Un drone en CUMA
La CUMA des Basses-Laurentides gagne en précision et en efficacité grâce à l’utilisation d’un drone, le plus récent ajout à l’équipement mutualisé.
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La Coopérative d’utilisation de matériel agricole (CUMA) des Basses-Laurentides dessert 70 membres actifs et possède 64 équipements agricoles. On y retrouve des épandeurs à fumier, du matériel de travail du sol comme des herses, des systèmes d’irrigation et, depuis peu, un drone.
Un investissement collectif
L’achat, réalisé la saison dernière, est d’une valeur de 60 000 $ et comprend :
- Un petit drone destiné à la cartographie des parcelles;
- Un grand drone conçu pour l’application d’engrais granulaires (engrais minéral) et l’arrosage de pesticides ou de fongicides (quand ils seront homologués);
- Une génératrice;
- Deux réservoirs (40 L et 55 L).
Parmi les trois membres qui utilisent le drone, on retrouve Marc Vincent, copropriétaire du Domaine Vincent, un verger de 100 ha acquis en 2006. Marc est aussi fondateur de Naturpac, une coopérative pomicole qui regroupe 16 producteurs et offre des services d’entreposage, d’emballage et de distribution des pommes.
Le pilote certifié du drone est Zavier Vaillancourt, responsable de l’innovation chez Domaine Vincent et diplômé en technologie du génie électrique du Collège Lionel-Groulx. Il détient le Certificat d’opérations aériennes spécialisées (COAS) de Transports Canada.
Du sol au ciel : repenser l’épandage
Le drone a d’abord été acquis pour se préparer à l’utilisation de certains pesticides et fongicides qui seront éventuellement homologués au Canada. Actuellement, l’équipement est en phase de test sur une parcelle de six hectares, en collaboration avec le club-conseil agricole de la région : Agro-Pomme. Ce travail préparatoire avec des agronomes permet de former le pilote responsable et d’affiner les protocoles d’utilisation en vue de l’autorisation de ces produits.
L’objectif premier était de réduire la compaction des sols argileux sur cette parcelle. L’usage du drone pour la pulvérisation offre également un avantage important en matière de santé et sécurité, suggère Marc : les travailleurs ne sont exposés aux produits qu’au moment du remplissage de l’appareil, plutôt que pendant les quatre heures qu’exige un traitement réalisé au tracteur.
Par ailleurs, le drone s’est rapidement révélé comme un outil performant pour l’application d’engrais granulaires et a aussi contribué à réduire la compaction des sols tout en améliorant la précision de l’épandage.
« J’ai d’anciens vergers avec 10,5 m (35 pi) de large entre les rangs. Avec un tracteur, il est difficile d’être précis. Le drone, lui, permet de déposer l’engrais exactement dans la bande souhaitée, en ajustant la vitesse du disque pour contrôler la largeur d’épandage », explique Marc.
Les résultats constatés
Déjà cette année, de nombreux avantages ont été constatés :
- Réduction estimée de 30 % de l’utilisation d’engrais minéral;
- Distribution plus précise, adaptée à la largeur souhaitée;
- Plus de flexibilité d’épandage malgré la météo;
- Amélioration observée sur la fermeté des pommes, la taille de certaines variétés et la couleur du feuillage;
- Réduction du bruit;
- Diminution du coût d’entretien par rapport aux tracteurs.
Le temps d’application reste similaire à la méthode traditionnelle avec les tracteurs, mais le gain environnemental et économique est notable. « En une seule année, l’investissement du drone semble déjà rentabilisé », ajoute Marc.
Adaptabilité selon la météo et précision
L’un des atouts majeurs du drone est la possibilité de l’adapter aux conditions météorologiques. Grâce à une station météo installée sur le site, l’opérateur peut ajuster la carte de vol. Par exemple, un vent de 15 km/h venant du sud-ouest impose de décaler la trajectoire d’un mètre pour garantir que l’engrais tombe au bon endroit.
La précision de l’engin a été tellement efficace en 2025 que la parcelle qui a reçu l’engrais volant n’a pas vu l’ombre d’une roue de tracteur. « On n’a fait aucun traitement au tracteur dans la parcelle de six hectares traités au drone », souligne Marc. Pour 100 ha, son exploitation combine actuellement six tracteurs et le drone.
Mutualiser l’expertise, pas seulement l’équipement
Pour Marc, l’intérêt de la CUMA ne réside pas seulement dans le partage de matériel. « Zavier est pour l’instant le seul opérateur du drone, mais grâce à la CUMA, il peut être engagé par d’autres membres », précise le producteur. C’est ça, le modèle de l’avenir : mutualiser l’expertise pointue en mécanique, en automatisation et en robotisation, explique-t-il.
Il parle même du retour du concept de la coopérative d’utilisation de main-d’œuvre (CUMO) pour répondre au manque de relève agricole. Selon lui, ce modèle pourrait non seulement pallier le manque de main-d’œuvre, mais aussi faciliter l’intégration de nouvelles technologies et la maintenance des équipements.
Un rôle clé dans l’innovation agricole
Marc Vincent affirme que sans la CUMA, l’achat du drone aurait été repoussé de quelques années. « C’est un gros investissement et on ne savait pas si ça fonctionnerait réellement. La CUMA, c’est un bon vecteur pour innover, car on peut tester de l’équipement et des technologies, tirer des conclusions de nos tests et ensuite élargir l’utilisation. »
En bref, l’expérience de la CUMA des Basses-Laurentides démontre comment la mutualisation peut accélérer l’adoption de technologies innovantes. Le drone ne se contente pas de voler au-dessus des vergers : il incarne une nouvelle façon de travailler ensemble, où l’on partage non seulement les machines, mais aussi les savoir-faire. Pour Marc Vincent, ce modèle coopératif est « plus pertinent que jamais pour relever les défis agricoles d’aujourd’hui et de demain. »
La CUMA des Basses-LaurentidesFondation : 1999 |
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Cet article est paru dans le Coopérateur d'octobre 2025.