des coopératives fondatrices de Novago, est l’un d’eux. Une forme de père adoptif. Un homme d’une grande gentillesse, tourné vers les autres, aux valeurs coopératives profondes, qui a été un précurseur et un facilitateur dans le mouvement de fusion des coopératives du réseau. « Il m’a pris sous son aile et a su me guider dans mes relations et mes façons de me comporter, témoigne David. Un chic type que je côtoie toujours et qui m’a appris que quand tu travailles en équipe, ce n’est pas d’être le meilleur de l’équipe qui compte, mais d’avoir la meilleure équipe pour atteindre un but commun. »

« David fait preuve d’une grande maturité, partage Robert Perreault. C’est un homme brillant qui ne craint pas de foncer. S’impliquer, c’est facile pour lui. Il sait écouter tout en prenant sa place, et toujours dans le plus grand respect. »

Le rendez-vous familial dominical chez sa grand-mère est une autre source de réconfort et de partage où l’on jase abondamment de production avicole. De même, Gratien Allard, un ami de son père, continue d’être pour lui un solide conseiller en grandes cultures. « C’est une de mes références », dit David. Sa gang du cégep également, dont un de ses grands amis, Jacques Cloutier, aviculteur chevronné et agroéconomiste. Et bien sûr, les experts-conseils de Novago Coopérative : Richard Therrien, Jacques Paiement, François Lefebvre et Jean-Jacques Desrosiers, ambassadeurs de ce château fort de l’aviculture dans ce territoire, qui suivent l’entreprise depuis quatre décennies.

La coopération, carnet de route

Sur un coup tête, David, qui est alors encore aux études en finances, se lance et trouve place au conseil d’administration de Novago Coopérative (alors Profid’Or) à 29 ans, en 2014. Ils seront deux ou trois jeunes à y siéger. « Le reste du conseil ne cherchait pas à nous tasser dans un coin, au contraire, on nous donnait beaucoup de place, apprécie David, qui se frayera un chemin jusqu’à la vice-présidence. En plus, je pouvais appliquer ce que j’apprenais à l’université à la fois dans mon entreprise et à Profid’Or. J’ai eu la piqûre dès le début. »

La venue de David au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif a été propulsée par un ardent défenseur de la coopération, Luc Forget, qui y était administrateur et vice-président, de même qu’administrateur au CA de Profid’Or. Avant de terminer son mandat au conseil de Sollio, Luc contribue à trouver un administrateur qui lui succédera. « David était l’homme de la situation, raconte Luc Forget. Il avait toutes les qualités et les bonnes valeurs pour effectuer ce travail. Il a un bon jugement. Il ne confronte pas les autres, il collabore. Et il est jeune. Je jugeais important qu’il y ait plus d’aviculteurs au CA de Sollio afin que David puisse y transmettre les préoccupations de ce milieu. »

Quatre ans après son entrée au CA de Novago, en février 2018, David passe au conseil de Sollio Groupe Coopératif. Il a 32 ans. « Luc Forget m’a ouvert la porte chez Sollio, il m’a bien vendu », reconnaît David.

Il est temps pour lui de faire ses preuves. L’arrivée chez Sollio ne sera pas facile. « Un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois, dit-il. Au conseil, au début, on m’a dit de me placer en mode écoute. J’étais jeune, fringant et naïf. Je voulais constamment intervenir. Personne n’est parfait, ou connaisseur en tout, et je n’ai pas la prétention de l’être. On est 15 autour de la table, il faut que l’apport vienne de tous. À 15, on est plus intelligent que seul. »

« J’étais désorganisé avant d’arriver chez Sollio, confie David. Mon père était un grand faiseur, il en menait large et il gérait au jour le jour. J’ai été élevé comme ça. Je n’avais pas d’agenda. Mais là, je n’ai plus le choix. Les réunions du conseil sont prévues deux ans d’avance. »

Trois ans plus tard, il accède à l’exécutif, puis à la vice-présidence. Il nourrira son insatiable curiosité en participant successivement à tous les comités du conseil : gouvernance, responsabilité d’entreprise, ressources humaines... « Dès qu’une place se libérait, je levais la main. Je m’entends généralement avec tout le monde et je crée facilement des liens. »

« Un grand pouvoir vient aussi avec de grandes responsabilités, rappelle David. Il faut côtoyer les membres, accepter la critique. Les producteurs veulent réussir, et le rôle de la coopérative, c’est de répondre à leurs besoins. Tout comme dans nos propres entreprises, on gère un patrimoine collectif qu’on veut léguer en bonne santé. »

Son fils Samuel, la cinquième génération, souhaite étudier en agriculture. David l’aidera et favorisera son intégration. Tout comme pour sa fille, si elle s’y intéresse. Le producteur a déjà les yeux fixés sur la relève qui provoquera, sans aucun doute, une nouvelle vague de développement.

Photo par Christophe Champion

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

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